An de grâce 248. Depuis quelque temps déjà, la cité d’Eltharia avait adopté un comportement isolationniste. Le départ de Cypher en était la principale cause. Désormais seule et à la tête d’une cité renaissante qui s’enrichissait de plus en plus, Deis avait perdu son entrain et sa soif de pouvoir. La vie sans son seigneur était devenue morne et dénuée d’intérêt. Ces trois années passées en exil dans les marais de sa bien-aimée Gramée n’avaient été nourries que par l’espoir d’obtenir la rédemption de Cypher concernant sa fuite. Mais à quoi rimaient tous ses efforts maintenant qu’il était parti ?
Sa décision avait été prise depuis bien longtemps déjà. Les paysans avaient abandonnés leurs champs, et nombreux étaient ceux qui laissaient leurs outils pour devenir fantassin. L’armée d’Eltharia croissait lentement, et Deis avait attendu patiemment que celle-ci soit suffisamment puissante pour être capable d’anéantir au moins une muraille ennemie. Le temps était venu. Elle aurait pu attendre plus longtemps, le temps que son armée soit suffisemment puissante, mais là n’était guère son but…
La jeune femme, vêtue d’une armure noire et tenant entre ses mains une lance aux reflets argentés, faisait face à son serviteur qui demeurait silencieux en attendant ses ordres.
« Réunis tout être capable de porter une arme devant les portes de la cité. Nous devons partir avant que la nuit n’ait étendu son domaine dans nos marais. » Dit-elle sèchement.
« Dame, je vous demande d’y réfléchir à nouveau. Qu’apportera cette guerre si ce n’est notre perte à tous ? »
« Silence ! Tu devrais être fier d’avoir été choisi pour servir Amk’Cherk ! Notre mort ne sera pas vaine ! »
« Je suis infiniment désolé, dame, et je me sens honoré de servir l’Unique. Cependant, le seigneur Cypher n’est pas mort. Ne se peut-il pas qu’il revienne un jour ? »
Deis ignora cette remarque, sachant au fond d’elle que ces paroles n’étaient destinées qu’à rendre douteux son jugement.
« Je vais de ce pas rendre à Amk’Cherk ce qu’il m’a accordé…Nos hommes se battront mieux s’ils sont persuadés que le combat qu’ils mèneront décidera de leur destin. Battez-vous ou mourrez ! »
Ce que l’Unique lui avait accordé…La vie. Il était temps pour elle de payer sa dette, et de montrer comment une femme mourrait en Gramée. C’était là son unique désir : mener une dernière guerre contre l’ennemi, et montrer qu’elle était restée fidèle aux siens jusqu’au bout. Cypher n’étant plus à ses yeux, son existence ne rimait plus à rien. Ses belles victoires étaient lassantes si elle ne pouvait les dédier à quelqu’un. L’unique souvenir qu’elle désirait emporter lorsqu’elle disparaîtrait dans les flots d’un combat sanglant, c’était ce raid sur Orcum qu’elle avait mené avec son seigneur. C’était ce souvenir qu’elle avait décidé de protéger, et la sensation qui y était lié qu’elle désirait ardemment retrouvé. Voilà la raison pour laquelle elle partait aujourd’hui : pour retrouver l’exaltation d’un ultime combat mené au nom de son amour pour son ancien seigneur, et de son Dieu qu’elle avait servi aveuglément.
« Egorgez les invalides, faites brûler les champs et envoyez tout ce qui est précieux aux autres cités Graméennes Je préfère encore détruire ma propre cité que de laisser nos richesses à l’abandon des félons ! »
« Tuer les invalides… ? »
« Sacrifiez-les à l’Unique ! »
« Mais, Dame… »
« Chercherai-tu à finir bien haut sur un pal, maroufle ?! »
« Non, bien sûr que non, je ferai comme bon vous semblera ma dame… »
« Très bien. A présent, fi donc, maraud ! »
Le serviteur s’exécuta, et Deis fit sceller son noir destrier avant de rejoindre les troupes d’Eltharia qui s’était réunies devant la cité. Celle-ci était dévorée par les flammes qui se propageaient des champs jusqu’à la ville et les anciens appartements de Deis. Elle regarda sans regret aucun sa cité, puis prit la tête de ses armées, brandissant sa lance en hurlant :
« Que sonnent les cors de la Vengeance ! Amk’Cherk nous guidera dans les terres impies de nos ennemis ! Brûlons, pillons, massacrons jusqu’à notre dernier souffle ! Que notre rancœur et notre haine s’abattent sur ces hérétiques telle une vague noire de chaos ! Que ceux qui reculent soient tués ! Gloire à l’Unique ! »
Les soldats reprirent les paroles de la jeune graméenne en chœurs, hurlant à leur tour un « gloire à l’Unique ! » en levant leurs armes et en avançant fièrement. Lentement, les derniers soldats d’Eltharia suivaient leur maîtresse pour lancer un ultime assaut, le cœur empli de fierté et d’excitation. Deis savait pertinemment que cette guerre mènerait à sa mort, mais elle avait déjà prit sa décision. Son suicide servira la Gramée, une dernière fois…
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