Le visiteur qui se serait promené sur les remparts de Melit Aend ce jour là aurait été témoin d'une scène jusqu'alors inhabituelle dans la capitale de Gramée. Dans un grand espace clôt, près du palais, une centaine de combattants se ruaient à l'assaut les uns des autres. Même à une distance respectable, on pouvait entendre le fracas des armes et les cris de guerre.
En se rapprochant, notre curieux se serait aperçu que les armes (des épées courtes et des dagues) étaient mouchetées, mais que les coups étaient réellement portés. Cela laissant augurer nombre d'ecchymoses et autres contusions, voire quelques fractures.
Il aurait aussi pu voir que tous les combattants portaient le même accoutrement. Armure d'entrainement renforcée, bottes de cuir souple et casque avec protection faciale qui leur cachait entièrement le visage.
En se rapprochant encore un peu, il n'aurait pas pu ne pas constater que tous ces farouches combattants étaient tous du sexe féminin.Alors, notre visiteur aurait compris qu'il assistait a un des entrainements de la Légion Feld, la garde d'élite de la nouvelle intendante, Sophréna Osgarth.
Ces légionnaires étaient des femmes de tous horizons, venues en Gramée comme esclaves ou de leur plein gré. Toutes avaient montré d'excellentes dispositions au combat et avaient accepté le culte sanglant du dieu de la Gramée. Elles servaient leur maîtresse avec un dévouement sans faille et la suivraient jusqu'à la mort. La capitaine de cette Légion, une géante empersoise, venait de succomber pour la troisième fois sous les assauts répétés de sa rivale. Lorsque cette dernière retira son casque, il ne fit plus aucun doute à notre curieux qu'il avait devant lui la maîtresse de la Gramée. Elle tendit la main à la femme à terre pour l'aider à se relever et dit alors d'une voix forte :
« Il suffit ! C'est assez pour aujourd'hui ! »
Les combattantes cessèrent le combat presque instantanément. Sophréna reprit :
« Je suis fort mécontente ! Votre prestation était lamentable et vous ne tiendriez même pas dix minutes face au plus faible des guerriers d'Empersiste. Même toi, Arelda, qui est censée être la meilleure de toutes, tu ne ferais pas le poids. Je n'ai pas besoin de femmelettes dans ma Légion. Si la guerre et le sang vous font peur, allez faire des gosses ! Dans le cas contraire, donnez le meilleur de vous même et concentrez vous sur l'ennemi. Ce doit être lui, le mort. Pas vous ! Maintenant, allez vous laver et vous changer. Vous sentez plus fort qu'une couvée de crapauds des marais ! »
La tête basse, les guerrières rentrèrent dans leur caserne. Sophréna prit la direction du palais, un petit sourire en coin. Elle y avait peut être été un peu fort, mais elles avaient besoin de motivation. Sa garde d'élite n'avait rien, comme elle l'avait insinué, d'un ramassis de femmelettes, et ces légionnaires pouvaient donner du fil à retordre à bon nomnbre de combattants mâles. Elle était fière d'elles, mais cela devait rester secret. Elle allait maintenant elle aussi se changer et se laver, avant de se rendre au temple où elle apporterait son offrande quotidienne à l'unique.
Resté sur place, notre curieux se retrouvait alors seul et plus rien ne pouvait laisser penser qu'un combat sauvage avait eu lieu sur cette place peu de temps auparavant.