Campagne d'Ephyne

Automne 411, à proximité d’Ephyne, Empersiste.

Les troupes d’Ostombe ont quitté la cité sainte du Ciran voici près d’une saison et les hommes sont las. Une longue marche, une longue procession pour rejoindre la colonne kandrasienne à proximité de la Belle. Aujourd’hui j’ai dû renier jusqu’à mes vœux les plus pieux en affirmant à un soldat qu’il gagnerait son salut devant Ephyne. Je ne sais pas, je ne sais plus. Ces écrits seront sans nul doutes perdus lors de cette campagne ou mis au secret pour les quelques dizaines d’années qu’il me reste à vivre : le monde de Gaed est en train de sombrer et je participe peut-être à ce chaos.

Gaed, apporte moi ton soutien, éclaire moi : nous n’avons jamais autant eu besoin de tes paroles qu’en ce jour où un archevêque d’Ostombe marche à la tête d’une armée contre l’intendant d’Ephyne. Je ne cherche pas d’excuses ou de prétextes à ma conduite, je suis fatigué des faux semblants, des mensonges et des trahisons. Je suis fatigué de devoir sans cesse négliger ma foi et mes croyances pour ce que je crois être juste.

Les jours à venir vont mettre les hommes a rude épreuve : nous allons combattre nos frères à cause de la folie d’un homme et de son père. De nombreux soldats commencent à douter : les hommes parlent, ils grimacent, se plaignent voir désertent pour certains et je ne saurais les en blâmer. Nous marchons vers l’enfer et certains estiment que je devrais en être fier et heureux. Quelle absurdité ! Nul victoire ne nous attend, notre monde va connaître une profonde défaite et elle est inéluctable. Le sang des fidèles à Gaed va couler et je maudis l’engeance des Crykas pour ça : ils ont failli à leur mission et ont trahi leur parole mais pire encore ils enfoncent notre civilisation dans un marasme de corruption et d’avidité. Méloï a envahi jusqu’à nos propres conseillers, au Ciran, qui influencent nos décisions et nous inclinent à fermer les yeux sur la Mission que nous a confiée notre Guide.

Voici trop longtemps qu’une telle décision se devait d’être prise : nous devons mettre un terme à ce problème et ce avec la plus faible effusion de sang possible. Des missives seront envoyées aux seigneurs concernés et en premier lieu à Osmad et au Saint Ordre. Gaed a besoin de chacun, non pour mener la guerre mais pour construire la paix. Puissent ses fidèles entendre la raison et renier la corruption et les promesses d’Ephyne. Le clergé doit retrouver la place qui est sienne à la Belle et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y établir la paix et la piété dans le respect de Gaed.

Entrée du camp Ciranien.

Les gardes ne l'arrêtent pas, ce cavalier qui portent un semblant de blason ciranien. Celui-ci se dirige vers la tente de l'Archevêque.
A l'entrée, il laisse un message, puisque l'accès est interdit aux hommes de troupes.
Le sceau intact qui orne la missive n'est ni celui d'Ostombe, ni celui d'Osmad. C'est celui d'Ephyne, la cité qui se dresse encore fièrement.
L'archevêque reconnait bien sûr le sceau haï, il le brise, pour lire une missive pour le moins surprenante.

Citation :

Messire Archevêque,

Nos divergences d'opinion sur la façon de mener le monde Gaedien à son apogée se sont aujourd'hui cristallisées en une querelle qui risque d'être meurtrière pour les deux camps. Ma manière de mener ma politique étrangère peut paraître très agressive. J'ai hérité cette politique de mon père, tentant de la continuer, bien qu'elle soit délicate par moment.
J'ai bien conscience que ces quelques lignes ne peuvent vous convaincre, et j'en suis navré, mais l'idée même de faire alliance avec les Kandrasiens, dont vous ne pouvez approuver la conduite expansionniste, est pour moi à rejeter.

C'est pourquoi, Messire Archevêque, je vous propose de rappeler vos troupes en Ciran, où elles ne seront ni en danger de trahison, ni de maladies, ni de famine.
Bien sûr, pour que nous puissions discuter de nos différences, je jure sollenellement de comparaître devant un tribunal Gaedien après votre départ des terres Empersoises.

Que je sois honni si je parjure,

Que Gaed nous sorte de cette impasse,

Thomas de Crykas, Intendant d'Empersiste et Régent d'Ephyne.

La signature du concerné ornait la page. Lorsqu'on voulut interroger le cavalier, celui-ci était déja parti.

L'archevêque Dylan Selden s'était isolé plusieurs heures dans sa tente, demandant à ce qu'on ne le dérange pas. D'aucuns disaient qu'il avait prié Gaed, d'autres plus fourbes, que Méloï était devenu son mentor. Il avait besoin de réfléchir : Thomas de Crykas proposait tout simplement de se soumettre à la gaedienneté, d'accepter la justice des représentants du clergé et de se soumettre au verdict divin.

Il était encore possible d'éviter les combats, encore possible de sauver des vies humaines et Ostombe avait pour devoir d'y réfléchir, de soupeser le poids des vies face à celui des idéaux. Un tel choix n'était guère aisé, fallait-il poursuivre jsuqu'au bout et laisser la Kandrasie, Alanor, piller Ephyne alors que la famille de Crykas acceptait la loi de Gaed ? Mais pouvait-on accepter ce risque, accepter de laisser une chance encore et encore au despote qui faisait régner sa loi depuis tant d'années sur Empersiste ?

"Faites convoquer le capitaine Gerald, nous avons à parler."

Le jeune prêtre qui se tenait à portée de voix s'inclina et gagna les tentes des militaires : des décisions allaient être prises et le sort du monde de Gaed se jouer.