Le clapotis des vagues tintait aux oreilles comme une main bienfaisante caressant la joue d’un enfant. Le Souh’Yshmei, grand océan du Sud du grand continent, était comme à l’accoutumé magnifique ; Bleu turquoise par endroits, bleu ténébreux au large et il pouvait prendre des couleurs rougeâtres avec l’accumulation d’algues et de brumes vivantes sous les eaux, telles un nuage ou un banc de poisson changeant au gré du courant et de la douceur des eaux.
Le ciel n'était pas différent des autres années ; peu de nuages à cette saison, il fallait d’ailleurs veiller à se couvrir pour éviter l’étourdissement du marteau solaire. L’océan avait des vertus vivifiantes, mais le soleil pouvait rappeler qu’il était maître quelque soit la fraîcheur et la délectation du Souh’Yshmei qu’il surplombait.
Ainsi, les Rem’Yshmes, fils du Souh’Yshmei s’activaient, couverts de leurs toges de saison habituelles, larges capuches recouvrant leurs crânes rasés, et leurs corps glabres et musclés, tantôt disposants de tatouages tels les Rem’Yshmes de Takkel Yshma, capitale de la Souhnak, tantôt des peintures sur les épaules signifiant leurs statuts ou responsabilités.
Le pont du navire était large et propre, un fleuron parmi tant d’autres de la grande flotte que le Jadïadah, le Sage de la Souhnak, Prince Kenaha Harij, avait bâti dans les immenses chantiers d’Yshlé Lohas, la Baie des Lunes ; La cité des démesures, comme l’appelait les étrangers, impressionnés par la taille des bâtiments, des temples, des murs et enceintes et aussi du grand port de la Souhnak ; vaste baie entourée sur plusieurs lieues de bâtisses et comptoirs accueillants les plus beaux navires de Retrahant. Toutes les contrées parcouraient des dizaines voir plusieurs dizaines de mois pour atteindre la Souhnak pour échanger et acheter. Les comptoirs étaient toujours pleins et même après l’invasion des marchands de bonheur il y a quelques temps de cela, les comptoirs ne cessèrent d’être jalonnés d’épices, de bijoux, d’orge, de chèvres, de dattes, de poteries et jarres, de vins et liqueurs, d’habits et tissus soyeux, de dromadaires et chevaux Yshm, d’animaux venimeux, d’appareils étranges et verreries, d’innovations, de livres et reliques anciennes et enfin de navires et d’armes.
Le Jadï, comme appelé si simplement parmi les populations de la Souhnak et d’Orcum, avait transformé le petit port de pèche en un vaste marché, un arsenal géant, une cité des démesures qui dominait bon nombre de ports en Retrahant.
Désigné comme le second de l’Akathaïadah, le Prince des Princes de la Souhnak, il veillait constamment sur Yshlé Lohas et Orcum, parlant de la Triade comme le bastion de la réussite Orcumienne…
Le Rem’Yshme est toujours discipliné et organisé, il est toujours prêt à sacrifier sa vie pour son Prince et sa cité. Durs à cuir, ils ont la fâcheuse habitude à persévérer alors même que certains cas sont impossibles à résoudre. C’est ce qui permet à la pèche d’être fructueuse et à la cité d’être belle…
En ce jour, rien n’avait changé. Les supérieurs s’activaient sur le pont et regardaient par-dessus le bastingage pour veiller à rester dans les temps. Ils marchaient rapidement d’un côté à un autre pour vérifier les cordages, pour motiver les rameurs avant de battre le rythme. Nul besoin d’esclaves pour ce genre de besogne alors même qu’ils ne seraient qu’une perte de temps et d’énergies, rien que pour les dresser et les obliger à obtempérer. L’esclavagisme restait essentiellement Diospyr.
Le chef de trirème s’appuya sur la ligne de boucliers accrochés autour du gouvernail en formes de plume géante et sortit un appareil lui permettant de voir plus loin ; digne invention de nos chers érudits de Takkel Yshma.
Le cri vint par derrière, le chef d’une trirème se tenait sur l’éperon en bronze de taille moyenne et attaché un cordage faisait passer le message du départ.
Les deux longues colonnes de trières se dessinaient à l’avant et l’arrière du navire pour faire place au loin à la longue ligne de bâtiments ennemis.
Le crieur prit place sur l’éperon avant et fit passer le message alors que le chef de trirème appela à tirer les mécanismes et armer… Les cliquetis rapides laissèrent ensuite place à un son discontinu et décroissant au fur et à mesure que les Rem’Yshmes poussaient sur le levier. Un marin avec une torche enflamma les projectiles et le battement de la flotte d’Yshlé Lohas donna le train. Les longues colonnes levèrent leurs rames comme un banc d’Ibis coordonné, puis plongèrent ensemble dans le Souh’Yshmei pour en tirer la résistance et faire avancer le navire.
Les pirates avaient été défaits ces derniers temps grâce aux nouvelles puissances Rem’Yshmes ; Takkel Yshma, Gartak et Yshlé Lohas allaient enfin décider du sort de l’Océan.
C’est lorsqu’un cor partant dans les aigus vibra, que les mécanismes lâchèrent le déluge de flammes dans les airs, soufflant la mort sur le Souh’Yshmei et envoyant par le fond les dernières armées barbares de la Souhnak. L’Armada Rem’Yshmes prenait vie.
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