Le prism Erastan ed Ilsta'Adiad se tenait dans la forteresse Eterd, au sommet du donjon principal. La structure du bâtiment n'était pas sans rappeller celle des traditionnelles citadelles kandrasiennes à la différence prêt qu'ici le donjon était entièrement réservé au prism et à sa famille. La salle du conseil, les bâtiments religieux et les appartements des invités de prestige se situaient en d'autres lieux. Une sorte d'Eterd au sein de l'Eterd où déambulait le paladin d'Erus, chargé de la défense des terres du Sud depuis déjà neuf années. Ces neuf années avaient vu deux changements de régence sans que la mission d'Ilsta'Adiad ne s'en trouve modifiée et sans que de francs et décisifs succès ne viennent confirmer la réelle efficacité de la place forte.
De poste militaire stratégique, la ville s'était vue transformée en sorte de cité économique, au départ par simple affront envers l'usurpateur de Se'Ina et le patriarche, au final par goût et par appât du gain. La ville était devenue prospère, les carrières d'ademine à proximité trouvaient leur rendement optimal tandis que la rivière Thusur avait permis d'irriguer suffisament les terres du désert environnant pour développer des champs où les chevaux et le blé rivalisaient de popularité. La population n'avait jamais été aussi nombreuse et chacun se félicitait chacun pour les choix effectués.
Cependant la situation dans le reste de la Kandrasie, au Nord, loin dans les plaines, n'était pas aussi parfaite. Des caravanes de retrahs, de trésors, de nourriture et de pierre avaient franchi de longues distance jusqu'à la Blanche, rasée par les graméens et pillée par leurs chefs. Erastan s'empara d'un parchemin qui traînait par là et en découvrit le contenu.
"L'armée graméenne a fait un triomphe à son retour à Melit-Aend. Les richesses d'Elderine, les esclaves aux atouts féminins incontestablement salvateurs pour ces pervers barbares ont rendu célèbres les vainqueurs de ce qu'il convient d'appeler la nouvelle forme de guerre pour l'Unique.
Prenez tout d'abord quelques étrangers corrompus, dénichez deux ou trois rebelles bien en place, qu'importe leur réel potentiel, fournissez-leur des armes et des retrahs, remotivez-les si nécessaires par la violence ou la flatterie. Lorsque le territoire commence à frémir, signez un contrat quelconque que personne ne lira, débarquez avec suffisamment de troupes pour achever toute résistance officielle et détruire dans l'oeuf la moindre menace future. Mélangez, servez vous à chaud en pillant toutes les cités à portée de trébuchet et de bélier, c'est prêt.
La méthode marcha parfaitement en Kandrasie, les pertes faibles et les résultats tout à fait satisfaisants compte-tenu des efforts engagés en contre-partie, somme toute relativement ridicules. Certes l'ancien commanditaire corrompu fut au final incapable de se maintenir après le départ graméen, mais l'important n'était de toute manière pas là."
Erastan découvrit la signature du parchemin avec un sourire, voilà une version des faits plus que promettante et qui changeait de l'ordinaire des rapports de la Blanche. Kalon serulobio d'Ilsta'Adiad. Il se souvenait vaguement d'avoir croisé ce prêtre de Serul, dans les quartiers religieux de la cité et au cours des réunions avec leur ordre. Un grand et maigre qui ne servait généralement que de scribe aux vieux et sages grands prêtres. Au moins il osait affirmer ses idées.
Repoussant d'un geste l'ensemble il observa l'activité par une ouverture dans le donjon. Les travaux défensifs étaient terminés depuis bien longtemps et il lui tardait presque de les mettre à l'épreuve d'assaillants quelconques.