Massacre à Melit-Aend

Les cloches de Melit-Aend sonnaient sans discontinuer depuis deux heures maintenant. La ville en ruine abritait les rescapés du massacre Empersois. Les cadavres jonchaient les rues partout où se portait le regard de la fillette. Survivante du raid Empersois, la gamine avait trouvé refuge dans la cave à vin de son père, qui fut miraculeusement épargnée par les pillards.

Hargade, la fille rampait jusqu'à la forteresse de la ville, à travers les gravas, guettant la moindre menace alentour. Son père était un soldat chargé de veiller sur son intendant, son garde du corps. Elle devait savoir s'il en avait réchappé.... Arpentant les décombres de ce qui fut la plus grande cité de Gramée, elle repensa aux récents événements. Comme tout était arrivé si vite...

A la faveur de la nuit, des Empersois avaient lancé un raid sur la cité avec pour objectif pillage, esclavage et sang. Cette attaque aurait pu être repoussée en temps normal mais cette fois... Des traîtres avaient ouvert les portes de la ville, permettant aux Gaediens de déferler dans la cité, brulants et tuants tout sur leur passage. Insomniaque depuis sa plus tendre enfance, elle devait la vie à sa vivacité et à sa volonté de survivre.

Au matin, les flammes léchaient les cieux, engloutissant la ville dans les flammes, tandis que les Empersois repartaient avec près de onze mille esclaves. Avançant d'un pas rapide maintenant, l'angoisse l'étreignie : elle ne pouvait être la seule survivante ! A un carrefour, elle trouva le cadavre de son ami d'enfance, les yeux ouverts, tournés vers le ciel. S'arrêtant un court instant, elle étouffa un sanglot. Perdue dans ses pensées morbides elle remarqua à peine une goutte d'eau s'écraser sur l'oeil du malheureux, rajoutant un aspect larmoyant à la scène. Rapidement la pluie tomba à grosses gouttes et les flammes perdirent de leur ampleur.

Arrivée au palais de l'intendant, la fillette traversa les couloirs et pièces de ce qui fut une magnifique demeure. Des hommes portant le tabard de l'inquisition gisaient au sol. Son père était membre de ce régiment destiné à la protection de leur seigneur. Débouchant dans la salle du trône, la vision qui s'offrit à elle la laissa pantoise. Au milieu d'une marre de sang gisaient une trentaine de cadavres. De toute évidence, l'intendant avait essayer de regrouper ses hommes dans un dernier sursaut de résistance. Au milieu du massacre elle retrouva sans peine son défunt père, une large plaie sur le flanc. Détournant le regard elle sortie en pleurant, courant à travers les couloirs et déboucha dans une des cours du chateau.

Des dizaines de cadavres y avaient été empilé par les assaillants. Au dessus de cette marée de corps était exposé sur un pieu la dépouille de l'intendant. A cette dernière vision, son estomac protesta et elle régurgita son maigre repas de la veille. Epuisée, à bout de souffle, elle vit un homme se diriger vers elle. Il portait la toge propre aux prêtres de l'Unique et arborait de multiples blessures. Se désintéressant de la gamine, l'homme fouilla un autre cadavre, détroussant le mort. Après plusieurs minutes, l'homme se redressa en entendant des cors au loin. Ceux de l'armée Graméenne ! L'homme couru en direction des portes de la ville laissant la fillette au milieu de la mer de morts. Epuisée, dégouttée, elle s'effondra, tombant dans l'inconsciance.....

Quelques jours avant la mort d'Aust Felkan, les différentes villes Graméennes reçurent des nouvelles alarmantes qui indiquaient qu'une troupe de plusieurs dizaines de milliers d'Empersois se dirigeaient vers Melit-Aend.
La ville avait été privée d'une partie de sa garnison en raison du coût trop élévée de cette dernière et il était évident que la faible troupe qui restait ne pourrait pas repousser tant d'ennemis. La situation militaire semblait mal engagée et il faudrait beaucoup de temps pour que les grandes cités Graméennes puissent amener des renforts.

A Ephiria, le seigneur Haenan ordonna le rassemblement général dans les plus brefs délais. Des coureurs furent envoyés à tous les hameaux des alentours pour demander aux chefs de village de se rassembler à la clairière de la Pierre Noire avec leurs hommes en armes. Les messagers devaient brandir la menace de l'exécution des "traîtres" qui ne se joindraient pas à l'armée d'Ephiria pour forcer les chefs de village à se dépêcher.
Dans la ville, les hommes durent prendre tout ce qui pouvait servir d'armes et quelques provisions pour le voyage vers Melit-Aend. La plupart des hommes ne possédaient pas d'épée ou de lance mais seulement d'armes bricolées à la hâte ou simplement d'outils agricoles. Le seigneur ordonna aussi de prendre tous les cors de chasse et de guerre disponibles et de les répartir entre les hommes.
En l'espace de deux heures, la troupe fut rassemblée et se mit en marche pour rejoindre les chefs de clans dans la clairière qui leur avait été indiquée. Plus de cinq cent hommes se joignirent aux huit cents soldats de la ville. Les soldats étaient mal armés, mal équipés et plus de la moitié d'entre eux étaient des miliciens sans expérience du combat.

Après un jour de marche harassante et quasiment sans pause, la petite armée arriva en vue de la capitale. La ville était en flammes et il était plus que probable que l'Intendant soit déjà mort.
Toutefois la troupe Empersoise était toujours présente et semblait s'affairer à emmener des esclaves.
Haenan savait que sa milice de paysans n'aurait aucune chance face à cette armée nombreuse et disciplinée. Il ordonna alors à la troupe de rester sous le couvert des arbres et de faire sonner les nombreux cors dont il avait équipé ses troupes.

Les Empersois furent destabilisés par ce grand bruit qui semblait venir du plus profond de la forêt. Tant de cors raisonnaient en même temps qu'une immense armée devait être présente. Même le général Empersois savait qu'il ne pourrait résister à la contre-attaque de l'Armée Graméenne. Il ordonna alors à ses troupes de se rassembler et de repartir vers Ephyne.
On entendit le son des cors jusque dans la cité et les habitants qui n'avaient pas été capturés ou tués sortirent de leurs caches pour prendre les armes et massacrer les retardataires ennemis.

Melit-Aend avait été sauvée des Empersois par une ruse de bas étage mais les murs étaient déjà tombés et beaucoup de civils avaient été fait prisonniers...
Après le départ des envahisseurs, la troupe d'Haenan pénètra dans une cité jonchée de cadavres et se dirigea vers le palais pour tenter de sauver l'Intendant, au cas où il serait en vie.
Mais Aust Felkan avait trépassé, l'épée à la main, entouré des derniers gardes qui étaient tous morts pour le protéger.

Désormais, la Gramée se retrouvait sans Intendant et ce n'est que plusieurs semaines après la libération de la ville que le héros de cette bataille, Haenan, fut désigné par ses pairs pour remplacer Aust Felkan.