[Ephyne] Salvine vaut bien une messe

Charles de Dermak, évêque de Salvine, tentait depuis quelques mois d'organiser le bourg qui grossissait chaque jour.

La croissance de certains quartiers des faubourgs, l'avait obligé à faire revoir le plan de l'enceinte, qui allait remplacer la simple palissade de bois qui avait si bien protégé la ville lors de son pillage par Serlon d'Orilly.

Son frère, Paul, reprenait progressivement la posture qui convenait à son rang, mais l'évêque avait bien fait les choses, saisissant la seule occasion qu'il pouvait avoir d'accéder à ce qui l'avait toujours attiré. Le château accueillait désormais de nombreux gardes de l'Abbaye d'Arpas, ancienne résidence de Charles. La lutte d'influence était visible, et même si personne n'en parlait, dans chaque camp, on comptait ses partisans.

La décision avait été dure à prendre, partir, même pour une semaine, laissait à l'autre l'opportunité de prendre définitivement la charge du Comté. Mais si Charles revenait avec la bénédiction d'Ephyne, alors ce voyage serait bénéfique. Après avoir donné de sévères consigne de prudence,l 'évêque partit donc, avec une escorte réduite, tentant de ne pas perdre de temps dans les routes boueuses d'Empersiste.

La maison d'un bourgeois d'Ephyne, originaire de Salvine, avait été réquisitionné, et l'on logeait donc près du château pour quelques jours. Des contacts furent pris avec les religieux de la ville, on ne voulait voir que l'ancien aumônier. La maison fut indiquée, et on espéra la venue du seul qui ici, pouvait aider.

Quelques jours passèrent avant que l'on ne frappe à la porte. Le Soleil s'était couché, et la ville dormait depuis déjà quelques heures, tandis que, dans la maison, résonnaient le bruit du heurtoir de la porte d'entrée. Un valet de chambre finit par ouvrir la porte, découvrant trois hommes encapuchonnés. Le premier lança un sourire au valet et lui glissa quelques mots. Quelques pièces changèrent de main et les trois hommes disparurent à l'intérieur de la maison, la porte de refermant derrière eux. Le valet disparu rapidement chercher son maître, laissant les nouveaux arrivant sur le palier. Quand celui-ci finit par se montrer, l'un d'eux rejeta sa capuche, découvrant un visage aimable, ainsi qu'une bure rouge qui se laissait deviner.

- Monseigneur de Salvine, je présume ? Je suis le Laudateur Pierre Costenot, ancien aumônier de sa majesté l'Empereur. J'ai cru comprendre que vous vouliez que nous nous rencontrions ?

Charles se mit à genoux et porta la bure de son supérieur à ses lèvres.

-Monseigneur, vous m'honorez. Suivez-moi, nous serons plus à l'aise pour discuter.

La salle dans laquelle l'entrevue allait se dérouler était grande, et peu meublée. Un coffre, une table et quelques fauteuils trainaient ça et là. Pourtant, grâce au grand feu qui ronflait dans l'âtre, la pièce était agréable. Un pichet de bière était posé sur la table.

-Sire, je vais être franc. J'ai appris que l'Eglise était en difficulté, que vous étiez isolé parmi les Gardiens. Vous savez l'amour que je porte à Gaëd, et que je veux voir sur le trône un vrai croyant. Vous devez bien avoir un candidat? Laissez-moi vous aider.

On sentait dans sa voix un vif désir d'être remarqué par cet homme puissant. Mais la volonté d'aide était sincère.

Le Laudateur suivi son confrère dans ladite salle et prit place dans un fauteuil qui, à première vue, lui semblait particulièrement confortable, laissant les deux gardes patienter dans l'entrée. Il avait quitté son ample manteau en le posant sur le coffre, et, désormais, écoutait Charles de Dermak, les croisées devant lui, un sourire bienveillant au visage. Une fois que Charles eut fini, le Laudateur laissa planer quelques secondes de silence avant de répondre dans une courte inspiration.

- Assurément, l'Eglise dispose de son propre candidat au trône.

Il se servit un brin de bière, complimentant son hôte pour son accueil et en but quelques gorgées avant de reprendre.

- L'Eglise n'est pas tant en difficulté que cela, mon fils. Assurément, les Gardiens ont nommé leur candidat au trône, mais rien n'est pour le moment officiel. Nous devons profiter de cela pour avancer notre homme, et pour regrouper nos partisans. Nous ne connaissons que fort peu ce Selron d'Orilly, et nous ne savons pas de quoi il est capable. Toutefois, nous connaissons les Gardiens, et eux, sont capables du pire. Il nous faudra monter à Ephyne nos partisans et renforcer la sécurité de nos nobles ainsi que du Palais Patronal.

-Monseigneur, soyez assuré de mon indéfectible soutien.
Puis-je être d'une quelconque utilité dans vos projets?

Notre ville a durement taxé ses marchands cette année, et je peux désormais vous annoncer qu'une cathédrale sera construite à Salvine. Si Monseigneur est d'accord, la célébration de son ouverture pourrait être le prétexte à un rassemblement du camp de l'Eglise.

Charles se pencha en avant alors qu'il parlait, se rapprochant de l'Evêque, dont l'avis déterminerait le sort de la ville. Paul ne pourrait alors plus essayer d'utiliser l'argent à des fins guerrières.

Le Laudateur acquiesça à la proposition de Charles de Dermak.

- Assurément, cela pourrait permettre à tous les défenseurs de la très sainte Eglise de se rencontrer, et à nous de choisir notre ligne de conduite face aux politiques. Je vais plaider votre cause auprès du Saint Patron. J'imagine que s'il se montre favorable, l'Eglise vous enverra quelques hommes d'armes pour assurer la sécurité du site ainsi que de la noblesse d'Eglise.

Pierre de Costenot s'arrêta un instant avant de reprendre.

- Et vous, mon ami, connaissez-vous d'autres membres de la noblesse d'Empire qui seraient enclin à servir la cause de l'Eglise et de Gaed ?