La pénombre définissait toute chose. Le noir complet, pesant et accentuant l'acuité acoustique, donnant au silence quelques envies d'être rompu...
L'on se savait vivant dans cet espace, car l'on prenait conscience des étrangetés de la vie, des sens, de la merveilleuse vie qui pouvait nous attendre en dehors de ce noir intense.
Quelques formes se dessinaient, quelques instants l'on pouvait penser reconnaître un élément familier, une pierre peut être... sûrement.
Puis les choses prennaient vie et les premiers visages se dévoilaient, barbus, creusés par les vents, par la dureté de toute une vie. Le métal orangé et son chatoiement rappelaient la beauté des bijoux et du travail de plusieurs saisons.
Là, tout au fond, là où les blocs de pierres formaient un couloir étroit, la lumière diffuse auparavant éblouit en un instant la pièce circulaire où les hommes étaient assis, le dos droit, la tête tournée vers la vie, la pierre froide picotant et élançant les muscles endoloris.
L'ouverture au fond du couloir étroit et flanqué de blocs massifs aux multiples gravures et peintures encadra pleinement le soleil jaune et massif.
A'yorn se leva, blond et massif, la barbe mangeant son visage, le teint pâle.
Il fut suivi par Seamus et Caoimhin, roux et sveltes, le regard froid.
Puis vinrent Devon et Liatroim, les cheveux noirs, la peau imberbe aussi blanche que le lait, les muscles saillants.
Les hommes avançaient dans le couloir, têtes baissées, torques et jambières de bronze finement travaillés laissant quelques sons sourds sur la peau se joindre au crissement du sable sous leurs pieds.
Puis ils naquirent une fois de plus en ce jour où le soleil bercerait les cieux de son éclat chaleureux, le jour le plus long du cycle des saisons.
Tout autour, l'herbe était raz et verte, les rochers gris affleuraient par ci par là et venaient s'effondrer dans une vallée en contre-bas où un magnifique lac froid et sombre venait ravir les poissons.
Les montagnes et reliefs verdoyants venaient se rompre dans ce lac, laissant à la roche le soin de dessiner de fabuleuses fresques de verdures et de cavités inaccessibles qui aimaient à s'effondrer et se baigner lorsque le temps le souhaitait et pourtant ce spectacle respirait la beauté et ce parfum acidulé et âcre de la tourbe et des fleurs sauvages pullulant dans cet environnement riche et foulé que par le bétail et ce peuple ancien, le peuple Ardien.
Dans ce paysage méconnu, un petit relief, une colline au sein de la vallée ne laissait apparaître qu'une seule bâtisse fortifiée. La tour de pierre fine et circulaire, élancée sur plusieurs mètres de hauts se terminant par un toit conique, était le point de ralliement des maisonnées et des familles de Baile Ard.