L'auberge du gotor

Crineria rentrait dans la salle avec un air de femme farouche sur le visage... Cette air s'évaporait à chacun de ses mouvements. Elle se dirigea vers le comptoire en attirant sur son passage nombre de regard masculin, et d'une voix à la fois suave et enfantine passa sa commande au tavernier...
Elle partit s'asseoir à une table un peu plus loin, attendant gentiment que quelqun daigne venir lui tenir compagnie.
Grindel se fit le plus discret possible et resta debout derrière elle, à sa droite se tenait un vieux lancier, et à sa gauche un épéiste dans la force de l'âge.

Grindel, tu éviteras à notre brave aubergiste de faire le trajet, va attendre prêt du comptoir la commande.

Sans se faire attendre, l'homme se précipita vers le comptoire de sa démarche redondante

Le temps passa, puis un cheval se fit entendre à l'écurie et un cavalier fourbu entra dans la taverne. Il s'adossa à un mur, pendant qu'un grand gaillard qui le suivait, portant une solide épée à deux main dans le dos, prit commande au comptoir. L'homme adossé au mur portait le blason de l'ewsperie aevenspeer; apercevant une beilanaise attablée, il se dirigea vers elle et la salua :

- Mais que vois-je ? Dame Crineria ? On entendit beaucoup parler de vous, ces derniers temps... Il m'arrive parfois de voyager loin, j'aime assez l'aventure de la route, et je passais par ici par hasard. Que buvez-vous donc ?

L'homme qui le suivait arrivait lui aussi et dévisagea les gardes beilanais qui lui faisaient face. Il tendit une choppe à l'ewsper qui le remercia gaiement, heureux de faire une pause après sa chevauchée...

Crineria décroisa lentement ses jambes tout en gardant un sourire malicieu sur le visage, puis les recroisa de l'autre côté... Elle demanda à l'un des soldats d'aller chercher à boire et dévisagea l'ewsper .

Oh, les gens parlent pour tout et rien ces temps derniers vous savez cher ami. Si l'on ne parlait pas de moi ce serait de quelqun d'autre, alors je ne m'attarde guère sur ce genre de palabre.
Et puis, à quoi bon vivre si c'est pour être délaissé n'est ce pas ?

Le soldat revint une choppe à la main et la tendit à Crineria qui la prit et en but immédiatement une gorgée ...

S'asseyant

- Eh bien... c'est à voir. Voyez-vous, je préfère vivre en étant délaissé par ceux qui ne me veulent pas de bien !

Mais vous n'avez pas répondu à ma question... Je suis curieux de savoir quelle boisson boit une Dame beilanaise...

Un homme, qui en bouscula bien d'autres, se fraya un passage vers les deux seigneurs. Percevant les dernières paroles, du sieur de Blanc Ceaesper, il rugit.

"Mais une femme beilane, ça ne boit pas ! Enfin, pas à table. (Il éclata d'un rire rauque.) Je me présente, Torque D'Hyreval, un des nombreux fils de mon Margrave de père. Et vous, seigneur qui êtes-vous ? Vous en bien aimable compa... (Il reconnut Crineria.) Ah ! Je comprends mieux à présent !" Il se permit un grand sourire entendu.

Bonjour à vous Torque, je puis vous affirmer qu'une Beilanne boit à table ! du lait de brebis certes, mais elle boit !
Je suis désolé, mais je me dois de quitter cette endroit, je vous laisse entre homme fort et viril que vous êtes...

Elle addressa un clein d'oeil aux deux hommes et sortit de la taverne au rythme de ses habituelles roulement de fesses ...

- Eh bien, bonne route, belle amie !

Allons allons, seigneur Torque D'Hyreval ! Mais nos familles se connaîtraient-elles ? Qu'est-ce qui vous amène céant ? Prenez donc un verre, je vous l'offre...

"Messire est bon hôte !"

Et il attrapa une cruche qui passait par là, fit quelques suggestions et calembourgs gais sur l'ambiguité du mot sus-dit, et s'assit à côté d'Estreval. Après quelques lampées de vin chaud :

"Eh bien seigneur ! Peut-être ma tribu a planté une hache dans l'un des chefs de vos aieuls ! ArhjARhARk ! Mes miens aieuls, eux, viennent des anciennes plaines de la Séquanie, et lors de la Grande Catastrophe, noous dûmes céder, et partir dans les montagnes, communément appelées Froid'Marches au Beilan, qui sont les monts limitrophes entre Aevenspir et Beeilaspir.
Et si je suis ici, c'est pour mon père. La guerre n'apporte point la désolation seule sur les Terres du dieu Elbre, mais souvent la richesse ou les belles batailles. Mon père et nous, connûmes les deux ! Et nous voilà céant, à essayer les destriers que les Kandrasiens nous ont gracieusement laissé ! ArhjAhrkARhar ! Je me dois d'aller chercher plus au Sud (et dans le reste du monde s'il le faut) des artistes, des objets de grande valeur et des matières premières pour que nous puissions embellir nôtre crypte, et notre cité. (Il vida d'un trait le reste de sa cruche.) Voilà mon histoire, à moi, Torque, fils de Renault."

Rendu gai par le vin, il paraissait plus jeune, très jeune à vrai dire. Il saisit une autre cruche, et la tendit vers Estreval, lui disant.

"Mais vous, seigneur. Vous qui m'offrez à boire, qui êtes-vous ? Et que faites vous dans les mortelles mais fort allantes terre du Seigneur Elbre ?"

- Mais avec plaisir, que voulez-vous que je fasse d'autre avec mes retrahs, maintenant que mon armurerie est pleine, mon opulence suffisante et mon caractère belliqueux enterré !

Puis, riant :
Mais ainsi j'offre un verre à l'homme qui descend de celui qui planta cette malencontreuse hache sequane ! Esperons que mon geste brisera la tradition !

J'ai un navire qui reviendra peut être du Nord avec quelque objets de valeurs, mais ce ne sera pas avant quelque temps et il s'agit d'une prospective non assurée... Moi, eh bien, pour tout vous dire, je suis en balade ! Vous savez, l'âge me rattrape, et je laisserai sous peu ma cité à une nièce heureusement découverte... Il faut que je profite un peu de mon temps pour faire autre chose que la gestion des affaires aevenspeers... et que je profite un peu de la douceur et de la quiétude de ma chère cité, la seule de notre territoire à avoir la mer à ses pieds, d'ailleurs. Mais n'imaginez rien car, croyez-moi, il faut du courage pour se baigner de par chez nous, même en été.

"Eh ! Un verre de vin explique souvent bien des choses ! De plus, on dit que ce sont les anciens adversaires qui sont les meilleurs compagnons. Peut-être est-ce vrai ? "

Il prit un autre pichet, de façon moins cavalière cette fois-ci.

"Ainsi, vous vous délectez du brin de chaleur finissant au Royaume de l'Elbre ? Hm... Et vous êtes Aevenspeer... Je n'avais pas connaissance d'un mer, au Nord de vos montagnes ! Mi qui croyait que le monde se finissait là bas !
Mais vous parlez d'un navire qui, peut-être, raménerait des marchandises précieuses et rares... Si le coeur vous en dit, seigneur, nous pourrions descendre plsu au Sud, et acheter un petit navire beilan, dans un de nos ports. A une poignée de Retrahs, nous en aurons un robuste et rapide. Nous rejoigenrons votre batiment, et nous irons voir donc dans ce Grand Nord, cherchez quelques précieux objets !"

- Je le crois aussi ! Figurez-vous qu'une des lignées dont je suis le plus proche prit contact avec mon aïeux en pillant le territoire dont il avait la charge... Après tout, être adversaire implique un contact rapproché, une fois que les causes du différend disparaissent... Mais bon, c'est polémiquable, dirons-nous !
Il y a un seul port en Aevenspir, mais qui est assez récent et ne dépend pas d'une quelconque tradition : ma ville propre. Mais vous savez, il y a de gros glaçons dans nos eaux pendant au moins la moitié de l'année. Voilà pourquoi les navires aevenspeers sont rares mais lourds et puissants, et les seuls à pouvoir affronter la glace. C'est bien pour cela qu'il cingle vers le Nord et qu'un vaisseau beilan ne ferait pas la moitié du chemin avant de sombrer, même s'il est supérieur en maniabilité, vitesse et rentabilité. Il vaut bien mieux attendre qu'il revienne ! De plus, lorsque je parle d'objets précieux, je pense à quelque minerai de prix ou à de l'ambre. S'il y a une civilisation dans les terres si inhospitalières visées, elle ne saurait assurément surpasser nos talents artisanaux. Ou alors, il faudrait que mes propres artisans en fasse quelque chose, je ne sais pas... Bref. Je vous donnerai toujours un petit échantillon si j'obtiens quelque chose de cette expédition, mais ne vendons pas la peau de l'Arak avant de l'avoir tué !

"Oui-da... Toutefois, même si je n'y comprends rien à la navigation, on dit que la couronne dispose de la meilleure flotte de cette mer... Peut-être qu'avec quelqu'ingénieux capitaine... Mais soit ! J'irais dans le Delta, peut-être descendrai-je vers Orcum. Déjà deux de mes frères sont en Aevenspir, ce n'est pas là-haut que je trouverai profit ou trésor...
Pas de civilisation plus polissée dans le Grand Nord... Cela reste à voir. Les Kandrasiens vous accusent de vivre comme des démons, pourtant, vos épées sont fameuses, et certaines de vos forges fabriquent de belles haches. Hmm... Aussi tranchantes que les pattes d'un Arak, en vérité... héhéhé.

Que me conseilleriez-vous, Seigneur ? Quelle destination pour trouver la merveille des merveilles ?"

- Aaah ! Notre tradition de hache vous intéresse ! En effet, bien que ne sortant pour ainsi dire jamais de nos montagnes, les haches aevenspeers sont efficaces, très efficaces, probablement très proche de celles que maniaient vos fameux aïeux ! La meilleure flotte des mers normales, certes... Mais Beila ne peut pas se vanter de notre expérience de la glace et de la neige ! Il est vrai qu'après tout, quelque civilisation intéressante pourrait être malgré tout découverte... Mon vaisseau a emporté des chevaux, qui sont cependant assurément inconnus là bas et nous donneront un avantage décisif, sans compter que leur valeur doit être infiniment grande en telles terres comme monnaie d'échange. Un vaisseau lourd, stable et lent convient bien à leur transport. Mais cette lenteur m'exaspère, un vaisseau beilan aurait fait le quadruple de la distance parcourue...
J'aurais du mal à vous conseiller, car les destinations les plus prometteuses sont aussi les plus surveillées. On raconte que quelque pirate orcumien s'est déjà considérablement enrichi depuis le renouveau maritime retrahanien... Si vous étiez aevenspeer, je vous conseillerai de demander aux Scirjii... N'avez-vous pas une possibilité équivalente au Royaume de la Déesse Elbre ?

A la fin de la tirade d'Estreval, il éclata de rire.

"Seigneur ! Elbre n'est pas une femme, Par Lug non ! Elbre est le Roi-Fleuve ! Mais à quoi bon le prier ? Ses pouvoirs ne s'arrêtent donc pas à ses terres, comme partout ? Pour sûr, si je devais prier quelqu'un pour une bonne escale, il serait bon que je le demande au Seigneur à la Lance ou à quelques Seigneus des Mers ou d'Ashérat...
Mais vous parlez de la Mer... Et pour moi ce n'est qu'un grand lac, comme de par chez moi... Que les pirates soient Orcumiens ou kandrasiens, qu'importe ! Je ne perds point espoir, et de nombreux comptoirs beilans sont installés sur d'autres terres..."

Un bruit extérieur le fit se taire.

Un empersois, du nom de Tacide, avait pour mission de se rendre dans la cité de Merok, afin de trasmettre à Dame Crineria, un message de mécontement. Elle avait, en effet, traité de chien deux seigneurs arabites qui s'offusquaient de cette insulte qui était, certe, puérile mais qui avait choqué le peuple d'Orcum. Il était plus facile à un messager originaire d'empersiste à se déplacer en Beilan qu'un orcumien. Il semblait qu'il avait raté de peu Dame Crineria dans cette taverne et il en profita pour se désaltérer. Il entendit la conversation entre le Seigneur Estreval et le Seignuer Renault d'Hyreval et décida d'intervenir

Vous faites erreur, Messire, je connais fort bien, le désert d'Orcum. Mon ami, Waldo de Narcosis, que j'ai accompagné récemment dans la cité de Liara, me l'a fait découvrir. Il n'y a point de port en Orcum. Il est vrai que le Tiram Brahim a récemment fondé une cité auprès de la mer, mais elle est loin d'être prospère pour l'instant. Les seules ports présents dans le territoire d'orcum étaient controlé pas les esclavagistes Diospyr dont la dernière cité fut détruite par les Graméens.

Il n'y a donc pas de pirates orcumiens et de cités en Orcum qui se soient enrichies depuis le renouveau maritime retrahanien.

Les cités arabites sont localisées aux abords du désert et les cités orcuminennes, sont principalement localisés à l'intérieur du désert, profitant des oasis que seul le peuple orcumien connait la localisation. Seule la cité de Narcosis fait exception à cette règle, car, elle aussi, est située au milieu du désert bien que fondait par des arabites. Mais l'histoire est trop longue pour vous l'expliquez en ces lieux.

Je tenais à préciser ceci car vous faisiez preuve d'une méconnaissance du territoire d'Orcum qui pouvait induire en erreur un quelconque voyageur. Les cités d'Orcum sont inaccessibles de par la mer sauf Takkel-yshma à moins de trouver quelques chameliers qui acceptent de vous faire traverser le désert.

S'amusant de sa méprise

- Eh bien ça ! Mais je mande votre mansuétude, de par chez nous nos Spijes des fleuves sont exclusivement féminines ! Ah, dans tous les cas, vous avez bien raison...
Il serait heureux que nos bateaux se retrouvent un jour... Il réfléchit quelques instants puis rajouta : En cas d'expédition nordique votre vaisseau pourrait se protéger de la glace en naviguant derrière le mien, si toutefois il n'est pas trop dur pour lui de s'imposer sa lenteur...

Puis il s'interrompit, écoutant l'homme aux blasons empersois qui venait de les rejoindre, et lui répondit :

- Je suis désolé d'avoir prêté attention à des rumeurs non fondées, pourtant cela n'est point trop mon style... Ou peut être ai-je mal interpreté, il s'agissait eventuellement d'un pirate exterieur à nos territoires... Une histoire apportait foi à la rançon d'un navire beilan au bénéfice d'un tel pirate, qui l'aurait escorté et protégé cette fois ci d'une frégate orcumienne. Mais je m'égars puisque vous m'assurez que les vaisseaux du pays d'Orcum ne naviguent que sur sable... Je vous remercie de cette clarification, homme d'Empersiste.

Un homme de haute stature vêtu d'un épais manteau à capuchon solide mais sobre pénètre dans l'auberge. Après avoir salué l'assistance, il s'accoude au comptoir.

Oh, moi j'ai soif !