La cité de Börm n’avait rien d’impressionnant, surtout lorsqu’on la comparait à Elderine, la cité aux milles tours, ou aux riches capitales Gaëdiennes. Cependant elle était le centre du petit monde Fironkois, le siège du pouvoir du Commandeur.
Qui aurait cru qu’une ville si frustre puisse attirer l’ensemble de l’ost Empersois ?
Maglen lui ne s’étonnait plus de rien. Tout d’abord noble Kandrasien puis Seigneur de guerre Fironkois, il avait depuis longtemps saisi la vraie nature des hommes et du pouvoir, qui exerçait un effet pervertissant sur tout ce qu’il touchait.
Pour l’heure Maglen se tenait à quinze lieues au nord de Börm avec son armée, bien réduite par les dernières guerres. Ses hommes encadraient les citadins de la capitale, qui se déversaient toujours plus nombreux de par l’immense bouche de grotte émergeant à flanc de falaise.
La région environnante était en réalité un vrai nid de termite, le sous-sol était percé par d’interminables tunnels, qui reliaient entre elles des cavités si grandes qu’elles auraient pu contenir le plus grand des châteaux Graméens. Jadis l’eau et les glaciers avaient modelé les profondeurs à leurs grés. Mais aujourd’hui nulle eau et nulle glace ne demeuraient, laissant les grottes obscures et parcourues de vents sifflants. Les paysans des alentours les nommaient avec crainte les « esprits hurleurs ».
Maglen réprima un sourire. Le peuple Fironkois était indéniablement naïf, pris dans d’innombrables coutumes et légendes auxquelles il croyait dur comme fer. Cependant devant la menace Gäedienne, la menace du rapt et de l’esclavage, les habitants de Börm avaient réagi prestement et avec la plus grande efficacité. Aucun des leurs ne demeuraient à présent entre les murs de la capitale. Tous s’étaient échappés au nez et à la barbe des envahisseurs Gaëdiens, trop occupé à donner du bélier contre les portes et à faire pleuvoir des pierres sur les maisons désormais désertes.
Seuls les Graméens et les derniers gardes Fironkois de la ville occupaient encore la ville. Ils tenaient les murs fassent aux assauts des Empersois. Ils les tiendraient jusqu’à la mort. Les Graméens avaient invoqué la volonté d’Amk Cherk, assurant qu’Il déciderait de leur sort. Maglen n’appréciait guère ce Dieu cruel, tout comme il rejetait les Dieux de toutes les contrées, mais il ne pouvait que reconnaître la bravoure de ceux qui restaient en arrière pour mourir.
Enfin la longue file prit fin, et vingt gardes immenses, portant gourdins et lances, apparurent à la lueur des torches. Ils encadraient Zefak, qui affichait un air sombre. Sa défaite n’était cependant pas totale : venus en Fironk pour rapter la population et piller les coffres de la cité, les Gäediens n’auraient finalement rien de tout cela. Les hommes et les femmes se cacheraient dans les bois et trouveraient refuge dans les cités libres Fironkoises. Le trésor du territoire, habituellement stocké au fin fond du château, avait été intégralement transféré au fond du gouffre le plus profond jamais découvert sous la ville. Difficile de dire à qui profiterait tout cet or, mais ce ne serait certainement pas aux Empersois.
Zefak et son escorte avaient à présent rejoint Maglen et sa propre garde. Sans un mot le Seigneur de Peyre-Neuve tendit les reines d’un étalon à la robe sombre à l’Intendant. Celui-ci s’en saisit, adressa un signe de tête à Maglen et partit avec les siens sans jeter un regard en arrière.
Maglen donna les ordres nécessaires pour que les derniers citadins à s’être attardés soient conduits en lieu sûr, puis il reprit le chemin de Peyre-Neuve. Un rictus mi-contentement mi-colère se plaqua sur le visage fermé de Maglen : les Empersois, dans leur hâte de faire tomber les portes, avaient oublié un facteur pourtant crucial en temps de guerre, l’approvisionnement. D’après les rapports que lui avait remis ses éclaireurs, Maglen ne donnait que quelques jours aux Gäediens avant d’être en manque de nourriture. Dès lors les avides Seigneurs Ezald, Neodor, Crinéria, Vidalkrach et Carolus reconsidèreraient la rentabilité de leur campagne.
Au loin les trébuchets se détendaient et les béliers frappaient les portes.
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