Iëren était en partance pour l'extrême Sud. L'autre côté de la terre, pensait-il. Une chaleur insupportable, cauchemardait-il.
Il n'avait pourtant pas le choix. Sa cité s'étant aggrandie, les richesses ayant été attirées, les dissensions ethniques et politiques n'avaient pas tardé à faire leur entrée à Gareelspir. Il était à présent loin l'ancien âge où deux mille âmes vivaient ici, un mille pour s'en aller à la guerre, un autre mille pour aller à la mine. Dans la montagne s'étaient agglutinés plusieurs autres milliers d'hommes de cordes et de pioches, avides d'or et d'aventure...
Iëren s'en doutait, et, encore une fois, maudissait les esprits pour ce malheur. La situation, alors, lui semblait bien triste. Lorsqu'un riche seigneur de guerre beilan lui proposa une razzia sur un de ses ennemis, le jeune chef s'y précipita. Il voulait faire d'une pierre deux couprs, et se débarrasser une fois pour toute de la hargne retenue de ses compatriotes ainsi que les petits capitaines dédaignant son autorité.
Cette idée de libération, combinée aux faits que les dés tirés furent de bonne augure, donna à l'expédition un air revigorant. Et ce fut une armée enthousiaste qui s'en alla pour Orcum et sa capitale.
Le combat faisait à présent rage au coeur même de la ville. Les murailles, les portes, l'entrée de la cité avaient été abandonnées à la rage victorieuse et destructrice des bandes mercenaires, qui brûlaient les étages de bois des maisonnées, qui violaient les femmes d'orcum, qui engorgeait le sol lézardé du sang d'arabites et d'hommes du désert.
Une guerre de ville s'entamait à présent. Les derniers résistants orcumiens essayaient tant bien que mal de repousser les flots d'assaillants. La plupart étaient de simples artisans enrôlés dans la milice les jours de fêtes, les Aevenspeers étaient des soldats de metiers entraînés et formés en escouades unifiées et efficaces, les Beilans des hommes vivant par la guerre. Les citadins délaissés près des barricades furent écrasés, et les derniers archers isolés faisaient entendre leurs cris atroces. Pris au piège dans des maisons en proie aux flammes.
Iëren se tenait sur un cheval. Il portait comme le reste de ses soldats un lourd manteau noir enrobé de lainages aevenspeers. Rien ne le distinguait de ses troupes à part son cheval et la bannière sombre représentée sur son tabard. Son cheval galopait rapidement vers le dernier foyer de résistance. Un dignitaire, armé d'une arbalète meurtière, semblait faire quelque raffut. Raffut que le jeune seigneur voulait piétiner de façon éclatante, au devant des yeux écarquillés de ses hommes. Se baissant soudainement, il accéléra la course de son destrier et, brandissant son épée en criant, fonça dans la large porte de bois.
Elle éclata en morceau, blessant le cheval qui hénissa. Sautant prestemment de selle, il se dirigea en toute hâte à l'étage. La dernière marche d'un escalier grinçant lui réserva une surprise piquante - un carreau désespéré - qu'il sut esquiver avec plus ou moins d'adresse. A peine remis de l'accueil, le dignitaire fondit sur Iëren, l'arbalète tenue à deux mains. D'un coup d'épée, Iëren trancha l'arme en deux et asséna un violent coup de garde à l'orcumien, qui recula maladroitement avant de tomber. Iëren pouvait enfin savourer la victoire pleinement. Il avait défait le dernier résistant, et bientôt, tous ses fats de capitaines devront courber l'échine devant lui ! C'était trop bon. Pour une fois, les Sciriji lui sourirent...
Pourtant, l'odeur et la fumée qui semblaient se dégager de la pièce rendirent ce sourire un brin moqueur, voire très moqueur...
Ca puait la brochette humaine, on étaient en train d'incendier le bâtiment ! En moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Foutr'Scirji!", l'Aevenspeer avait déjà saisi le dignitaire et, d'un bond précipité, enfonça avec fracas une jalousie en bois précieux avec le corps de l'Orcumien et tomba... La chute lui parut lente. Il lui paraissait même entendre crépiter de grandes flammes derrière lui. La chute lui parut violente. Même si le corps de l'autre amortit le retour à la gravité.
Une tête coupée plus tard (ce traître d'Ukhguqhq était derrière tout ça, il en était sûr) et les préparatifs faits, ils s'en allèrent à nouveau vers une autre cité, laissant un unique cadavre gareelspeer derrière eux.
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