Retrahant, Ere impériale
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 Les Larmes d'Orcum

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Ahdin'Ham

Ahdin'Ham


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MessageSujet: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyDim 15 Juin - 21:43

Longue est la marche vers la gloire, lente est la procession des armées et des cœurs, courte reste la vie et éternel le dénouement et visage facétieux du déshonneur.

Lorsque je le regarde, je revois en lui les nombreuses déceptions d’Orcum ainsi que la Souhnak, mais aussi la volonté que fut celle des familles d’Yshlé Lohas, de Takkel Yshma et de Radadjathaïadah, sans citer les nombreuses cités du Désert Orcumiens ayant participé à l’édification de l’Empire qui est nôtre, mais qui se meurt, tel un cycle infernal et dénué de sens.

Toussant dans un tissu de soie, le visage creux et les os saillants tels ceux d’un simple ouvrier qui ne mange à sa faim, il garde une dernière once de vigueur dans son regard, ces yeux qui ont terrassé tant d’ennemis et qui ont enduré tant de malheurs.

Alors que les femmes s’activent autour de lui, apportant rafraîchissements et conforts, un rictus les enjoint à se tenir à l’écart alors qu’il observe et écoute le Conseil des Akras.

Eclairés par les ouvertures caractéristiques de cette salle baignée par l’encens, les hommes se lèvent à leur tour pour aborder des sujets insignifiants ou d’importance… Mais seul un sujet obtient toute l’attention de celui qui tremble et se balance de temps à autres, de manière imperceptible, d’avant en arrière, aidé par les coussins qui semblent l’inconforter pour des raisons autres que physiques.

« … le bâtiment reste somptueux et Yshlé Lohas garde de sa superbe malgré les affres des dernières années. Les abords des rivières sont verts et les crues ont été belles et propres apportant fertilité et jouvence. Les Ibis ont pris leur envol en promettant pluies et douceurs pour l’été… »

Il suffisait de voir à quel point son esprit gambadait dés lors que sa ville natale était citée. La Baie des Lunes, Yshlé Lohas, avait grandi main dans la main avec la Perle de la Souhnak, Takkel Yshma, pour comprendre le déchirement qui fut sien lorsqu’il la quitta.

Avec un court sifflement, il m’ordonna d’annoncer aux Akras de quitter le Conseil, j’ajoutais quelques invectives en ce qui concerne les affaires traitées et dans une approbation unanime, ils se retirèrent.

Quelques eunuques d’Yshlé Lohas s’approchèrent pour soulever le siège massif et finement travaillé pour le tourner et l’approcher de l’ouverture grandiose donnant sur le balcon du palais de Radadjathaïadah, sûrement le plus somptueux de tous…

Il pouvait regarder des heures durant les fontaines et jardins de Siâle et je savais que son esprit était dans le Sud, près du Souh’Yshmeï, Océan brillant de milles feux et terrassé de milles vents.
Je restais coi, faisant signe de le laisser seul aux serviteurs qui apportait l’eau, ainsi que les huiles pour baigner ses pieds et ses mains… Car en ce jour, je le voyais pour la première fois laisser son cœur se dévoiler.

Les sillons que traçaient ses larmes sur sa peau aussi fine que le parchemin de Takkel Yshma étaient discrets et saillants à la fois.
Tenant à la main son ouvrage, un livre retraçant sa vie et celles de ses proches, je le voyais caresser le cuir comme s’il craignait de s’en séparer. Effleurant du bout des doigts la gravure représentant la dynastie Ham durant près de quatre siècles, je découvrais qu’il tenait dans l’autre main, le Médaillon, la Pierre de la Déesse de la Souhnak, Akré Aiona de Narc…

Le Jadïadah pleurait sans soubresauts, sans gémir ou grimacer et je me maudissais d’assister à cette scène, moi, son propre fils.

Toute sa vie, il avait œuvré pour redoré l’image d’un territoire à la culture complexe, à l’honneur écrasé sous le poids de la honte et des défaites… La malédiction qui était celle des Hams avait toujours perduré et jamais, non jamais, elle ne semblait les avoir quittés.

Alors que le vent emportait les rubans soyeux du médaillon, il prenait la vie de l’homme qui avait cru pouvoir sauver Orcum…

~~~~~~


Peu de temps après, le fils fut assassiné après avoir rapporté la Pierre au sein de la Baie des Lunes, par un Akra refusant l’autorité des Hams au sein de Siâle, faisant part de l’hérésie des Rem’Yshmes vis à vis du Dieu Unique, Ndriananaharyth. Les Ombos affirmèrent leur place au sein d’Orcum, bannissant la famille d’Yshlé Lohas, faisant souffrir leur mémoire des maux d’Orcum.

Radadjathaïadah et Orcum semblait plonger dans une longue période de trouble, les armées Hams retournant en la Souhnak pour rejoindre leurs foyers, leurs familles…
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Waelin Vlos

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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMar 17 Juin - 16:02

DES larmes de sang.
Trois, posées en pyramide et flottant sur un fond noir.
Les larmes d'Orcum étaient des larmes de sang. Elles claquaient sur les bannières du Cléricat, accompagnées par l'oriflamme Vlos, une gueule de martre pourpre sur fond sable. Les troupes d'élite d'Ilhan Waelin n'avaient pas tardé. Dès que les espions du Khan lui apprirent qu'Orcum était en proie à l'insurrection et aux guerres de succession, il ordonna à ses vétérans de se préparer.
Quelques jours plus tard seulement, il partait lui-même à la tête d’une cohorte formée d’une poignée de centaines d’hommes en direction du Désert. Il n’avait pas grande chance contre les armées des Grands Tirams ou même de la Souhnak, aussi décharnées soient-elles, et pourtant, le prêtre connaissait ses soldats. Simple ramassis de criminels de la pire engeance graméenne, il avait su, grâce à ces garçons qu’il formait dès la naissance à devenir des chiens fidèles et qui encadrait ses troupes, en faire les pires hommes que l’on put connaître. Ces barbares n’étaient mus que par l’ombre terrifiante d’Ilhan Waelin, Père Waelin, et par les promesses d’or et de femmes que ces expéditions faisaient miroitrer à chaque fois. Toujours entourés par les enfants fanatiques et mortels de Waelin Vlos, les rixes entre eux étaient plus limités que dans le reste des armées graméennes – l’insubordination la plus légère se payant, au mieux, par une mort rapide mais toujours douloureuse.

Desän faisait partie des chiens de guerre de l’Ilhan. Jeune homme à peine fait, il conduisait trois cents hommes, la garde centrale, et tenait compagnie à son seigneur et aux prêtres qui l’avaient suivi. Se contentant d’écouter, il comprit vite que cette expédition, si elle avait été décidée sur un coup de tête, avait été envisagée de longues années à l’avance, si ce n’était des décennies.

« Êtes-vous sûr de vos choix, Ilhan, hésita l’un des prêtres ? »
« Les sectes de Radadjathaïadah et de Masyaf n’ont pas l’influence nécessaire pour prendre les rênes du Siâle, renchérit un autre prêtre, peut-être serait-il plus favorable d’attendre les résultats des négociations avec les clans des Ia et des Barham. »
« Inutile. Je ferai savoir aux plus insoumis que la résistance est dangereuse. Des exemples seront faits, et ils se rangeront tous derrière moi. »
Un silence pesant prit place dans le chariot de guerre. Ilhan Waelin n’avait pas pour coutume de parler légèrement, et tous le savaient. Trahir une promesse ou ne pas accomplir ce que l’on avait annoncé se payait souvent sinistrement au sein du Cléricat ; le jeu auquel se livraient les cabalistes ressemblait à une vaste partie d’échecs, aux pions nombreux et aux enjeux cruciaux. Si Ilhan Waelin détenait pour l’instant l’avantage, un échec aurait raison de sa bonne fortune.


Dernière édition par Waelin Vlos le Mar 17 Juin - 17:12, édité 1 fois
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Waelin Vlos

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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMar 17 Juin - 16:19

LA première pièce se joua à Masyaf. Ville phare du désert, on raconte qu’on y trouva ici le Médaillon. Bien qu’ayant accueilli de nombreux faits et personnages historiques d’Orcum, elle était devenue une petite ville sans grande envergure. Son artisanat avait régressé, sa position militaire n’était plus ce qu’elle était, mais cependant, elle restait l’un des hauts lieux de la Cabale siâlienne.
Aussi impressionnant que cela puisse paraître, les armées d’Ilhan Waelin ne furent pas accueillies hostilement par les Tirams qui vinrent saluer le Graméen. Desän était moins surpris que ses compagnons. Il avait en effet appris pendant le voyage que son maître avait entretenu des relations épistolaires conséquentes avec tout le haut clergé siâlien. Les différences entre cabalistes orcumiens et cabalistes graméens est bien plus ténues qu’on le pense. Peut-être l’influence des deux pays a créé un système religieux proche, peut-être le fait que les cabalistes des deux pays avaient atteint la vérité divine qui révèle le monde tel qu’il est vraiment avait structuré l’organisation cléricale de la même manière, en tout cas le Graméen et ses collègues du Désert semblaient s’entendre sur de nombreux points, et les clercs siâliens voyaient Waelin Vlos comme un grand esprit de ce monde, plus proche de la Lumière Divine de Zanaryth que la plupart des Grands Tirams du deuxième cercle.

Cette sympathie théologique ne fit cependant pas tout, et malgré la courtoisie des vieux sages du désert, la discussion se fit âpre lorsque l’on parla de la place de Waelin dans le nouvel ordre du Désert. Ne voulant ennuyer le lecteur avec des futilités comme la manière d’atteindre l’immortalité ou encore transformer le plomb en or, je ne rapporterai pas toutes les conversations : Lorsque le Grand Tiram des Barham, ancien parmi les anciens, refusa de s’allier avec l’homme qui avait permis le développement des sectes zanarythienne proche des idées amk’cherkiennes et que les chefs de clan commençaient à se diviser entre eux puis contre la Voix de la Gramée, Waelin lança un ultimatum.

Quelques jours plus tard, l’arrogance siâlienne avait réduit à néant Masyaf. La petite cité fut dévastée par les soudards Vlos, et le prêtre Waelin qui avait fait preuve de tant de compréhension et d’intelligence avec les sages d’Orcum, se contentait de fixer, marmoréen, les maisons s’écrouler et les dissidents plongés dans d’immenses brasiers. Il glissa aux Tirams et Oblaths qui l’avaient rejoint quelques mots en siâlien que ne comprit pas Desän, puis on s’en alla.
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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMar 17 Juin - 16:42

LA situation de Radadjathaïadah fut plus complexe, mais ne nécessita pourtant aucun discours. La grande capitale était en proie aux flammes de la guerre civile. Les partisans des Ombos affrontaient une multitude de factions adverses, et l’atmosphère infernale avait éveillé les sectes siâliennes qui avaient commencé à pulluler lorsque le trône normalement échu à un Grand Tiram siâlien fut occupé par un hérétique rem’yshme, c’est-à-dire il y a des dizaines d’années. Les Tirams de toutes les tribus, ne répondant devant aucun Tiram leur étant supérieure, ils n’acceptaient pas le dogme de leur voisin et créaient leur propre interprétation du culte, divisant profondément les tribus les unes des autres.
La plus puissante secte s’étant développée était celle que l’on nommait la secte de l’Hoïala, soit la secte du Marais, dans la langue empersoise. On la nommait comme ça car les chefs de tribu ayant embrassé cette secte étaient liés par une grande amitié avec celui qu’on appelait Rem’Hoïa, le fils des Marais, Waelin Vlos. Lequel, doté d’une grande richesse, avait pendant des années offert à ces derniers des présents estimables et nombreux.
La richesse et la puissance des chefs de la secte de l’hoïala fut fédératrice, et tout l’est et le nord du Siâle avait épousé la cause de ce culte. Pourtant, et malgré leur influence, ces chefs n’avaient aucun droit à revendiquer sur le trône ; leur sang n’était pas assez noble, ou leurs familles assez vieilles, contrairement à des prétendants plus faibles mais plus crédibles.

L’arrivée d’Ilhan Waelin fut ainsi accueillie avec joie, car on croyait qu’il apporterait avec lui une solution permettant de régler la situation dans la paix.
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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMar 17 Juin - 23:27

ON mangeait avec appétit, dans la grande salle du Tiram Ahmat Ibn’Narua, chef influent de l’Hoïata.
Le repas était offert pour l’invité de marque qu’était Ilhan Waelin, qui souriait à chaque fois qu’on le complimentait et le remerciait d’être ici. Mangeant avec parcimonie, il écoutait sans grand intérêt les discussions qui animaient ce banquet, composé d’une bonne centaine de convives. Comme les liqueurs, elles étaient douceâtres : les négociations entre les différentes factions – dont la faction graméenne – avait été rudes dans la journée, et on comptait bien apaiser les esprits les plus ardents pendant un dîner à bases de plats peu épicés et de minauderies.
Desän se trouvait à côté de son seigneur, goûtant chaque aliment que l’Ilhan souhaitait savourer. En apparence, cette pratique ne semblait pas choquer outre-mesure, et certains chefs de famille tendaient eux aussi à leurs compagnons tel ou tel mets. Cependant, tous y mettaient les formes ; ils semblaient donner à un ami un morceau de choix qu’il voulait faire partager. Waelin Vlos n’apportait pas beaucoup d’attention aux conventions et autres politesses, et lorsqu’il tendait d’un air absent un bout de ces biscuits huileux et sucrés vers Desän, c’était comme l’aurait fait un homme se défiant de son hôte et de la société qui l’entourait.

La désillusion avait été grande entre les échanges purement épistolaires entretenus entre Waelin Vlos et ses protégés et les échanges réels. Si les Siâliens continuaient à enrober leurs menaces et leurs demandes dans d’onctueuses métaphores et autres figures de style, le ton révérencieux s’était quelque peu évaporé. On traitait Ilhan Waelin comme un puissant allié, mais comme un simple allié quand même. On le mêlait à des intrigues locales dont il n’avait que faire. Depuis quand les pions demandent-ils des faveurs au joueur ? L’Ilhan, s’il était maître dans la rouerie et l’humiliation dans le jeu du Cléricat, refusait clairement de se laisser mélanger avec des courtisans indignes de lui, amateurs puérils aux demandes risibles. Eux parlaient de portions de désert, de litres d’eau ; lui parlait du Cléricat, du premier Cercle de la Cabale.

Le songe finit de se briser lorsque Desän sentit sa gorge se serrer. Son cœur se compressa, comme s’il on y eut pensé une chape de plomb. En nage, il tangua un moment puis s’écroula, bousculant un échanson et le renard au miel qu’il transportait. Waelin s’accroupit à côté de lui et, avant que Desän ne s’en rende compte, le palpait d’une main experte. Cependant que l’un de ses acolytes l’obligeait à boire un vomitif, Ilhan Waelin se redressa, une expression neutre sur le visage.
« Sarol ! »
Tous les Graméens de la pièce dégainèrent leur épée en criant à leur tour
« sarol ! », bientôt rejoint par certains Siâliens. Un silence pesant envahit la salle commune. Tous fixaient le prêtre graméen qui était, lui, tourné vers Desän. Le voyant reprendre des couleurs, il tourna son regard vers son hôte, Ahmat.
« Pourquoi cherches-tu à me tuer ? »
« Tu délires, Rem’Hoïa, pourquoi tenterai-je de mettre fin à ta vie, tu es l’a… »
« Si ce n’est pas toi qui tentas de m’empoisonner, cela signifie que tu es trop faible pour me protéger sous ton propre toit… Tu n’es même pas capable de tenir ta parole. Quel genre de chef fais-tu ? »
Un rictus de haine déforma le visage du Tiram Ahmat, mais il se contint. Ses lèvres étaient cependant toujours scellées. Ces menaces silencieuses n’arrêtèrent pourtant pas le Graméen, qui le fixa dangereusement.
« Quel genre d’allié es-tu ? Tu sais bien que je ne peux pas soutenir des Faibles. Auflaqui ! Elgg ! »
Comme une bande de rapaces, les Graméens se jetèrent sur le Tiram. Bientôt ses hommes dégainèrent à leur tour leurs lames courtes. En une seconde éternelle, toutes les factions jaugèrent les deux camps. Le choix était lourd, car l’enjeu n’était rien d’autre que le maintien (sinon la survie) des clans de chaque parti. Le silence laissa place aux chaos, à deux masses informes et entremêlées luttant à mort dans cette grande salle qui accueillait un festin offert par un homme à présent transpercé par les épées de trois soldats graméens.
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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMer 18 Juin - 16:44

DESÄN se réveilla à bord du chariot de son maître. Ce dernier était captivé par l’horizon brûlant et monotone qui encerclait la troupe graméenne. Seuls les chaos d’une route mal tenue agitait quelque peu l’équipée, mais cela, Desän n’aurait pu s’en rendre compte. Il avait dormi pendant près de trois jours, s’éveillant épisodiquement pour vomir le miel et l’eau qu’on faisait couler dans son œsophage et crier des paroles entrechoquées et délirantes.
Remarquant sa présence, Waelin Vlos se tourna vers lui et l’observa un instant. Il se détourna bien rapidement et dit.

« Bois trois gorgées de la fiole d’olath elggur. »
Desän jeta un regard au plateau soutenant une multitude de potions tintant doucement.
« Je ne sais pas laquelle il faut… »
« C’est la rouge. La première fiole rouge devant toi. »
Silence.
« Seigneur, elles sont toutes rouges pour moi… »
Le seigneur décrocha une nouvelle fois son regard de la vue chaude et jaune du désert d’Orcum. Cette information avait attiré l’attention de son maître, et cela ne disait rien qui vaille. Peut-être ne voulait-il pas qu’un homme ne pouvant distinguer les couleurs le serve. Peut-être était-ce de la faiblesse.
« C’est la seule couleur qui t’apparaisse ? »
« Oui. Oui seigneur. »
Cette confirmation le plongea dans une réflexion intense. Le voyant plongé dans de sinistres pensées, Desän s’inquiéta. Allait-il être tué ? Allait-il être jeté aux scorpions, comme on le fit pour les Siâliens ? Après une minute d’un silence pesant, il ne put s’empêcher d’interrompre les rêveries de son maître.
« Est-ce grave, Seigneur. Suis-je… suis-je indigne de vous servir ? »
Les yeux du grand-prêtre étincelèrent.
« Au contraire, lotha nesst, tu es digne de servir le Cléricat et la Cabale. Les couleurs ne sont qu’un artifice créé pour nous détourner de la Puissance et nous laisser choir en une négligence pathétique. Amk’Cherk donne aux Forts la vraie vision ; il offre aux êtres choisis la faculté de ne distinguer qu’une couleur, de s’épargner le chaos que provoquent la multitude, la profusion des couleurs. Tu ne peux te laisser corrompre par ta vue félonne, traîtresse parmi les sensations. »
Il se tut un moment, considérant son esclave avec appréhension. Puis reprit.
« Amk’Cherk t’a mis sur ma route, jeune chien. Je suis de la vision noire. Je ne perçois pas les couleurs, pas même le rouge. Le noir et le rouge, la vision noire et la vision rouge, ce sont là les deux couleurs du dieu. »
Sa voix laissait paraître une sorte d’exaltation. Cette impression s’évanouit lorsqu’il se cloîtra de nouveau dans le silence, fixant le désert éternel.

La traversée fut lente, car Waelin Vlos s’arrêta à chaque lieu où résidait une oracle. Venant l’interroger, il lui demandait à chaque fois, par des phrases complexes dans un ancien orcumien, qui règnerait sur le Désert le Souh’Yshmei. Les avis différaient, mais dès que les paroles sibyllines d’une oracle lui déplaisait, il la capturait et brûlait l’oasis qui l’accueillait. Ce voyage dura quelques mois, et Desän comprit que, avant d’être une voyage initiatique pour son seigneur, c’était là un moyen d’attendre les réponses des mercenaires diospyrs.
Les coffres de la capitale du Désert n’étaient pas vide, et les armées de la Souhnak, vers lesquelles se dirigeaient Waelin et ses chiens de guerre, étaient encore puissante, malgré les troubles qui avaient envahi les grandes cités-Etats du sud comme les tribus du nord. Et Waelin ne comptait pas s’arrêter à une terre de désert, aussi immense soit-elle.

C’est pourquoi tout au long de ses voyages vers le sud côtier, des troupes entières de mercenaires diospyrs venaient rejoindre l’armée déjà redoutable du Graméen. Certains alliés siâliens protestèrent, mais Waelin rappela à tous que dans le sud vivaient les hérétiques qui avaient occupé pendant des décennies le trône du Siâle. Cet argument, plus la menace de représailles en cas de félonie, avait raison des réticences de ses alliés, et l’on continua à suivre sa marche sanglante dans le désert.

Une fois dépassés les hauts-plateaux, il découvrit la Souhnak. Si l’arrière pays n’avait rien à envier aux sables du Siâle, les côtes étaient cependant de véritables havres de vie. Bien que les grandes dynasties dépensaient leurs fortunes dans des arts décadents et des plaisirs abjects, délaissant les ingénieux réseaux d’eau créés afin de cultiver des parcelles entières de la campagne environnante, les cités restaient puissantes et la sécurité maritime instaurée par une Armada rem’yshme ayant recouvré sa gloire d’antan permettait au commerce de fleurir et de faire fructifier ses bienfaits. Traversant le pays sans être inquiété, il fut même rejoint par quelques nobles inquiets pour leur existence.

La rumeur avait en effet précédée le prêtre amk’cherkien, et le bouche à oreille avait vite amplifié les faits macabres de ses troupes. Le massacre de Masyaf, le sac de Radadjathaïadah, l’incendie et le massacre des tribus et oasis se défiant de lui, tous ces événements avaient apeurée une population déjà en proie aux luttes de factions, à l’instabilité de princes devenus paranoïaque ou sanglants. Il faut donc comprendre que l’arrivée de l’armée de l’Ilhan dans une terre ravagée par les ambitions de tous les chefs avait fait un grand effet sur une bonne part de la noblesse. Ce phénomène s’en ressentit devant les portes d’Yshlé Lohas. La ville de Démesure avait été, plus que toutes autres, dévastée par les anciens fidèles de la famille Ham, rendus fous par les rumeurs venant du nord, et les sectes pullulant dans le sud orcumien, excitées, elles, par la venue du Seigneur-prêtre.
Aucun consensus ne réussit à se faire, et la cité, trop immense, demandant une armée grande et disciplinée, avait rapidement cédé devant la coalition de Graméens, de Diospyrs et Siâliens.
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Waelin Vlos

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MessageSujet: Re: Les Larmes d'Orcum   Les Larmes d'Orcum EmptyMer 18 Juin - 17:03

« LE Diable n’apparaît qu’à celui qui le craint. Crois-tu que je suis leur Diable, Desän ? Une bonne part de cette race semble en être convaincu, en tout cas. Sais-tu que c’est un jeune ascète qui me lança à la figure cette expression ? Il croyait me faire disparaître, mais je suis de chair et d’os… Ou bien n’a-t-il pas réussi à exorciser sa crainte du Diable. »
Des mois s’étaient écoulés depuis que Waelin avait élu domicile dans le Palais des anciens Jadïadah d’Yshlé Lohas, la Baie des Lunes. La ville n’avait pas été détruite par ses hommes. Au contraire, il avait fait tuer chaque personne dépassant les limites. Pas de viol. Pas de pillage. Les soldats de Gramée avait été apaisés à grand coup d’or et de femmes, ainsi que les Diospyrs. Les Siâliens, quant à eux, avaient été envoyés dans les villages rebelles. Leur exaltation avait été terrible, et les représailles qu’ils exerçaient sur les villageois trop patriotes pour se laisser mener par un Gramée étaient brûlés jusqu’au dernier.
Malgré ces vendettas brutales, la violence était moins gratuite qu’au Siâle. Waelin expliquait que c’était parce que les Rem’Yshmes avaient le sang moins épicé que les Siâliens, qui, eux, devaient patauger dans le sang pour reconnaître leur défaite. L’aura de peur qui entourait le seigneur graméen était également un facteur important : l’ordre public était d’autant plus respecté, les Rem’Yshmes ayant même surnommé le Cruel leur nouveau suzerain. Mais l’accalmie qu’il imposait n’était pas seulement relative à ces facteurs. On voyait bien que le Graméen se complaisait à la place qu’il occupait.

Il régnait à présent sur l’une des plus grandes et belles cités du monde connu. Cette sphère de raffinement absolu lui avait tout de suite plu, et la crainte sacrée que les serviteurs vouèrent toujours à leurs maîtres Ham s’était un peu transférée sur sa personne. Bien sûr, cette crainte tenait avant tout de la crainte animale, mais il s’en contentait fort bien. Les arômes de la Baies des Lunes lui étaient tellement monté à la tête, qu’au bout de quelque quatre mois, il força les sages de la cité à le sacrer Jadïadah de la Souhnak, la Sagesse de la Souhnak.
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