C'ETAIT en fin d'été, et comme souvent entre les saisons de Gramée, le temps s'était fait pluvieux. Un ciel gris et grondeur compressait l'espace libre entre terre et éther. L'humidité alourdissait un temps déjà difficile et une chaleur étouffante. Ustvholk s'était agrandie depuis qu'Ilhan Waelin avait été fait prêtre du temple de l'Unique. Des esclaves de toutes les origines s'étaient échinés à abattre la mangrove et à assécher, quittes à y laisser leur existence, les marécages encerclant l'ancien village de pêcheurs. Le cité s'était étendue, rejoignant une autre hameau de huttes sur pilotis.
Des murs de pierres fleurir dans le sang des serfs, nombreux : quatre enceintes avait été érigées en quelques années grâce à la prospérité que les rapts et les brutalités des soudards de Waelin Vlos avait apporté à la nouvelle ville. L'expansion avait été si soudaine que des pans entiers du bourg étaient encore recouverts par une forêt sombre et dense, stagnant souvent aux pieds des enceintes en pierre de taille.
A l'extérieur, et sous ces mêmes enceintes, s'étaient élevées des milliers de tentes et bannières bigarrées, contrastant fortement avec les marais - asséchés à la va vite par les sassaillants - dans lesquels elles avaient été plantées. Les armes de l'Empereur Märkus d'Empersiste et du roi Daekarn de l'Elbre dominaient ce chaos de couleurs vives, mais on pouvait cependant y reconnaître celles du banneret impérial Berëth, du seigneur Orban ainsi que les signes du Saint Patron de l'Ordre d'Heffdim.
Quelle spectacle c'était de pouvoir admirer cette enclave aux mille tissus claquant sous le vent iodé de l'Est, encerclée par la morosité et la noirceur de la Gramée. Cependant, dans la bourbe des sombres marais, les mauvais esprits comme les moustiques avaient raison de tous les apparats. Bien que impressionnés par la puissance déployée, les archers se moquaient des pieds-secs, sûrs que leur maître les gratifierait d'une victoire, aussi éloignés semblaient-ils être tous deux.
Une nuit, alors que les vents s'étaient apaisés et que l'on renforçait la sécurité dans le camp gaedien, des volées de flèches vinrent s'enfoncer non loin, entre les remparts élevés et les premières palissades. Sur ces traits étaient accrochés des missives, qui disaient toutes ceci.
"Etrangers, soyez-les bienvenus sur les terres d'Ustvholk. Bien que nous ne soyons pas en mesure de loger tous vos hommes, nous serions heureux de vous offrir le gîte et le couvert, à vous, seigneurs de cette multitude, afin que vous nous informiez des causes de votre venue. Vous jouiriez, bien entendu, du respect dû aux hôtes..."