Juché sur une colline, le fief des Ianos surplombait la région alentour. Non loin, plusieurs hameaux, ayant juré fidélité à l’Aectelion* Ianos, faisait désormais partie des terres seigneuriales. Deux carrières, dont on extrayait pierre et fer et qui apportaient rente, ainsi qu’un pâturage, longeant le bois local, et où l’on rangeait les bêtes durant l’été, appartenaient eux aussi à la seigneurie. Au dernier recensement, le château des Ianos et ses alentours proches regroupaient près de deux ans âmes, chiffre qui progressait jusqu’à cinq cents si l’on comptait le populaire des hameaux. Mais il n’en avait pas toujours été ainsi. Avant que les Gaediens ne ravageassent le royaume de Kandrasie, ce que l’on appelait l’Ysna ed Cens – havre de paix, en Kandrasien – n’était qu’en fait une châtellenie que mes ancêtres avaient rachetés, pour une bouchée de pain, à un Trism Kandrasien qui, ayant fait fortune dans le commerce en Fironk, s’était fait bâtir, suivant le modèle des grands châteaux Kandraques, un petit chez lui. Il advint néanmoins rapidement, et à son grand dam, qu’il dût rallier le pays pour une affaire personnelle. Profitant de cela, mes ancêtres s’étaient offert la châtellenie, devenu pied à terre dépaysant pour eux.
Après le massacre du Royaume par ces félons Gaediens – que le courage n’eut jamais trop étouffé, mais dont le désir de rapine et de picorée était toujours ardent – le domaine de mes ancêtres fut au trois quart détruit, sa population massacrée ou réduite à l’esclavage et, n’ayant plus grand-chose à espérer d’un royaume à saigné à blanc et à l’agonie, c’est, la mort dans l’âme qu’il fut choisi de fuir vers la châtellenie les barbaries Gaediennes. Avec quelques hommes d’armes et chevaliers qui leur resta fidèles, mes ancêtres partirent dans l’Est, ralliant à eux les quelques Reism qui se ralliaient à leur bannière et, au fil des années, la châtellenie se fortifia, et ses terres s’agrandirent jusqu’à ce qu’on leur reconnaît ce jour d’hui.
S’étant, de par sa culture et sa régence, éloignée progressivement du pouvoir Fironkois, l’Ysna ed Cens se forma, tel un ilot dans l’océan, isolé du reste de Fironk. A la mort de mon père, je repris le domaine, moi, Celenor Ianos, sixième du nom, et dernier représentant mâle de la lignée des Ianos de Kandrasie. Mon père avait travaillé à l’isolation de notre fief, et avait peu pratiqué la politique avec ses voisins. Mon avis sur ce point est tout autre et, dans ces périodes troublées, c’est en chevalier Kandrasien exilé et en quête de gloire que je vends mon épée, à une noble clause.
*Chevalier
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