La fin du Purgatoire

LA FIN DU PURGATOIRE

Orcum. Ce nom avait perdu peu à peu son sens premier aux yeux des nombreux clans nomades qui parcouraient le désert. Le Siâle, les Hauts-Plateaux et la Souhnak n’étaient plus une réalité mais un mythe ancien, traversant les générations, de Tiram en Tiram, sans qu’à la fin plus aucun ne puisse vraiment y croire. La seule chose qui perdurait encore était cette foi pour Ndriananaharyth, ce respect que l’on éprouvait pour un Esprit qui savait se montrer bon, comme il savait aussi se montrer dur. Combien de fois avait-il sauvé les Rem’Ia de la famine en plaçant des oasis sur leur route ? Combien de fois avaient-ils été épargnés de ces tempêtes de sables mortelles, qui asphyxiaient sans mal ces nomades lorsqu’ils franchissaient la Colonne de la Mort ?

Klébr pensait à ça en cet instant, alors qu’il était confronté à l’une des plus importantes tempêtes de sa vie. Voilà cinq jours qu’il était parti avec une trentaine de ses meilleurs guetteurs et voilà cinq jours et cinq nuits que les bourrasques de vent et de sable les assaillaient, les forçant à combattre avec le plus de vigueur possible les éléments déchaînés. Le Tiram se demandait pourquoi Ndriananaharyth ne voulait pas qu’il aille vers l’Est, pourquoi ce vent qui soufflait si fort voulait le contraindre à cesser la recherche d’une oasis où tout le clan pourrait se reposer et faire le plein de vivre.

« Jroark, bloc, bloc ! »

Ne formant plus qu’un pack compact, le groupe avançait face au vent, les chairs emmitouflées dans des tissus épais. L’Oblath au centre de la pyramide était sans conteste le plus fort de la bande, prêt à donner l’impulser alors que derrière lui, tout le monde poussait pour ne pas se faire balayer comme une vulgaire dune par la rafale. Derrière lui, le Tiram tâchait de se cramponner au mieux à son harnais et à pousser en avant, toujours plus fort, toujours plus vite.

On entendit un long râle à l’arrière puis le souffle tonitruant de la tempête masqua l’alerte donnée. L’un des ailiers venait de décroché, emporté par les Cavaliers de l’Angach. Quand cela allait-t-il s’arrêter ? Combien d’hommes devrait-il encore perdre avant de devoir renoncer ou bien alors avant de mourir ? Klébr, dans ses prières implorait les Esprits que ce tourment cessa, qu’ils puissent trouver un peu de repos et envisager la suite de leur périple, la survie des Rem’Ia en dépendait, la survie de toute une tradition aussi. Combien d’autres clans étaient encore en vie ? Nul ne le savait au sein de sa grande famille, cela faisait bien des décennies que l’on avait rencontré qui que ce soit.

Après que l’on eut encore crié à la porte d’hommes sur les flancs, il fut ordonné de se placer en losange et d’attendre que la rafale ne cesse, elle durait depuis bien trop longtemps pour n’être qu’un fait de la Nature. Tout le monde pensait que Zanaryth voulait les cacher de quelque chose et malgré leur incommensurable dévotion, ils voulaient mettre un terme à cette supplique.

Le vent furieux finit par cesser, et le paysage se découvrit peu à peu devant eux. Ataokoloinonana était-il à l’origine de ceci ? Le soleil prenait peu à peu place entour d’eux, les laissant constater avec une stupeur sans précédent le décor qui était planté devant eux.

Les Anciens avaient-ils voulu leur cacher ceci ou bien alors voulaient-il que l'histoire ne se perpétue de nouveau, en faisant de Klébr Rem'Ia le successeur du Prophète Joackim ?