Une Auberge, une nouvelle

C'était la première fois que Zane s'éloignait autant du domaine familial des De Freysac, mais aussi de la ville qu'elle parvenait à gérer depuis qu'elle avait su faire ses preuves face aux siens. Longues furent les années qui avaient contribuées à faire d'elle ce qu'elle était désormais: une diplomate Gaedienne. Elle était encore jeune, et manquait probablement d'expérience, mais elle avait su s'imposer dans le monde des hommes. Après tant de travail acharné, elle avait jugé bon de s'éloigner un peu du tourment des villes et de l'enfer de la gestion le temps d'aller boire un verre.

Zane avait un côté un peu aristocratique aisément perceptible. Son corps était celui d’une femme à la peau blanche comme la neige. Son visage aux traits fins semblait pur et angélique tandis que de fines mèches de cheveux noirs de jais tombaient sur son front orné d’un diadème d’argent. Ses yeux noirs semblaient scintiller sous de fins cils dorés. Elle portait une longue robe rouge grenat sans manches, fendue jusqu’aux cuisses sur le côté droit, et qui descend le long de ses jambes élancées en plusieurs étages de soie ondulée et ce jusqu’à effleurer le sol. Une cape de soie noire entourait ses épaules, accrochée à l'aide d'une fibule, et où était brodé le blason des De Freysac.

Lorsqu'elle arriva devant la porte de cette auberge, tout la poussait à y entrer, sans réellement savoir la surprise qui l'y attendait. Il faisait froid, sombre et humide à l'extérieur. Ce n'était pas vraiment un temps agréable pour une femme habituée au luxe et au confort offert par sa famille. Elle poussa donc les portes de la bâtisse pour s'engouffrer dans l'ambiance chaleureuse de l'auberge. Une douce odeur d'alcool et une atmosphère propice aux festivités y régnaient. Un léger sourire étira ses lèvres alors qu'elle se dirigeait gracieusement vers le comptoir.

Son regard se promena autour d'elle jusqu'à ce qu'elle apperçoive Aurelius. Elle s'immobilisa brusquement, le coeur battant, surprise de voir une telle personne en un tel lieu à ce moment précis. Un sourire joyeux illumina son visage et elle s'approcha silencieusement de son frère avant de s'installer tranquillement à côté de lui.

"Aurelius ! Par Gaed, quelle délicieuse surprise que de te trouver en ces lieux, mon frère !" S'exclama-t-elle avec enthousiasme.

Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas vu ses frères. Gérer sa ville était devenu une tâche très prenante et éprouvante, si bien qu'elle en oubliait parfois ses liens avec le reste du monde. Seulement aujourd'hui était un jour spécial, elle en était persuadée. Trouver son frère en cette auberge n'était certainement pas dû au hasard !

"Comme je suis heureuse de te retrouver ! Cela faisait si longtemps à mon coeur ! Quelles sont les nouvelles ? Primus n'est pas avec toi ?" Questionna-t-elle.

Aurelius restait au comptoir, pensif, a sirotter son verre de vin. Il regardait au fond du verre, puis devant lui, soupirant à quelques moments. Il apperçu du coin de l'oeil une jeune femme s'approchant du comptoir. Aurelius resta de marbre, continuant à rêvasser.
Soudain, la voix de la femme lui parut familiaire. Il se retourna pour voir qui était cette nouvele arrivante. La surprise se lisit dans ses yeux, ainsi que la joie sur son visage. Il se mit à sourire, heureux qu'il était de revoir sa soeur cadette.
Il se leva et la prit dans ses bras.

"Zane ! Comment vas tu soeurette ? Il y avait longtemps que je ne t'avais pas vu, avais tu donc oublié ton grand frère préféré ?" Il rit, puis, la regardant rapidement, reprit.

"Primus ... Non, il n'est pas ici. A vrai dire, je ne le vois plus beaucoup non plus, il à un monastère à gerer, il a été nommé Inquisiteur il y a peu, je ne sais pas s'il t'as prévenu. Il porte la bonne parole de Gaëd aux payens ! Notre grand frère est un élu de Gaëd, qui l'eût cru ? Mais viens peitte soeur, allons prendre une table, nous y serons plus à l'aise. Auberge ! deux verres de vin de Val de Faust !"

Aurelius se dirigea vers une table, prit une chaise et fit assoir sa soeur, puis, à son tour, il s'assit.

"Pour ma part, j'ai repris une des petites bourgades sous feu l'autorité de notre bon père. Tout comme toi je suppose ?"

Zane fut particulièrement heureuse de voir que son frère partageait sa joie, se laissant étreindre avec docilité. En vérité, Aurelius, ainsi que Primus, étaient bien les seuls hommes qu'elle laissait approcher de si près. Elle paraissait sincèrement de bonne humeur, chose rare pour elle qui était si habituée à feindre les sentiments et remplir son rôle d'actrice en tant que diplomate. Entendre le rire de son frère était bien l'une des seules choses qu'elle appréciait véritablement. C'était une chose simple, mais cela lui faisait plaisir.

"T'oublier ?! Comment aurais-je pu ?! Toi et Primus êtes bien les seuls qui ont une grande place en mon coeur, sois-en sûr ! Oh, Aurelius, comme tu m'as manqué ! Mes jours furent si noirs et si lassants sans votre présence pour égayer ma vie !" Répondit-elle aussitôt.

Elle se tut. Elle savait en effet que Primus avait été nommé Inquisiteur, mais elle ne l'avait guère vu non plus depuis lors. Dans ses yeux brillaient une certaine admiration. Elle avait toujours admiré ses frères, ce qui l'avait d'ailleurs poussé à tout faire pour suivre le glorieux destin des De Freysac malgré le fait qu'elle soit une femme. Mais que son frère soit devenu un Inquisiteur, un 'élu', un envoyé de Gaed sur Terre...cela ne faisait que renforcer son affection pour Primus. C'était un véritable honneur d'avoir une telle personne dans sa famille !

Sans souffler un mot de plus jusqu'alors, elle suivit Aurelius avant de s'installer à la table. Pendant des années elle n'avait cessé de penser à toutes les choses qu'elle aurait voulu dire à ses frères, et maintenant que l'occasion se présentait, son esprit s'embrouillait et se vidait peu à peu de toute pensée claire. Elle était vraiment émue, fière d'être une De Freysac, fière d'être Gaedienne, et fière d'être la soeur d'Aurelius et de Primus. La question d'Aurelius la tira de son mutisme. Elle sourit doucement alors, comprenant peu à peu qu'elle était devenue l'égale de ses frères après tant d'années d'efforts.

"Oui, j'ai moi aussi hérité d'une petite ville assez loin d'ici. Je l'ai baptisée Alkana. C'est une ville encore jeune et pauvre, mais je compte bien faire d'elle une cité rayonnante ! Je suis certaine que je suis sur la bonne voie. Il me suffirait juste d'établir ensuite des relations diplomatiques avec les seigneurs alentours et éviter le plus possible les conflits sans grands intérêts..." Répondit-elle sur un ton jovial.

Elle était vraiment déterminée à s'en sortir et à faire honneur aux De Freysac. Qui plus est, elle espérait sincèrement que ses frères soient fiers d'elle. Elle aurait d'ailleurs tout fait pour cela, quitte à prendre les armes et montrer qu'elle était tout à fait valable, et ce même au combat.

"Alors comme ça, Primus est devenu Inquisiteur, mmm ? J'ai reçu la nouvelle. C'est un véritable honneur, je suis très heureuse pour lui ! Je conçois qu'il doit être très occupé, mais je dois avouer qu'il me manque beaucoup. Se serait formidable si nous pouvions nous retrouver, tous les trois, comme avant, tu ne penses pas ? Bien que nous suivions des voies différentes, je suis persuadée que nos buts restent les mêmes. N'agissons-nous pas tous au nom de Gaëd, au fond ? Et puis, une petite réunion familiale n'a jamais fait de mal !"

Il la regardait, Aurelius avait bien revu sa soeur de temps en temps, mais depuis qu'il était entré à l'académie militaire pour faire carriere dans les armes, il ne voyait que très peu, et ceci c'etait accentué depuis que feu son père lui avait leggué une partie du domaine familial. Il n'avait plus eu le loisir de rire comme il le faisait en compagnie de sa soeur, sa nouvelle tâche étant assez éreintante. Il comptait lui aussi faire de Monterean une cité fleurissante, autant sur le point de vue commercial que militaire. Après tout, Aurelius était un soldat.

L'aubergiste apporta les verres de vin. Aurelius le remercia et lui tendit quelques pièces qu'il prit avant de retourner tenir son batiment. Freysac prit son verre et commença à siroter le vin.

"Si tu as besoin de conseils ou d'aide pour gerer tes gens, n'hesite pas à me demander. Je pourrais t'envoyer quelques conseillers."

Lorsqu'elle parla de Primus, Aurelius se fit plus froid. En effet, Primus étant l'ainé, la plus grande gloire lui revenait souvent, Aurelius restait souvent en arrière plan, mais il ne s'en plaignait que peu. Il savait rester à sa place, et il pensait sincèrement que son frère méritait tout les honneurs qu'il avait.

"Oui, c'est bon pour notre famille de compter un homme tel que lui parmi nous. Mais tu as raison, nous agissons tous pour Gaëd, et je compte sur lui pour qu'il arrive à le faire comprendre aux payens des terres exterieures."

Il sourit quand sa soeur évoca la réunion familiale.

"Il serait bon en effet. Qui sait, il passera peut être le seuil de cette porte bientot, même si cela lui ressemblerait guère ... Après tout, tu l'as bien fait, et je ne te savais pas une attirance pour l'alcool ..."

Lorsque l'aubergiste apporta les verrs, le regard de Zane se plongea dans le luiqide vermeil qui emplissait son verre. De l'alcool. En temps normal, et si elle ne s'était élevée aussi haut dans la société en tant que femme, boire un tel breuvage aurait pu être qualifié d'acte provoquant voire hérétique. En y repensant, il était vrai qu'elle avait rarement vu des dames boire de l'alcool comme l'aurait fait de farouches guerriers. Mais il ne s'agissait là que d'un verre de vin, pas vrai ? Et puis, elle dirigeait elle aussi une cité, elle se battait elle aussi, elle avait donc elle aussi le droit de boire !

Elle fit tourner un instant le liquide au fond de son verre avant de le boire doucement. Ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait goûter à ce genre de chose. Et puis, avec le froid qu'il faisait dehors comparé à la douce chaleur de l'auberge, un peu d'alcool pour réchauffer son corps était le bienvenue ! Devant les paroles de son frère, elle afficha de nouveau un sourire et posa son verre.

"Je te remercie mon frère. Je sais que je peux compter sur toi. Cependant je veux apprendre à être indépendante et parvenir par moi-même les exploits que l'on attend de moi en tant que descendante des De Freysac. Si besoin est, je me tournerai vers toi pour demander ton aide, mais je ne le ferai que si ma situation semble désespérée. J'ai tout de même mon honneur à défendre et je ne veux pas que l'on dise de moi que je suis incapable de gérer seule ma propre ville. Il n'est pas facile pour une femme de se faire obéir." Répondit-elle toujours avec une certaine once de joie.

Elle repensa un instant à son passé et aux difficultés qu'elle éprouva à imposer son autorité sur ses vassaux. Le fait qu'elle ait eut la confiance de ses parents et l'influence de ses frères l'avaient beaucoup aidé. Sans eux, que serait-elle d'ailleurs devenue à présent ? Une jeune noble écervelée, mariée à un vieux seigneur ennuyeux afin d'établir une potentielle alliance ? Cette simple idée la répugnait. Elle détestait que l'on ne la considère que comme un objet d'échange qui aurait du rester à la place qui était sienne. Cependant, sa place, elle était au combat, au milieu des hordes de soldats, à porter les emblêmes de Gaed pour Ciran ...

Lorsqu'Aurelius parla de Primus, Zane pouvait sentir le changement progressif du comportement de son frère. Elle avait l'habitude d'analyser les attitudes des autres, étant donné qu'elle devait toujours s'ppuyer sur les sentiments des autres en diplomatie...Elle ne savait guère pourquoi Aurelius lui paraissait soudainement distant, et ne se posa d'ailleurs pas réellement la question. Elle était bien trop heureuse qu'il l'approuve dans ses paroles pour prêter attention à la froideur qu'il refoulait.

Lorsqu'il lui parla d'alcool, elle se mit à éclater d'un rire cristallin et doux. Au fond, il est vrai que non seullement elle était une femme, mais en plus elle fréquentait les auberges, et cela devait certainement en étonner quelques uns qui restaient attachés aux traditions. Le fait que son frère fasse une telle remarque l'amusait beaucoup. Au fond, ils ne s'étaient pas vus depuis un bout de temps, et Zane ne cessait de changer, d'évoluer...

Elle resta un instant pensif et son regard se posa sur la porte de l'auberge, espérant ardemment que celle-ci s'ouvrirait et laisserait entrevoir le visage de Primus. Elle poussa un léger soupir et son sourire se fit plus triste. Elle aurait aimé qu'il soit là, ou qu'il poussa cette porte et vienne vers eux en souriant lui aussi, mais elle savait bien que c'était impossible. Elle posa alors de nouveau son regard sur Aurelius.

"J'aurai sincèrement aimé que tu dises vrai et que Primus nous rejoigne. Après tout, tu as raison, je n'aurai jamais pensé également que nous nous retrouvions dans un tel lieu également. Alors, peut-être que ceci n'est autre que la volonté de Gaed et que, d'une minute à l'autre, nos chemins se croiseront de nouveau et nous serons alors réunis !"

Elle marqua une pause puis but quelques gorgées de vin avant de poursuivre.

"Quant à l'alcool, je suis grande maintenant ! J'ai pris mon indépendance, et je suis en droit de boire. Les aubergistes n'ont rien à y redire tant qu'on les paye, de toute façon ! Et puis ce n'est pas vraiment une attirance pour l'alcool. Disons que je sais apprécier les bonnes choses, et qu'un bon vin est toujours agréable à boire par un pareil temps !"

Aurelius sourit à la remarque de sa soeur sur l'alcool. Il était resté silencieux, écoutant ce quelle avait à dire. Il est vrai que, en y repensant, Aurelius n'avait lui non plus pas vu son grand frère depuis un moment, moment qui tout à coup lui sembla long, très long. Il se retourna à son tour, fixant la porte, puis détourna son regard et retourna à son verre. Il ne put s'empêcher de taquiner sa soeur.

"grande petite soeur ? Mais grâce à qui ? Et d'ailleurs, cela te fait combien d'hivers maintentant ? Fort peu il me semble pour boire du vin ! De Val de Faust en plus !"

Il regarda dans l'auberge, redevenant pensif. Il but une gorgée de vin et s'apperçu que le niveau de son verre baissait à vue d'oeil. Ceci le fit songer à poser son verre.

"Oui, Primus me manques un peu aussi, si j'ose dire. Si c'est Gaëd qui nous a réuni ici, alors il viendra, c'est certain. En tant qu'inquisiteur, c'est la volonté de Gaëd qu'il incarne..."

Il ressonda la salle. Elle était presque vide, quelques marchands, sans plus. Il se demandait comment un tel batiment pouvait être si peu fréquenté par un temps pareil.

Devant la seconde remarque de son frère, elle éclata de rire à nouveau. Elle savait bien qu'il le faisait exprès, et elle devait avouer que cela l'amusait. Après tout, c'était peut-être sa façon à lui de lui montrer son affection en tant que grand frère. Elle le comprenait très bien et se laissait taquiner sans réellement protester. Elle joua le jeu, souriant timidement en regardant son verre de vin.

"Oh ! Allez ! Ce n'est pas tous les jours que je peux me permettre de boire de l'alcool, et du bon qui plus est ! Tu ne vas pas me blâmer pour ça, n'est-ce pas ? Et puis après tout je ne fais que suivre ton exemple, voilà ! Et...d'ailleurs...c'est très mal poli de demander son âge à une jeune femme !" Répliqua-t-elle en se cherchant des excuses.

Elle l'imita lorsqu'il se remit à boire, bien décidée à montrer qu'elle était dans son droit et que personne ne l'empêcherai de consommer du vin. Puis, finalement, elle reprit un air plus sérieux, bien qu'un éternel sourire ornait ses lèvres. Les paroles de son frère la troublèrent un instant. Si Gaed les réunissaient en ce jour, alors ce ne pouvait être qu'un signe ! Au fond d'elle, elle désirait sincèrement que ce soit la vérité, que Gaed les ait réuni et que son second frère émerge de l'extérieur pour venir faire son apparition en ces lieux. Mais elle savait pertinemment que ce n'était point un lieu pour un Inquisiteur, et que tout ceci n'étaient que des inepties, de futiles espoirs qui ne se réaliseraient probablement pas...

Elle se tut néanmoins. Elle était sufisemment heureuse d'avoir croisé le chemin d'Aurelius, et c'eut été capricieux de souhaiter avoir plus alors que Gaed venait de lui offrir tant. Ce fut comme si les ombres de la mort qui guettaient le moindre faux pas s'étaient tout à coup dissipées pour laisser place à un sentiment de sérénité totale. Depuis qu'Aurelius été à ses côtés, elle se sentait en sécurité, loin de ses tourments, loin de la dure solitude et de l'éprouvante existence qu'elle menait. Tout semblait étrangement silencieux autour d'elle. Elle remarqua que l'endroit était plutôt vide, et trop calme à son goût. Machinalement, elle engloutit le reste de son verre et posa ses coudes sur la table.

"Tant pis si Primus ne nous rejoint pas se soir, je m'arrangerai pour lui rendre une petite visite à l'avenir en ce cas. Je suis déjà très heureuse d'avoir pu te retrouver toi. Cela me fait beaucoup de bien de parler à quelqu'un de familier ! J'ai côtoyé bon nombre de personne depuis mon départ du domaine familial, mais pas une n'a su vous remplacer, toi et Primus ! Ce fut vraiment dur, sans vous..."

Sa voix s'affaiblit jusqu'à s'éteindre. Elle pouvait entendre le crépitement des flammes de la cheminée et quelques personnes qui parlaient assez bas. Elle parut perdue dans ses pensées un court instant, puis reprit aussitôt en souriant:

"Mais dis-moi ! Comment se porte ton domaine ? As-tu des alliés, des ennemis ? Es-tu marrié maintenant ? Ou comptes-tu faire quelque chose en particulier ?" Questionna-t-elle brusquement.

Elle voulait tout savoir. C'était un de ses défauts. Elle était vraiment beaucoup trop curieuse, sauf quand elle savait que sa curiosité pouvait lui nuire, et encore...Et puis, si son frère avait un quelconque projet à mener, elle aurait pu utiliser un quelconque prétexte pour rester un peu à ses côtés.

"Gaed soit loué ! On ne m'avait pas menti !"

Primus était entré dans l'auberge, et son regard s'était immédiatement porté sur son frère et sa soeur, debouts prêts du comptoir. Il s'avança à grandes enjambées vers ceux qui, avec gaed, formaient sa vraie famille et les enlaça chaleureusement.

"J'ai craint que ce bellitre ne m'ait mené ici dans le seul but de gagner quelques piécettes, mais il semblerait que les menteurs soient écartés de mon chemin par le Très Grand. Je ne serais pas hommé d'église, je dirais que c'est un miracle..."

L'inquisiteur se tourna vers l'aubergiste, sortit quelques retrahs de sa bourse et les posa sur le comptoir.

"Tenancier, pourriez-vous me servir un verre du même vin ?"

L'aubergiste s'exécuta, servit son client, prit la monnaie... Il y en avait trop... Il pourrait... Non. Il avait entendu trop d'histoires sur ces inquisiteurs sournois qui poussaient les fidèles à l'infamie pour pouvoir les chatier. Il n'avait pas vraiment envie de se retrouver sur une roue pour avoir volé un homme d'église, et il rendit la monnaie en affichant un large sourire, de très franche apparence - car un bon aubergiste doit savoir bien sourire à quiconque se présente.
Primus prit son verre et se retourna vers sa famille. Il les savait dans cette ville, et les avoir retrouvés lui faisait chaud au coeur. Gaed était un père bienveillant pour les avoir regroupés au sortir de leurs formations respectives.

"Ma soeur, méfie-toi ! Le bon vin brouille les sens plus surement que le meilleur de tes discours !"

Et il marqua son affirmation en portant son verre, ainsi qu'un sourire, à ses lèvres.

Aurelius restait sans voix, cette apparition l'avait tout bonnement soufflé. Il regarda son frère, habillé en homme de foi. Il l'aurait cru plus sévère suite à sa nouvelle tâche, cela le surprenait.

"Primus mon frère ! Comment te portes tu ? Quelles nouvelles de chez toi ? Alors tu as réussis à atteindre ton but, je loue ton courage. Viens t'assoir et racontes nous tout, Zane était en train de dire qu'une réunion de famille s'imposait, faisont la ici !"

Il fit un signe à son frère pour qu'il vienne s'assoir à leur table.

Alors qu'elle avait perdu tout espoir de retrouver son second frère en un pareil endroit, une voix familière la tira de ses pensées. Son coeur se serra dans sa poitrine et, oubliant son interrogatoire, elle se tourna vivement vers ce qui lui semblait être un homme saint. Ses yeux s'écarquillèrent un instant sous la surprise, et bien qu'elle avait bougé les lèvres pour parler, aucun son ne parvint à sortir de sa gorge. Elle ne put que réussir à sourire timidement après une embrassade dont elle n'aurait jamais pensé être gratifiée.

Aurelius aussi semblait surpris, mais peut-être pas autant qu'elle ne l'était elle-même. Etait-ce un signe ? Gaed les avait-il réuni ici dans un quelconque but ? Cette retrouvaille ne pouvait décidemment plus n'être dûe qu'au hasard ! Il était tout simplement inconcevable qu'ils puissent se retrouver à présent alors que leur destin avait prit de si différentes voies...Quoi qu'il en soit, voir apparaître Primus dans les habits saints d'un Inquisiteur de Gaëd était plus qu'un honneur, c'était une véritable bénédiction pour leur famille !

Elle n'osa pas interrompre ses deux frères jusqu'à ce que Primus viennent les rejoindre. Un miracle, avait-il dit en parlant de l'aubergiste. Elle voyait les choses ainsi pour leur rencontre. Si ce n'était pas un miracle alors qu'était-ce ?! Suivant le geste de son frère, elle leva à son tour son verre en souriant joyeusement.

"Je n'oserai mettre en doute tes paroles, mon frère, et j'espère en ce cas que mes discours surpasseront les qualités troublantes de ce vin ! Je lève mon verre à nos retrouvailles !" Répondit-elle avec enthousiasme.

Puis, observant Primus avec une certaine admiration, elle ajouta en souriant:

"Je n'aurai jamais pensé que nous nous retrouverions un jour en ces lieux. Votre présence m'est agréable mes frères, et je suis profondemment touchée que Gaed ait accordé mon souhait. Nous voilà réunis. Je suppose que nous avons tous beaucoup changés depuis. Je partage la curiosité d'Aurelius. Alors, raconte-nous tout ! Je brûle d'entendre comment tu es parvenu à avoir l'honorable statut d'Inquisiteur !"

Cette auberge - une auberge nouvelle, de bonne fréquentation - diposait de plusieurs étages. Entre celui des buveurs et des dormeurs se trouvait une minuscle plate-forme de quelques tablées, mal éclairée et mal-famée. Dans cette sombre tanière, un non moins sombre sire tout de noir vétu. C'était un jeune homme assit avec négligence sur une chaise tanguant d'un côté puis d'un autre. Du haut de son perchoir, le drôle observait avec nonchalance la scène qui se déroulait plus bas.

Il souriait aux antgonistes, un sourire sans joie et caché par les pans d'ombre. On ne l'aurait d'ailleurs jamais aperçut si l'absence de lumière de la plate-forme aurait suffit à masquer ce seigneur totu de noir vétu. Car il portait sur les épaules un grand et épais manteau de laine noire, comme on les porte en Aevenspir. Les yeux qui aurait eu la chance d'entrevoir les braies porter par l'homme aurait pu distinguer deux grandes bandes entrecroisées perpendiculairement et s'alliant avec le justaucorps noir d'un rouge sombre.
Si une lampe s'était penchée devers lui, on aurait embrasser d'un regard indécis un visage sombre et dur. Ses traits aigus et ses pupilles ardentes et ses longs cheveux noirs le rendaient fort beau, mais la froidure de ses politesses et la précison inhumaine de ses allures le faisaient craindre des femmes plus qu'elles ne l'aimaient.
Qu'ils me haïssent, tant qu'ils me craignent.

Voilà la pensée qui hanta ce jeune homme des années durant. En effet, le bâtard des Freysac, naquît dans l'illégimité et dans l'opprobe. Fils d'une Aevenspeer courtisée par le jeune Freysac, il n'était qu'une abhération dont on ne devait pas entendre parler. Pourtant, il était de le fils de sire de Freysac. Et, malgré les contraintes de ses proches, Freysac éleva son fils naturel en son chastel, mais au loin de ses autres enfants.

Grandissant de force et d'esprit, le fils naturel, de son sang bâtard, s'enhardit et chercha à gagner la reconnaissance de son père et de ses demi-frères. Ils ne lui apportèrent que le mépris et l'exil. Condamné aux montagnes maternelles, il alla se réfugier en Aevenspir, à l'ombre des Grands Seigneurs. A présent, il disposait d'un petit fief éloigné.

Mais revenons à l'auberge. Ainsi, le jeune Hændel ruminait de sombres pensées à l'égards de ses parents ( car à présent, ils étaient parents, feu son père l'ayant reconnu sur son lit de mort ! ). Il était à présent leur pair, fils de la maisonnée des Freysac, garant de son honneur, et si cette rencontre imprévue n'était pas signe de la volonté, alors Abrascus et Perceval brûlaient dans les Enfers païens.

Lors, malgré ce concours de circonstances voulu par la Providence, il resta silencieux en haut de son étage, à serrer aveec rage son épée et à se mordre ses lèvres pour se taire.