Alors que la Gramée s'en prenait à l'Aevenspir et que le monde se déchirait dans la guerre, un événement mineur se produisit au Beilan. Certains bâtiments maritimes, qui allaient souvent en Archipel, lieu d'extrême est que nous connaissons pour son exotisme et ses mystères, ramenèrent une cargaison de petits lymériens que les cours de Retrahant aiment tant.
Cette cargaison, qui était somme toute plutôt ordinaire, ramena sur le sol retrane une maladie plus virulente et plus mortelle que toutes les famines, les guerres et les catastrophes qu'avaient connu les Retrahantiens. Les nombreux félins infectés furent vendus un peu partout dans le monde, contaminant à leur tour les lymériens habitant leurs alentours.
Le Royaume de l'Elbre fut le premier à en pâtir. Cette maladie infecte, qui vous faisait déglutir des masses de biles noires et de sang mêlés, qui vous brûlait les entrailles et vous déchirait le tissu cloqué qui vous servait de peau, enfla dans tout le pays.
Extrêmement virulente et mortelle, elle se répandait en traînant derrière les villageois qui cherchaient à fuir le Châtiment, ne faisant qu'amplifier l'infection.
Eprise par le désespoir, la population, marrauds comme nobles, se laissa exploser dans une folie que le démon du Châtiment semblait exacerber. Ce furent des massacres sanglants où des corps torturés, des caricatures d'hommes s'affrontaient avec leurs moignons et leurs dents.
Malgré cette catastrophe que les prêtres nommaient sinistrement "Châtiment", la guerre battait son plein. Les campagnes militaires et expéditions punitives, les raids et les pillages ne firent qu'accélérer la destruction des races de Retrahant. La destin semblait scellé. Aux cadavres vinrent se joindre les ruines et les famines. Les derniers hommes craignaient la vie et tuaient tous les étrangers qui s'approchaient de leur refuge. C'était là un âge sombre que tous voulurent effacer de leur mémoire.
Les hommes survécurent ainsi pendant près de cinquante années. Sans foi ni loi, appeurés par un rien, incultes et barbares, réduits à néant par la maladie et ses évolutions, les hommes survécurent plus qu'autre chose.
Mais à présent, le Châtiment s'était apaisé, et Retrahant devait retrouver sa force et sa richesse.