Retour en Gramée

Combien de temps déjà ? Au moins une année. Peut-être plus. Le temps fuyait si vite…Automne 238. Trois années avaient dû s’écouler depuis sa disparition de la Gramée. En réalité, elle était restée tapie dans l’obscurité, au fin fond des marais, attendant patiemment que le grand jour vienne. Le jour où elle pourrait sortir. Le jour où elle pourrait revenir. Le jour où elle pourrait se venger, et assouvir sa soif de sang et sa rancœur.

Elle avait trouvé refuge dans une grotte et avait réussit à survivre trois ans dans les marais en chassant et en travaillant dur pour passer l’hiver. Maintes fois elle fut blessée ou en proie à la famine, mais jamais elle n’avait abandonné. Elle n’avait jamais pu s’expliquer pourquoi elle avait fuit Eltharia, ni pourquoi elle avait abandonné les siens dans un moment critique. Elle était rongée par tant de remords qu’elle se flagellait dans l’espoir qu’Arm’Cherk lui pardonnerait sa faute. Pendant trois ans, elle vécut en paria en s’automutilant, en priant et en se privant de nourriture pour offrir ses proies à son Dieu. Elle avait apprit à reconnaître les herbes des marais et s’habitua vite à la chasse. Puis, jugeant qu’elle s’était purifiée de toute lâcheté, elle avait enfin prit sa décision.

Sa route fut longue, et elle marcha jours et nuits pour revenir au cœur de la Gramée. Elle avait vécu toute sa vie en ces marais, et ce labyrinthe de branchages n’avait plus aucun secret pour elle. C’est en cet an de grâce 238 qu’elle atteignit enfin la cité abandonnée d’Eltharia. Elle fut surprise de voir que l’ancienne cité où elle avait trônée fièrement n’était pas encore devenu un tas de ruines. Mais il n’y avait plus âme qui vive. La peste aura dû les emporter…Et s’il n’y avait eût tous ces corps décomposés empalés sur des larges pics de bois, elle aurait pu espérer que cet endroit autrefois si imposant n’était pas sa cité.

« Eltharia est morte avec moi. Mon honneur et mes hommes se sont éteints en même temps… » Susurra-t-elle alors qu’elle parcourait les étroites rues de la cité abandonnée.

Elle traînait les pieds, affaiblie, se maintenant parfois aux murs pour éviter de trébucher. Ses jambes comme ses mains étaient écorchées, et son corps laissait paraître les cicatrices de rudes combats, errances, et flagellation, seule dans les contrées sauvages de Gramée. Elle s’était préparée pendant trois ans à retrouver les siens. Elle avait peut-être gagné le pardon d’Arm’Cherk, mais elle devait à présent gagner le pardon d’Arm’Khan. Cependant elle était honteuse de son état. Seigneur déchu, ne possédant plus rien d’autre que des vêtements en peaux d’animaux, il eut été fort déplaisant de se présenter devant ses nobles alliés.

« Que nos ennemis, qui qu’ils soient, craignent mon courroux ! J’en ferai empaler des centaines, des milliers, si je puis retrouver honneur et cité ! Arm’Cherk m’a guidée, et son obscure clarté fut seule lumière de mes nuits passées dans les marais. Ma faute envers lui est expiée. C’est à la Gramée maintenant que je dois retourner. Je veux marcher à nouveau sur Retrahant…au nom de notre serment, mes frères… »

Lentement, la jeune femme quitta les rues désertes de la cité et se dirigea presque instinctivement vers Korandor. Là régnait la seule personne qu’elle eut aimé depuis son arrivée dans la Confrérie. Là, trônait l’unique personne devant laquelle elle ne craignait pas de paraître. Et s’il voulait se venger de son départ et prendre sa vie, si cette personne voulait la tuer, alors si c’était de ses mains et de ses mains seules, alors elle était prête à lui donner sa vie pour être pardonnée. C’est donc dans un état lamentable que la jeune femme réussit à atteindre les portes de la cité de Cypher Lukhan, regardant avec émerveillement ces murailles qui lui rappelait inexorablement leurs combats d’antan. Aveuglée par le soleil qu’elle n’avait plus vu depuis tant d’années, elle se traîna jusqu’aux portes et hurla de toutes ses forces :

« Je suis Deis De Thrydwulf, souveraine exilée d’Eltharia. J’exige un entretien avec votre maître, le seigneur Cypher Lukhan ! »

C’est tout ce que ses forces lui permettaient de dire. Beaucoup de choses avaient dû se passer depuis son absence. Tout avait dû changer depuis lors. Sauf peut-être ses sentiments envers Cypher, qu’elle garda comme seul trésor personnel de sa vie passée en Gramée.

Un garde entra à toute vitesse dans la salle du trône, où Cypher était en train de préparer des plans d’attaques. L’armée avait été mobilisée, les épées de Korandor brillaient sous un soleil noir, et Cypher n’avait comme objectif de faire payer les Gaediens de leurs crimes envers Amk’Cherk. Vingt mille Graméens étaient tombés pour la gloire de leur dieu. Cypher, perturbé par ce garde, fut sur le point de le tuer sans aucune sorte d’hésitation. Mais un doute l’assaillit. Il avait une drôle de sensation, une sensation qu’il n’avait plus ressentie depuis bien longtemps maintenant. Il laissa retomber sa hache et fit signe au garde de s’avancer et de porter son message.

« Monseigneur ! Une paysanne s’est présentée devant les portes du château. Elle dit s’appeler Deys, Deys de Thrydwulf, et réclame une audience auprès de vous ! »

« Quoi ???!! »

Cypher se leva d’un trait. Non, ce n’était pas possible, cela ne pouvait pas être. Eltharia était tombée, maintenant depuis bien longtemps. Il était fort peu probable qu’elle est survécue seule, pendant si longtemps, dans les marais. Non, cela ne se pouvait pas.

D’un calme et d’une froideur inhabituelle, il s’adressa à son homme.

« Mène moi à elle! »

Lorsqu’il sortit du château, il la vit. Ses prières avaient été exaucées, Amk’Cherk venait d’accéder à sa demande, répétée depuis plusieurs années maintenant. Une joie qu’il ne connaissait pas l’envahit, avant de se rendre compte qu’elle était blessée et mal en point.

« Gardes ! Allez chercher les apothicaires, préparer une chambre pour notre invitée »

« Bien, Monseigneur »

Il s’approcha de la jeune femme frêle. Visiblement, elle n’avait pas vécu dans le luxe le plus raffiné, loin de la. Il l’a pris dans ses bras alors que ses forces l’abandonnaient. Il la porta vers le château noir de Korandor.

un messager tapa a la porte du Commandeur Atika.

mais qui me reveille au beau milieu de la nuit, entre.

il vit entrer un messager qui lui apportai un pli, a c'est toi dit il d'un air endormi, donne moi ton plit.

il lis le plit et dit "c'est pas possible, dame deis a survecut depuis toute ses années"

alors prend se plit et porte le a la ville du Commandeur cypher lukkan mais tu le porte seulement demain matin, la il est tard et tu ne va pas les déranger a cet heure.

le Commandeur Atika ce rejouissai du retour de sa soeur Deis De Thrydwulf.

Deis ne pouvait ressentir qu'une profonde honte pour sa déchéance. Se montrer au grand jour ainsi vêtue, aussi faible qu'un chien errant, méritant plus la mort que la pitié. Elle n'aurait jamais cru qu'Arm'Cherk l'aurait laissé vivre. Elle n'aurait jamais cru un jour qu'elle aurait eut à s'accrocher avec tant d'ardeur à la vie après le déshonneur subi et la ruine d'Eltharia. Seule sa foi, son amour de la guerre et sa dévotion pour les siens avaient guidés ses pas ici. Si Cypher lui permettait de vivre, alors sa main vengeresse saurait rescuciter Eltharia !

Lorsque les portes s'ouvrirent, les battements du coeur de Deis s'accélérèrent. Son destin s'avançait à grands pas vers elle. L'issue était extrêmement simple: la vie ou la mort. Qu'advenait-il des déserteurs ? Ne devait-elle pas subir le même sort ? Mais elle était là pour se racheter, non ? Cypher n'avait pas changé. Peut-être paraissait-il beaucoup plus imposant que dans ses souvenirs. Elle se surprit à sourire, alors que, peut-être, il ne lui avait jamais pardonné sa disparition. Et pourtant elle se sentait apaisée. Elle était même prête à mourir désormais, si c'était Sa volonté.

Elle fut surprise d'entendre les ordres donnés par Cypher. Elle ouvrit la bouche pour parler mais aucun son n'en sortit. Combien de temps était-elle restée muette ? Seule. Elle avait passé trois annés étendues dans l'obscurité, et chaque qui s'écoulait était un souvenir de moins, un mot de moins, une étincelle de vie qui s'éteignait doucement...En le revoyant à présent, c'était comme si son âme brûlait d'un feu ineffable ! Si bien que ses jambes tremblèrent, refusant désormais de porter son corps, et elle tomba dans les bras de son seigneur qui la portait à l'intérieur de cette cité qu'elle avait chéri autant qu'Eltharia.

"Vous ne me détestez pas, mon seigneur ?" Murmura-t-elle.

Il était vrai que son état était pitoyable. Autant que ses vêtements. Elle mourrait de honte à cet instant même. Peut-être aurait-elle préféré qu'il la haïsse et lui inflige le châtiment qu'elle méritait. Et pourtant elle ne pouvait s'expliquer pourquoi elle se sentait heureuse que les choses ne se soient pas passées comme prévues.

"Je n'étais pas venu quérir votre pitié...je voulais au moins vous revoir une dernière fois. M'excuser ne changera rien. Vous devez forcément m'en vouloir d'être ainsi partie. Sachez que je vous suis toujours restée fidèle. Ces années d'errance dans les marais m'ont permises de me rapprocher un peu plus de l'Unique. J'ai voulu expier mes péchés par l'ascétisme. J'ai pratiqué avec une foi aveugle sacrifices et mutilations pour qu'Arm'Cherk me pardonne et me guide..."

Sa voix était faible, tel un souffle, mais elle n'avait pas vu âme qui vive depuis trois ans. Il s'agissait de Cypher. Elle était bien trop heureuse de le revoir pour se taire.

"Voir Eltharia en ruines m'a déchirré le coeur. Mais je ne viens pas pleurer, non...je viens payer ma dette envers la Confrérie. Je viens racheter mes fautes. Je veux rebâtir Eltharia et redevenir celle qui fut digne de marcher un jour à vos côtés, pour la Gloire de la Gramée, ce pays qui toujours fut resté le seul que j'ai chéri."

Elle sentait ses forces décliner, puis dans un ultime effort ajouta:

"Si vous choisissez de me laisser vivre, je veux redorer le blason de ma lignée. L'empalleuse...doit revenir. Pour Arm'Cherk, je veux purifier ce monde dans les flammes...je veux le faire...avec vous..."

Ce fut ses dernières paroles avant que sa gorge ne lui brûle trop et que parler ne devienne bien trop douloureux.

"Taisez vous, vous allez vous affaiblir encore plus" dit il avec une douceur encore plus inhabituelle.
"Je me demande comment vous avez pu survivre avec une telle condition physique, visiblement Amk'Cherk vous a protégé, pour cela je Lui en suis reconnaissant. La lacheté n'est pas une preuve de faiblesse si la personne montre une envie de rachats, nous faisons tous des erreurs" dit il à mi-voix.

Arrivé en haut d'un escalier, Cypher ouvra une porte qui donnait sur une pièce de taille moyenne richement décorée. Des crânes polis ornementaient un lit à baldaquin, qui serait passé comme un instrument de torture dans tout autre pays au premier coup d'oeil. Mais celui-ci était plus confortable qu'il n'y paraissait.

Je vous demande désormais de vous reposer, vous êtes extrèmement faible, et je ne serais pas étonné qu'il vous fasse plusieurs semaines pour vous remettre sur pied dit il pendant que des serviteurs entraient avec du nécessaire de toilettes et des onguents.

Je vous demande également de vous laisser soigner. Votre dette envers Amk'Cherk a été payée, ce qui me suffit, mais il faudra refaire vos preuves façe à la Gramée, mais je vous soutiendrai.

Il se surpris à sourire.

Comment avait-elle survécu ? Elle se le demandait elle-même. Cela paraissait improbable. Elle avait appris à ses dépends la valeur d'une vie. Inconsciemment, elle voulait vivre, et elle s'était battue jusqu'au bout pour y parvenir. Arm'Cherk l'avait protégée ? Elle était dévouée corps et âme à son Dieu. Si Arm'Cherk lui avait accordé le droit de vivre, c'est qu'elle devait redoubler d'efforts dans la voie qu'elle suivait. A vrai dire, sa connaissance des plantes qu'elle avait acquise dans la confection des poisons l'avait bien aidée pour soigner ses plaies et mâcher celles qu'elle savait nourissantes et non toxiques.

Elle se taisait, et ne pouvait s'empêcher de fixer inlassablement Cypher. Il ne la haïssait pas ? Elle en était surprise. Mais avait-il toujours foi en elle ? Elle en doutait. Elle brûlait d'envie de lui montrer qu'elle était prête à tout pour se faire pardonner, mais elle était visiblement à bout de forces. Elle abhorait cet état dans lequel elle était, incapable de tenir plus de cinq minutes sur ses jambes, couvertes de cicatrices et de bleus. Ces trois années de miraculeuse survie n'avait fait que la renforcer, et au fond si elle prenait ce temps comme une incessante recherche de la rédemption, c'était aussi un entraînement formidable.

Il la conduisit dans ce qui était vraisemblablement une chambre décorée à la mode graméenne qui était, selon elle, de très bon goût ! Elle était apparemment gênée par cet excès de bonté qu'elle ne méritait pas, mais contester ou refuser aurait été impoli. Elle se devait de se soumettre à la volonté de Cypher. C'était ce qu'elle avait décidé en rampant jusqu'ici. Elle quitta les bras de Cypher pour s'allonger sur le lit, chose incroyablement comfortable comparé à la dureté des grottes ou des bois d'un saule.

"Vous avez mon éternelle gratitude, mon seigneur..." Se força-t-elle à dire malgré sa gorge en feu.

Son regard ne le quittait pas, cherchant en lui la moindre trace de colère ou de rancoeur. Elle ne pouvait pas comprendre qu'il ne puisse pas lui en vouloir.

"Je rebâtirai Eltharia plus grande, plus forte. Et je paierai ma dette envers vous et la Gramée. Je le jure devant Arm'Cherk..."

Elle ferma lentement les yeux. Du repos, et des soins. Elle en avait réellement besoin. Mais une semaine, c'était bien trop long. Dès qu'elle aura la force de marcher, elle commencera à reprendre ce qui était à elle et à faire rebâtir la cité déchue de l'empalleuse.

"Quand j'irai mieux, j'espère que vous accepterez de me conter ce qui s'est passé pendant mon absence..." Murmura-t-elle.

Peu à peu, elle finit par glisser dans les bras de Morphée. Il ne lui faudra sans nul doute guère longtemps pour prouver sa bonne volonté, et son désir de combattre au nom d'Arm'Cherk et de la Gramée.