Aux premières lueurs de l'aube, des hommes avaient pénétré de force dans le lieu qui leur avait été réservé. Des guerriers de l'intendance à en voir leur regard déterminé et leurs gestes précis. La porte fut enfoncée tandis que rapidement les kandrasiens, réveillés en sursaut, étaient soient désarmés soient plaqués au sol par leurs visiteurs. L'un d'entre eux, plus chanceux ou plutôt plus prudent que les autres, eût le temps de s'emparer d'une épée avant qu'un poing ne s'abatte sur son visage. Il n'en gagna finalement que de nombreux coups de chausses entre les côtes tandis qu'il se tordait de douleur sur le sol en terre-battue.
Ils furent traînés jusqu'à l'extérieur de la ville, sous les remparts aux vues et aux sues de la population qui se massait déjà pour jouir du spectacle si particulier. Les murs de la forteresse noire s'élevaient haut sur le flanc de la colline tandis qu'un froid saisissait tout morceau de chair qui aurait été laissé libre à ses prises. Deux gardes portaient le Kandrasien inconscient qu’ils jettèrent au sol aux pieds des siens, sans un mot.
Le représentant d’Ilsta’Adiad, Kalon, serulobio, s’avança devant les graméens pour obtenir quelque raison sur leur présence et la manière dont ils étaient traités. L’un des lieutenants, levé sur une monture, porta sa jambe à sa hauteur et d’un coup bien placé le fit tomber à terre tandis que d’autres tenaient en respect les paladins d’Erus prêts à bondir devant un tel affront. Quelques mots furent prononcés par un prêtre de ce Dieu graméen au nom imprononçable et enfin un jour pâle perça les nuages et dissipa le brouillard qui s’étendait sur la colline noire. Des dizaines de milliers de guerriers se massaient devant les murs de la forteresse noire des marais.
« Erus nous vienne en aide, c’est la guerre.
- Ton Dieu a pris soin de toi, il t’a rendu tes armes »
Le Graméen ricana avec les siens en jetant aux pieds des graméens leurs marteaux d’Erelian et des boucliers. Un autre vint leur mener leurs chevaux, sellés et visiblement excités par Ris savait quelle drogue. Enfin ils furent seuls. Les secondes s’écoulèrent, longues et tristes, les hommes se regardaient dans les yeux, une dernière fois, flattant l’encolure de leurs montures, soupesant leurs armes et tenant d’une main ferme la bannière de leur Royaume, la Kandrasie, l’honneur.
Les tambours commencèrent à sonner au pied de la colline, le sol tremblait à chaque pas des barbares des marais qui entonnèrent soudain un chant de leurs terres, probablement paillard. Des remparts retentissaient les vociférations de la population : paysans, mendiants et sans-logis qui jetaient des pierres sur les chevaliers ambassadeurs. Enfin une colonne d’archers vint à se poser sur les murailles, tendant leurs arcs sur la petite dizaine des émissaires qui attendaient à leurs pieds. Kalon regarda les siens qui relever un bouclier, qui poser d’un geste tremblant un casque sur leur tête. Le capitaine de leur petite troupe échangea quelques paroles avec lui et d’un geste empoigna l’oriflamme que tenait un de ses hommes. Déjà en face une compagnie d’archers se massait, quelques traits maladroits frappant les pierres à leurs côtés, faisant s’échauffer les purs sangs. Les barbares retirèrent les lames de leur fourreau courant maintenant sur la lourde pente menant aux kandrasiens.
Un trait ajusté frappa à l’aine un paladin d’Erus qui tomba à bas de sa monture provoquant l’énervement des autres étalons. Enfin les neuf restants lancèrent leurs chevaux au pas, accélérant progressivement tandis que deux très jeunes fils d’Erus murmuraient une berceuse destinée aux enfants.
“Aectel adiaraê haltar ysta eternid
Octeo per octea eriarân est eriomen ed imila’eria” *
Quand enfin les derniers archers furent positionnés sur leur flanc, les flèches jaillirent, traversant le ciel rapidement sous les mugissements des barbares s’élançant à l’assaut. Le cri des kandrasiens mourut dans leurs gorges.
“Eria ed Kandrasie, Ilsta’Adiad” »
*Le cheval est dans le domaine pour l’éternité,
Le prince et la princesse règnent sur le royaume de la reine, sa lumière