Le SouhYshmei, nouveau maître de la Perle de l’Océan.

Les semaines précédentes, deux des trois enceintes qui protégeaient Takkel-Yshma s’étaient écroulées sous l’impact des projectiles des 242 trébuchets graméens. Les stratèges graméens avaient manqué leur prévision concernant la résistance des murs de la capitale rem’yshme, livrant ainsi une petite partie de leur armée à la famine. Les trébuchets étaient armés, ils n’attendaient plus que l’ordre de tirer. Les troupes des marais attendaient donc la chute de la dernière enceinte avant de s’engouffrer dans la brèche.

Aiona de Narc, Aka de la Souhnak considérée par les siens comme une Déesse ne se faisait guère d’illusion quant à l’issue de ce siège. Le massacre des renforts de la cité du Jadi L’Ham composé de 36.000 hommes, principalement des épéistes équipés du Yatagan du SouhYshmei, et l’absence de plusieurs Akras de leurs cités pour des raisons diverses avaient effacé tout espoir. Elle était d’autant plus amère, qu’avec une meilleure coordination orcumienne, les 100.000 graméens réduits à 80.000, à cause de la famine qui n’avait pas manqué de sévir, auraient été à la portée des forces orcumiennes. Cependant, elle ne pouvait qu’en vouloir à elle-même, elle avait voulu cette guerre. Elle avait voulu montrer au reste de Retrahant que la Souhnak était devenue une puissance militaire à la hauteur de sa puissance économique et diplomatique. Elle avait voulu effacer les échecs successifs de son père Waldzrit de Narc à Fironk contre les Salamandres.

Elle avait échoué. Ses conseillers avaient tenté de la consoler en lui expliquant que cet échec était dû au fait qu’on ne transforme pas un peuple commerçant en un peuple guerrier. Elle en avait cure et savait qu’elle n’avait pas été à la hauteur. Elle aurait dû laisser sa sœur pro-graméenne succédée à son père ou, tout au moins laisser Takkel-Yshma se morfondre dans la tranquillité et mettre ses ambitions personnelles de côté. Elle pensa au reste de la famille de Narc qui avait été éloigné de Takkel-Yshma pour les mettre à l’abri égoïstement, ainsi que l’Orbe qui avait fait sa réputation parmi les rem’yshmes et les autres peuples orcumiens. Plongée dans ces dernières pensées, agenouillée sur la plage face à la mer, elle regardait le sang quittait son corps par les deux entailles qu’elle avait elle-même tracées dans son corps. Ses yeux se fermèrent à jamais alors que les vagues de l’Océan du Sud, le SouhYshmei, emmenaient au large le sang de l’Aka. Bientôt, il aurait bien plus de sang à évacuer.

Après le pillage de Takkel-Yshma par les graméens, son corps ne fut pas retrouvé. Certains dirent que le SouhYshmei prit son corps. D’autres que des proches maquillèrent le cadavre et le camouflèrent afin de l’enterrer au coté de son père dans le mausolée en ruine après le départ des troupes ennemies. Mais, ce n’est pas sa disparition qui marqua le plus les esprits des rem’yshmes, mais le fait que quelques jours plus tard Takkel-Yshma fut recouverte par l’Océan, comme si le SouhYshmei voulait qu’aucun descendant des Narc ne puisse y revenir. La légende dit que le SouhYshmei se retirerait lorsqu’un homme serait suffisamment digne à nouveau de gouverner la Souhnak et son peuple les rem’yshmes.

Les trébuchets Graméens durent tirer deux fois pour que les enceintes de la ville s'écroulent. Ce n'étaient pas les renforts envoyés par l'Ambassadeur qui auraient pu empêcher la Gramée de se déchaîner. Plus de 35 000 soldats avaient chargé courageusement à un contre quatre pour sauver l'une des plus belles cités des sables. Cela n'avait aboutit qu'à un massacre, l'encerclement n'ayant pas été brisé. L'enthousiasme gagna les Graméens qui savaient que seule l'armée protégée par les hautes murailles auxquelles ils faisient face pouvaient encore représenter un danger. Mais si 36 000 soldats avaient été vaincus si aisément, c'est qu'Orcum ne savait pas se battre. On pouvait toujours espérer un renversement de la situation, un évènement imprévu qui aurait fait renoncer les Graméens.

Mais lorsque les murs s'écroulèrent, les deux camps surent que plus rien ne pourrait empêcher l'effondrement d'Orcum. Les grandes cités avaient perdu leurs armées et il était probable qu'elles n'en relèveraient jamais d'autres. Le danger Orcumien était effacé, le pays retomberait dans le mutisme qui était le sien depuis longtemps. Il ne restait qu'un obstacle : l'armée de la famille de Narc.

La bataille fut rapide. Les soldats du désert furent écrasés par une pluie de flèches qui tua presque tous les fous qui avaient osé charger l'armée Graméenne. Les milliers d'archers furent balayés par la contre-attaque des épéistes de Melit-Aend. La bataille était terminée et seuls 15 000 Graméens perdirent la vie, bien peu comparé aux pertes que les nobles avaient estimées.
Quelques prisonniers Orcumiens espéraient être graciés par l'Intendant Graméen dont on disait qu'il respectait parfois des coutumes kandrasiennes où l'on épargne les hommes sans armes. Mais Haenan avait changé. Ses nombreuses années passées dans les marais lui avaient fait oublier ses anciennes valeurs et c'est sans aucun remords qu'il fit exécuter les hommes handicapés. Les valides furent emmenés vers Melit-Aend, pour qu'ils y soient incorporés dans l'armée.
Le pillage de la cité commença. La ville résonnait des cris des civils, les bâtiments pillés et en flammes, tout objet précieux emporté par les soldats. De la fière et orgueilleuse cité qui avait défié la Gramée, il ne restait que peu de choses. Rien d'autre que du sang et des flammes...
On ne retrouva pas le corps de celle qui avait déclenché ce carnage. Elle voulut transformer son pays pour en faire une puissance mais elle n'avait pas réussi à faire de son peuple marchand une véritable armée. Les défaites en Fironk prouvaient que les Orcumiens n'étaient pas taillés pour le combat...