La "noblesse" kandrasienne

Les épées étaient hautes, les sabres levés et les boucliers dressés. On n’entendait plus mugir que les cors d’Ephyne, les ordres aboyés par les officiers et le tintamarre d’une armée en ordre de marche. La plupart des armées de la Belle avaient été rappelées de tout le territoire et quelques émissaires informaient les royaumes de l’Elbre et du Ciran de la situation. Les troupes régulières d’Ostombe, toujours fidèles à Dylan Selden, formaient le cœur de l’armée : plusieurs milliers d’hommes aguerris, vainqueurs du même adversaire une dizaine d’années plus tôt.

L’aile droite était occupée par les gardes d’Ephyne, troupes d’élite formées sur les restes des compagnies fidèles aux Crykas. Il restait probablement dans leurs rangs encore quelques vétérans de la croisade de Gramée et ils n’oublieraient jamais leur devoir jusqu’au plus profond de la bataille, pour Gaed. La compagnie de l’Impériale était crainte jusque dans les campagnes les plus reculées du territoire et leur présence seule rassurait l’ensemble de l’armée. Sur l’aile gauche s’étalaient les quelques vassaux ayant eu le temps de gagner la capitale. Le seigneur Lotris d’Ashter, fidèle de l’Empersiste, disposait ses troupes tandis que la cavalerie d’Ashter gagnait le centre et l’autre aile. Quelques compagnies éparses d’autres cités résidant à Ephyne formaient une arrière-garde menaçante mais les regards se portaient probablement ailleurs.

Disposée derrière les fines lames d’Ostombe, une armée d’archers s’alignait dans un silence et une efficacité parfaite. La conscription permanente imposée parmi les fidèles de Gaed voyait ainsi se concrétiser tous leurs efforts. Les jeunes de la ville et des alentours, accomplissant leur devoir militaire étaient équipés de l’arc impérial, encadrés par les vétérans des trois dernières guerres empersoises. Tous les espoirs pour ralentir la charge kandrasienne portaient sur ces plusieurs dizaines de milliers d’archers formés dans la plus pure tradition de la dynastie des Crykas.

La journée serait sanglante. Face aux empersois s’étalaient, tout en longueur, les armées kandrasiennes du seigneur Nidolius. Ce dernier était de ceux qui, présents lors de la bataille des Traîtres, en avaient gardé une rancune tenace, et la présence de ses troupes ne laissait aucun doute sur ses motivations. La traditionnelle cavalerie de ces hommes des plaines se tenait au devant des 11 000 hommes ayant fait le choix d'affronter les gaediens. Le reste des troupes kandrasiennes se partageait pour moitié entre des épéistes et des archers se retranchant sur leurs positions. Il semblait que le stratège kandrasien ait prit la décision de se contenter d'observer son adversaire en l'encerclant : Ephyne gardait la décision de défendre ou non son peuple.

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Les sentinelles n'avaient pu apercevoir les envahisseurs qu'à l'aube, pensant dans un premier temps qu'il sagissait des troupes gaediennes appelées par le Haut Représentant de Gaed. Osmad et Beila avaient reçu récemment des missives enjoignant leurs troupes de gagner la Belle mais les étendards qui gagnaient toute l'étendue de la plaine provoquèrent une autre réaction que la liesse tant attendue.

Ce n'est qu'en début d'après-midi que les portes d'Ephyne s'ouvrirent enfin ; des secours d'Ashter venaient de rejoindre le siège et une nuée de compagnies et de troupes gaediennes fit la jonction avec celles du seigneur Lotris, le combat pouvait commencer.



"Les derniers rapports, Monseigneur, le combat est terminé.
- Quelles sont nos pertes ?
- 2000 bons empersois
- et les leurs ?
- Il ne reste personne, Monseigneur, la plaine est devenue un cimetière."

Le borgne malade avait rassemblée son armée devant Elderine. Du haut de son cheval, il apercevait les armées empersoises qui s'avançaient vers Elderine et savait que ses troupes seules ne suffiraient pas à les repousser. Un messager vint lui annoncer que des troupes du Ciran avaient été repérées au delà de l'horizon.
Pour lui, la guerre était perdue. Les traditions de la Kandrasie allaient sombrer dans l'oubli et Gaed remplacerait les dieux ancestraux.

Le plan de bataille fut établi durant la nuit et les combats débuteraient à l'aube.
Lorsque le soleil se leva, les hommes de Se Ina étaient prêts et l'ambassadeur se tenait en tête de troupe. Il regarda une dernière fois les hommes qui lui étaient fidèles et songea qu'il allait perdre ici l'oeuvre d'une vie.
Il s'adressa à ses lieutenants, avec un grand sourire, avant de lancer la charge :

"N'oubliez pas... Ici se joue le sort de vos familles et de votre cité. Nous allons livrer notre plus grand combat et seul Erelian décidera qui en sortira vivant ou non.
Oubliez l'honneur, le courage... Nous nous battons par folie !"

Il leva son épée et une grande clameur retentit dans les rangs. La troupe s'élança et le sourire du vieux seigneur se changea en un rire sadique. Lorsqu'il arriva avec ses hommes au contact des troupes Empersoises, il se sentait heureux comme jamais il ne l'avait été et c'est en riant à gorge déployée qu'il mena son dernier combat...

Les messagers de Se Ina patientaient à l'écart du champ de bataille et, à la mi-journée, voyant que leur armée était défaite, retournèrent à leur cité pour annoncer que le seigneur Shaab et 16 000 kandrasiens étaient morts par une belle matinée d'été.