Le Devenir du Peuple du Désert

ame Calestina n'avait pas pour habitude de prendre la parole dans l'hémicycle, haut lieu de discussion entre les différents territoires. C'est ici que des guerres avaient éclaté, que des paix avaient été arrangées, et que des menaces avaient été mises à exécution. Se levant elle fit face à la tribune orcumienne ravagée par une absence diplomatique frappante. Ce territoire semblait être au plus mal, ce qui n'était pas bon pour l'Alliance et ce qui affaiblissait réellement le reste de Retrahant. Un territoire en retard servait de terrain de jeu aux rapiats et aux pillards en tout genre, ne permettant que de faire croître le nombre de vils chacals dans ce monde.


Généralement, lorsque l'on prenait la parole on restait à sa place, étouffé au milieu de ses amis et compagnons, évitant ainsi d'avoir à affronter une marée humaine, cependant la jeune femme voulait faire différemment et affronter le reste de Retrahant. Elle se dirigea vers le centre même de l'hémicycle. Entourée par tous les gens importants de Retrahant elle devrait montrer une fière allure et ainsi honorer son peuple, son territoire.

" Seigneurs et Dames de toutes contrées,

Je souhaite aujourd'hui tourner nos débats vers un soucis de poids, tout aussi important à mes yeux que l'annexion de l'Empersiste par la Gramée. Fironk et Orcum ont depuis l'ouverture des frontières tenus des liens étroits... La Kandrasie ayant été une mère pour ces deux petits territoires dont la fougue et la vitalité n'ont pas pu s'exprimer correctement, où du moins au début. Il y eut tout d'abord différentes guerres auxquelles soldats fironkois et guerriers orcumiens ont participé sous les mêmes bannières. Puis le Grand Tiram Kabir est venu au secours du peuple fironkois alors que mon grand-père assurait la régence d'une cité marchande. Cet homme du désert lui sauva la vie et bien plus, rendit les affaires de ce dernier plus prospères. Aujourd'hui je souhaite rendre la pareille au peuple du désert, en m'intéressant sur la désolation qui touche les différentes oasis de ce territoire que je souhaiterai tant voir un jour. Certes, ceci me changerait du mouvement perpétuel de Vertempli et de la multitude d'arbres qui parcourent les rues, mais il semble y souffler un air de vie alors que tout semble y être immobile et ceci m'intrigue fortement.

Avec le départ sans préavis de votre...Akathaïdah Smertrius, veuillez ne pas tenir rigueur de mon manque de vocabulaire orcumien que je n'emploie que très rarement et ce uniquement avec vos marchands lorsqu'ils pénétrent Ga, je souhaite savoir ce que vous comptez faire. Sachez que si je peux apporter mon aide d'une façon ou d'une autre je le ferai, ne serait-ce que pour remercier vos aïeux de me permettre de solder ma dette de façon si honnorable.

Je souhaiterai donc savoir, Akrasia Yhael si quelque chose a déjà été proposé en interne afin de permettre à Orcum de retrouver la grandeur qu'il mérite, ayant à plusieurs reprises été un territoire important sur la scène Retrahantienne. Bien sûr, peut-être préféreriez-vous que nous en discussion en tête à tête, ce qui ne me dérangerait nullement bien au contraire."

Bien évidemment, elle n'attendait de réponse non pas de gens d'autres territoires mais bel et bien des orcumiens eux-mêmes. Elle attendit les poings serrés et le regard déterminé planté dans ceux des différents représentants du désert.

ame Calestina semblait satisfaite de la réponse donnée par le Prince-Marchand de Caamaria. Jetant un regard vers la tribune Graméenne et plus particulièrement en direction de Dame Liara elle répondit en ces termes:

" Akra Yhael,

Je ne puis connaître parfaitement l'économie et la politique tenue par l'Akathaïdah Smertrius, veuillez m'en excuser. Néanmoins, il est vrai que les marchands venant à Niaë même s'ils se font rare ont toujours évoqués le fait que Caamaria et Yago étaient deux riches oasis qui n'avaient rien à envier aux joyaux empersois ou aux cités fironkoises.

Mon choix n'est pas de siéger à la tête du peuple orcumien ou autre, je m'intéresse simplement à la politique de l'Alliance et veut garantir la pérennité de l'économie de cette dernière. Si la meilleure solution pour voir l'économie de l'Alliance croître est que je prenne l'Intendance d'Orcum pour un temps et bien soit, c'est ce que je ferai. Je n'attends nullement de devenir l'égal des esprits d'Orcum, je souhaite simplement aider un peuple qui a secouru le mien par le passé.

En ce qui concerne le nouvel arrivant sur le trône de Koarto, je ne pense pas qu'il soit un frein, et je pense qu'il va recevoir quelques demandes d'explications... ou du moins je l'espère. "

Elle regarda à nouveau la tribune gramméenne en direction de Dame Liara, la fille de l'ancien gouverneur Waldo, celui qui avait rendu à Orcum le mouvement.

C'était un homme entre deux tribunes qui avait parlé, le vieux Eudric.

"Aux réactions sereines de l'Akra Yhael, je ne pense pas que le peuple du désert souffre des changements politiques qui se produisent. Ils semblent même détâchés de cette prise de pouvoir, chacun vaquant à leur affaire, dirigeant leur famille et leurs cultures comme bon leur semble.
Vous n'aiderez pas, ô Dame, un peuple qui n'en ressent point le besoin. Par contre, oui, vous lierez une nouvelle fois ce peuple à la grande politique des alliances... Je crains qu'ils n'en soient tout aussi dégagé que ce changement de "gouvernant". "

a jeune femme avait ainsi raison, l'Alliance n'avait plus de prises sur Orcum, alors que ce territoire en faisait parti depuis maintenant plus de 2 siècles. Elle ne savait pas comment pouvait réagir le peuple après avoir dû subir des passassions de pouvoir répèter, des régimes changeants et surtout avec l'espoir qui apparu lorsque le vieux Sage Rzanid prit le pouvoir accompagné par la jeune Inial. Les femmes commençaient à avoir un rôle important dans la culture orcumienne, tout aussi importante que les liens qui unissaient jadis les différents territoires de l'alliance et la Kandrasie.

Calestina fit fi des paroles du vieil homme, il semblait ne pas connaître les préoccupations d'un peuple mis en marge de la société depuis trop longtemps, comme le fut un temps Fironk. Si ces gens étaient dégagés du changement de gouvernant et bien tant mieux pour lui, au moins il avait d'autres préoccupations plus sérieuses que de savoir qui pouvait déclencher une guerre, les réduire à l'état d'esclave et en faire la vente ou encore les envoyer en pâture pour l'adoration d'un Dieu.

Elle s'intéressa de nouveau au Prince-Marchand, sans doute Diospyr au vue de ses paroles.

" L'Alliance régit la politique orcumienne depuis des temps immémoriaux, il faut dire que les liens unissant Fironk et Orcum n'ont jamais été cédés. Aujourd'hui peut-être que le vent a tourné, mais je reste plaintive de voir un peuple ainsi ballotté entre le désir de l'argent et le souhait d'indépendance. L'Akathaïdah Smertrius s'était certes fait plus distant que ses prédécesseurs mais n'en restait pas moins un dirigeant important de l'Alliance.

Je ne cherche pas à jouer l'Intendant au Grand Coeur, mais je veux simplement me décharger d'une lourde dette qui a été de rendre la liberté à mon peuple. Sans doute que ma venue en vos terres ne sert à rien, mais je sais que pour l'Alliance ceci compte pour beaucoup, dame Liara tout comme moi, a depuis toujours eu ce souhait de garder Orcum tel qu'il était lorsque les beaux jours avaient lieu.

Si vous voulez parler des détails je vous invite à le faire en priver, ceci ne me dérange nullement."

"Ainsi, puisque l'Alliance aime bien Orcum, elle va se permettre de placer sur son trône l'un des leurs capitaines... Voilà une bonne réaction, altruiste...

Néanmoins, si les Orcumiens ont défait un quelconque occupant de Fironk, il n'en est point affaire ici. Au contraire, vous venez vous imposer en déclarant qu'Orcum n'est pas dans son bon état. Son Altesse rayonnante vient pourtant de démentir les faits qui disent qu'Orcum se sent esseulé, pauvre et misérable. Il dit même que la plupart des siens n'en a cure, qu'ils vivent très bien comme ils sont.

Vous seriez donc meilleure qu'eux, vous disposeriez donc d'un meilleur entendement que les Orcumiens, à tel point meilleur que vous puissiez refuser ce qu'ils vous disent ici et partir sans prendre garde de ce qu'ils vous annoncent ?

Est-ce donc cela l'Alliance ? "Nous vous défendons, de gré comme de force" ? Et d'ailleurs, que leur apportera cette fameuse Alliance ? Une défense contre quel ennemi ? la coalition Gramée-Orcum-Fironk avait pour but de se défendre contre les Fen-Rÿs, les Empersois. Qu'en est-il à présent ? L'Empersiste est province graméenne ! les Fen-Rÿs ne sont plus !

Serait-ce le Ciran qui, ayant ratifié un taité de non-agression avec la Gramée, qui attaquerait votre ancien allié mais ami ? Serait-ce le Beilan qui, par nous ne savons quelle raison incompréhensible, apporterait la guerre auprès de ses comptoirs de Diospyrie ? L'Aevenspeer qui aurait trouvé un cimeterre sur l'une de leurs femmes ?

Allons ! Nous pensons tous ici que les peuples sont plus aptes à se diriger eux-mêmes vers les objectifs qu'ils croient bons et qu'ils se sont fixés qu'une étrangère fraîchement installée pour l'Alliance (un concept sans signification pour les Orcumiens) s'introduisant dans leur vie et se proclamant Intendante. Êtes-vous Orcumienne ? Croyez-vous en Ndriananaharyth ? Point du tout !
Si vous respectez les Orcumiens, il vous faut leur laisser leurs bons droits.

Liara n’avait pas assisté au début du débat, trop occupée par ses nouvelles fonctions au sein de la Gramée. Elle fut avertie par un de ses proches du débat en cours et se trouvant à Ephyne auprès de Sophréna Osgarh, elle se rendit aussitôt à l’assemblée. Elle la rejoigna juste au début de la seconde intervention de Dame Calestina. Elle écouta avec un grand intérêt les différentes interventions et décida d’intervenir:

Je vais m’exprimer à titre personnel. Je n’ai pas encore consulté mes frères graméens à ce sujet, mais je pense qu’ils rejoigneront mes opinions. Dame Calestina a raison, je me sens concerné par l’avenir d’Orcum. Mon clan passa de longues années dans le plus grand désert du Retrahant et je conserve beaucoup d’attachement envers ce territoire.

Tout d’abord, je suis heureuse d’apprendre que, d’après le Seigneur Yhael, la situation en Orcum n’est pas mauvaise. J’en profite pour rendre hommage au Seigneur Smertrius, un ami de mon père. Mais, pour que cette situation perdure et s’améliore encore, il faut un intendant compétent à la tête de ce territoire. Je suis donc inquiète de l’arrivée à l’intendance d’un Seigneur qui me semble être un opportuniste. Je souhaiterais entendre en ces lieux ce nouvel intendant pour qu’il me persuade du contraire et surtout de ses compétences à cette tache très difficile. J’aimerais également connaître sa légitimité, car le seul Seigneur dirigeant une cité en Orcum et s’exprimant devant cette assemblée, le Seigneur Yhael, ne semble pas le soutenir. Par ailleurs, son nom a des consonances orcumiennes, mais je doute qu’il soit un descendant d’un des Grands Tirams d’Orcum que furent Joachim ou Kabir.

Elle s’adressa au Seigneur Yhael :

Nos opinions ont divergé sur l’Empersiste, mais je vous félicite de la sagesse de vos propos concernant Orcum qui m’ont été rapportés. Nous devons, en effet, éviter un conflit qui réduirait à néant les progrés d’Orcum. Je tiens à préciser que l’alliance Gramée-Fironk-Orcum avait, en effet, de l’importance aux yeux de l’ancien intendant d’Orcum, le seigneur arabite Smertrius. Ses armées participèrent aux coté de mes frères graméens à la défense d’Ephyne à la suite de la défaite du Seigneur empersois Ezald.

Elle regarda la tribune du Beilan.

Je trouve, par contre, amusant les propos du Seigneur Eudric, le représentant de l’intendant du Beilan. Il affirme qu’Orcum n’aurait pas besoin de rentrer dans le jeu perfide des grandes alliances. Au départ de mon père, Waldo de Narcosis, qui fut le premier gouverneur arabite d’Orcum, ce territoire se retrouva justement sans alliance. Un seigneur beilannais du nom de Mimoza, il me semble, en profita et pilla la capitale d’Orcum avec l’aide de mercenaires. J’espère donc que les discours du Seigneur Eudric n’ont pas pour but de préparer une nouvelle expédition du Beilan pour piller les cités du plus grand désert du Retrahant. J’aimerais également par ce rappel historique convaincre les Seigneurs orcumiens que la présence d’Orcum au sein de l’Alliance Gramée-Fironk est importante pour la sécurité de ce territoire.

Pour finir, je me suis déjà entretenu en privé avec Dame Calestina. Nos discussions m’ont convaincu qu’elle représente une alternative intéressante pour l’avenir d’Orcum en l’absence d’un orcumien venant en ces lieux nous exposer le contraire.

L'évêque Eudric, toujours entre deux tribunes, toussota pour ramener l'attention que l'Intendante de Gramée avait détourné vers les Beilans.

"Je parle ici de mon propre chef et ne présente pas la parole de mon Intendant. Nos portes-parole est Horp de Vladirant et Dreakan du Piedmont.

Néanmoins, si vous voulez intéresser les seigneurs de l'assemblée sur l'Histoire, nous pouvons aussi rappeler que la Gramée a pillé et détruit de nombreuses cités orcumiennes. J'étayerai encore la situation de messire Mimoza et des mercenaires : Orcum, allié de la Gramée et de Fironk, était en guerre contre le Beilan. Lui reprocheriez-vous de pourchasser ses ennemis ? Il fut pourtant bien plus clément que l'est la Gramée.

Je ne comprends pas en quoi un intendant compétent pourrait changer cette situation de libre échange entre cités indépendantes. Surtout si l'Intendant est nommé sur les... conseils de l'Intendante de Gramée et non par la voix des seigneurs d'Orcum."

Sieur Eudric, je m'exprime moi aussi à titre personnel. Vous vous méprenez et je tiens particulièrement à ce que l'histoire du Retrahant soit respectée. Lorsque le Seigneur Mimoza a attaqué Orcum, ce territoire n'était impliqué dans aucune alliance. Il a juste profité de sa faiblesse pour enrichir en retrahs et en esclaves sa cité beilannaise. Vous confondez avec le Seigneur Bloudalir, du Beilan également, auquel je veux bien concéder une volonté de pourchasser ses ennemis. Sinon, la Gramée a, en effet, pillé Orcum mais mon père par le dialogue y a remédié et a obtenu compensation pour chacun des Seigneurs qui avaient été pillés. Il n'a pas obtenu la même chose auprès des seigneurs beilanais qui ont toujours méprisé les habitants du désert du temps de mon père. Ceci n'est d'ailleurs pas sans relation avec ma situation actuelle.

Seigneur Yhael, un intendant dans un territoire peut avoir un intêret s'il est compétent. Je respecte votre désir d'indépendance. Mon souhait de la présence d'Orcum dans notre alliance est plus lié au passé de ma famille qu'à une nécessité pour mon territoire. Vous conviendrez que la présence d'Orcum au coté de la Gramée ne va pas dissuader nos ennemis de nous inquiéter. Donc n'y voyez pas de l'ingérance dans votre territoire mais plutôt une réelle préoccupation vis à vis d'un territoire qui compte à mes yeux.

Irus qui venait à peine d'arriver à Ephyne car il vait récemment était retenu à Elderine prit la parole:

"Messeigneurs,

Je suis à la fois triste et heureux d'apprendre cette nouvelle.
Triste d'apprendre la mort de Smertrius, triste aussi de voir les clivages en Orcum. Mais heureux que grâce à cet évènement tragique, nous ayons pu voir ces dissenssions et puissions tenter de les résoudre.

Aujourd'hui, Orcum est gouverné par un nouvel Intendant en la présence de Dame Calestina. J'espère qu'elle saura recréer l'unité du peuple Orcumien, et rendre à Orcum sa place dans le jeu diplomatique. En effet, le peuple du Désert ne mérite pas d'être vu comme un simple peuple de marchands et n'ayant pour seul intérêt que de faire parti d'une alliance fantôme. Le peuple du Désert est un grand peuple, et il se doit aujourd'hui de retrouver sa place.

La Kandrasie souhaite rétablir les liens profonds, intimes et fraternels qui unissaient auparavant nos deux peuples. La Kandrasie et Orcum ont connu tout deux des périodes troubles; la Kandrasie a perdu la guerre contre l'Aevenspir, son honneur a été atteint, elle a perdu son Intendant Sévérian ainsi que de nombreuses familles et enfin elle a assisté à l'avènement d'une nouvelle dynastie en la présence du seigneur Cadenwarr; Orcum a tout d'abord perdu Inial, puis Smertrius et connaît aujourd'hui des tensions dans la succession à l'Intendance et montre également de profondes déchirures.
Ces évènements ont à chaque fois éloigné quelque peu les peuples Kandrasien et Orcumien. Cela est intolérable.
Je souhaite que nous puissions remettre au goût du jour les relations privilégiées qui unissaient auparavant nos deux territoires.
En effet, de tout temps, nos deux pays ont affronté des épreuves ensembles, et de ces péripéties est née cette amitié, cette fraternité, profonde, qui unit tacitement nos deux peuples. De cette fraternité, sont nés des accords commerciaux privilégiés, des armes, tel que l'arc "Pluie du Désert" que la Kandrasie avait forgé en hommage aux nombreux Orcumiens morts sur le champ d'honneur pour la Kandrasie.

Les évènements ont bouleversé nos deux territoires au plus profond de leurs entrailles, et que nous le voulions ou non nos deux territoires sont en reconstruction. Il faut aujourd'hui que nous en profitions pour rebâtir ces liens charnels.

Pour ce faire, nous, Kandrasiens, sommes prêts à prendre contact avec la nouvelle Intendante Orcumienne ainsi qu'avec les principales forces en vigueur d'Orcum pour rétablir ces liens au plus vite."

Irus se rassit dans la tribune Kandrasienne.