Alors que les badauds s’attroupaient autour de celui en qui certains croyaient reconnaître un compagnon de boisson, d’autres un malade du Saint Hospice Gaedien, on ne prêta pas garde au groupe d’hommes encapuchonnés, (pour masquer les relents du fruit de la vigne diront les mauvaises langues) arborant fièrement les couleurs gaediennes.
Mais attention doulces seignoirs et dames ! N’estoit point les armoiries ternes des faust Intendant proclamés sur qui les pamphlets les plus obscènes n’estoient que l’émergence des poils pubiens de la vérité. Les prud’hommes vêtus à la manière cléricale n’estoient autres que ceux que oncq critiquait, de peur du carbonisorédemptoinquisitoprésent.
Nul n’aurait su dire d’où ils sortaient, eux que l’on croyait que Gaed les avaient emmenés dans son Royaume pour qu’ils reçoivent leur dû ainsi que tous les honneurs qu’un suzerain se doit de présenter à ses vassaux.
La personne qui guidait ceux qui seront plus tard nommés à l’unanimité des troubadours et des illustres buveurs ainsi que des catins vérolées du quartier du chat noir : « La très illustre compagnie » se nommait Kaev.
Ce nom n’aurait pas trouvé écho dans les meilleures bouches de la société, mais ces quelques lettres avaient fait trembler plus de cent quatorze mille quatre cent cinquante-trois infidèles, sans compter les femmes et les enfants, si l’on en croit quelques vieux hommes pieux dont les aspirations du moment se portent plus sur un beau vin que sur des textes savants en vieil empersois. Ajoutez à ce nombre aussi plusieurs gourgandines beilanaises d’après quelques mauvais aubergistes, car seul un mauvais aubergiste dit ce que l’on fait dans son auberge, les bons, eux, n’ont pas besoin de cela pour attirer la race la plus noble que Gaed n’ait jamais créé, les assoiffés qui veulent vaincre leur mal.
Or donc, ladite foule fut soudainement forcée de tourner son regard en direction de cet ange fait homme, Kaev. Comme le précisera plus tard, Hermon Culdebosse, orpailleur et braconnier à ses heures selon les voisins, seuls les vrais gaediens purent contempler la grâce et la pureté de cet homme, nimbé dans la lumière divine (et non en face du soleil comme les Meloïtes voudraient le faire croire) les pavés que son pas aérien éraflaient devenaient or du plus bel alliage, diamants les plus purs et encore mille et une merveille que votre serviteur ne saurait compiler en un seul texte de par le cours du prix actuel du parchemin .
On aurait dist que Gaed lui-même versait mille et une larmes d’or au-dessus de ce prince du genre humain pour lui avoir imposé la rigueur du monde terrestre. Il semblait qu’il suffisait qu’il lève la main au-dessus de votre tête pour que tous les péchés qui vous rongent disparaissent à jamais.
C’est alors qu’arrivant au centre de l’attroupement, l’archange Saint Kaev car tel est le moindre titre auquel il peut prétendre, dégaina Vertu.
C’était une belle et bonne épée, fait dans l’alliage le plus hardi. Elle était le fruit du travail de nombreux moines forgerons qui étaient de bons gaediens. La foi toute entière portée en notre seigneur Dieu Gaed, son nom soit loué matin midi et soir, était contenue dans son fer. Saint Sârdar lui-même avait paraît-il béni la Sainte Lame qui aurait servie lors de la croisade de Gramée à arracher pas moins de six millions sept cent quarante six mille neuf cent quatre-vingts quatre infidèles à cette terre.
Ainsi donc, alors que le responsable des discussions actuelles se voilait les yeux devant l’apparition divine, le fer divin le frappe de bas en haut, preuve de la grande magnificence gaedienne de Kaev qui donne au moins une fois dans sa vie l’occasion à un pêcheur de s’élever, tranchant net la tête du païen qui rebondit mollement sur le sol.
Ce après quoi Kaev prononça d’une voix ferme et juste :
-Veuillez, dans votre bonté gaedienne, pardonner le dérangement. Ce pêcheur avait, pour tenter de se racheter, offert ses services comme cobaye aux expérimentations de moult savants oeuvrant dans la lumière de notre Seigneur, la dernière en date étant la suppression de tout ce qui pourrait se trouver entre ses deux esgourdes, le résultat est concluant, comme vous pouvez le constater.
Après la que la foule eut bien pris soin de tirer enseignement de ce juste châtiment, eut loué par trois fois Gaed et tous les saints de leur bonté, acheté des ordonnances au sir Inquisiteur, tous sans exception se rendirent à la taverne afin de profiter de la journée.
Vie des Saints, tome III , extrait, auteur inconnu, traducteur : Frère Pô Wné de Port Laek.
MODO : Cyrus, ton compte n’a pas été supprimé sans raison…