[Le Massacre de Valcombe] : lettre ouverte au Seigneur Frank

Un homme d'une trentaine d'année entra. Il était propre sur lui et aurait pu attirer l'oeil si de grandes ecchymoses cerclaient ses méplats. Un bandeau de charpie blanche ornait son front, des tâches rouges perçaient par endroit. Son bras était ligoté par une toile de lin et plaqué contre son bras. Il avança et voulut prendre la parole. Visiblement il dû s'y reprendre à plusieurs fois pour obtenir un semblant d'attention.
Il n'avait pas l'habitude de prendre la parole devant autant de Nobles Personnes. Une fois lancé, l'homme parla d'une traite :

Seigneur Frank,

Je m’adresse à vous en mon nom et en celui de mon Maître le Seigneur Yurgel. En aucun cas je ne parle pour la Gramée.

Vous ne me connaissez pas. Je suis une de vos victimes, celle du massacre de Valcombe. Vous m’avez laissé pour mort, baignant dans mon sang et les excréments de mes voisins. Je m’appelle Aymar et suis le Conseiller de Valcombe. Je vous déteste.
J’ai longtemps cherché à comprendre votre acte. Quels bénéfices, un homme de cette puissance, aurait-il pu trouver à attaquer mon village ? Manifestement ce n’était ni l’or ni les hommes qui vous intéressez ( malgré la mise en esclavage de mon peuple ). Valcombe n’est qu’une ville nouvelle et n’a que peu d’attrait. Ou alors vous êtes une ordure qui prend plaisir à écraser les faibles … dans ce cas nous n’avons rien à nous dire.

Sire Frank je pense que vous avez attaqué Valcombe dans le but de faire un exemple, des représailles ou d’adresser un message à la Gramée. Votre acte est ignoble. Mon village n’était rien et c’est pour ça que vous l’avez choisi. Vous nous avez encore prouvé qu’il est toujours plus aisé de frapper sur plus faible que soit, c’est l’apanage des despotes et des hommes de petites vertus. Vous sentez-vous fier d’avoir réussi à détruire un village ? La tache était-elle trop ardue ? Qu’avez-vous ressenti après la destruction ? Non, ou plutôt dois-je dire, vous y êtes-vous intéressé ? Probablement pas …
Vous avez donné vos ordres et êtes partis manger ou dormir, chassant de vos pensées les crimes et les tueries que vos hommes dispensaient à chaque coup de bras ; pour moi chaque seconde a duré un siècle. Il est étonnant de voir comment le temps peut se déformer pour 2 personnes suivant ce qu’elles endurent.
Mes hommes tombaient et vos roquets étaient heureux, donner la mort que c’est excitant. Étrange contraste entre le Maître et ses chiens. Puis vinrent la destruction de nos remparts et le temps de tous les excès. Il n’existe pas de qualificatifs ou de vocables assez puissants pour décrire le massacre qu’il y eut lieu. Je pleure la torture et la mise à mort systématique de mes gens. Mon cœur saigne à repenser aux jeux auxquels s’amusaient vos soldats et à la torture psychologique qu’ils infligeaient à nos femmes ; après venait le viol devant les yeux impuissants des maris. Les mises à sac, les passages à tabac, les actes gratuits, les destructions, et la mise en esclavage ou le pillage de ce qui pouvait encore avoir de la valeur … mon âme n’est remplie que de ça.
Tant de souffrance, tant de peine pour donner un exemple. Vous n’avez de Seigneurial que le titre et celui qui vous a adoubé était inconscient ou ne vous connaissez pas. Aucun honneur, aucun ego : une brute sans cervelle ne réfléchissant pas aux conséquences de ses actes. Vous avez du pouvoir donc vous devez l’exercer, quitte à en abuser et à choisir de mauvaises cibles. Je vous félicite d’avoir réussi à prendre une ville à la hauteur de votre courage et de votre vaillance : c’est à dire rien. Si vous étiez plus miséricordieux peut être auriez-vous pensé à envoyer une lettre plutôt que vos armées.

Pour tout cela Sire Frank je vous méprise et vous déteste. Mais ce n’est qu’un juste retour des choses, vous en conviendriez et votre sort - malgré votre morale - est encore à envier : vous n’avez pas perdu femme et enfants.

Puis l'homme se tourna vers la sortie et s'immobilisa quelques secondes, attendant les réactions ...

Un général de l'armée d'Uzald passait par là,

Les Graméens viennent piller en empersiste, les empersois vont en Gramée, où est le mal?

puis il se mit à rire

Les Graméens proclament haut et fort que les faibles doivent périr, vous étiez faible, vous deviez donc périr d'après les paroles de vos alliés... Les Graméens ne sont dont pas content même lorsque l'on respecte leurs principes ?

A ces mots le visage de Aymar ne put que se résoudre. Son bourreau n'était même pas venu et ce n'était que 2 paletoquets qui lui répondaient. La profondeur de leurs réponses indiquaient leurs états cérébrales. Aymar les jugea rapidement et renâcla à leur répondre :

_ Il me semble que je ne m'adressais à aucun de vous deux, ou alors ne l'avez vous pas compris. Cette lettre ouverte était destinée au Seigneur Frank. Remarquez Nobles Seigneurs Aymar accentua ses deux derniers mots lui donnant un ton ironique vos paroles confirment bien l'idée que j'avais des "puissants"."

De dos, Aymar parla une dernière fois et fis marche vers la sortie sachant très bien qu'il ne tirerait aucune réponses censaient de ces deux-là.

_ Voilà pourquoi j'ai fais une longue route ? se morigena-t il Pour entendre un homme prononcer des préceptes de cour de récréation - indiquant un comportement bien puéril - ; et une femme émettant des généralités inquiétantes témoignant d'un fort nationalisme et d'une fermeture d'esprit exceptionnelle."

Il n'y avait rien à tirer à discuter avec ces gens. Frank n'était pas venu, soit il n'était pas au courant de cette lettre, soit il était trop lâche pour expliquer ses motivations. Aymar était déçu.

Un émissaire de Peyre-Neuve sourit aux propos de Crinéria. Alors qu'Aymar quittait l'assemblée il dit:

Quelle tolérance de la part de la Dame Crinéria qui conseille d'appliquer dans un pays étranger les préceptes de la religion locale. Il est difficile de reconnaitre dans ces paroles un représentant de la religion au nom de laquelle on a mis maintes fois Retrahant à feu et à sang... et qu'on continue de le faire.

Quelle ironie ! La religion d'Amk Cherk est réservé aux puissants de Gramée tandis que la religion Gäedienne ne s'applique qu'au petit peuple, lui voilant les yeux pendant que ses Seigneurs invoquent leur "Dieu" pour mener leurs raids en pays étranger.

Voilà pour quelle raison le Seigneur Erasten nous a fait renoncer à ces folies que sont les Dieux...

Thierry avait envie de répondre au représentant de Peyre-Neuve que "non, ce n'est pas une guerre de religion, malgré vos dires, non, ce n'est pas au nom de Dieu tout-puissant que les "Gaediens" se battaient." Il s'en retînt. La tirade de ce Aymar était pathétique et ne rappelait que trop les affres de la Guerre. Les actes de la soldatesque infâme pallièrent toutes les piques et les raisons dont partis s'assénaient à longueur de journée depuis des années. Certaines paroles, l'honneur, la vaillance ou même l'âme le firent sourire, mais bien amèrement il est vrai. Que répondre à cet homme-là ? "Oui, vous vîtes mourire vos proches, être détruits vos foyers, être violées vos épousées pour une guerre qui est sale et qui, depuis longtemps, ne trouve plus de justification dans ses causes, et encore moins dans ses actes." La partisanerie était à présent trop ancrée dans les esprits pour qu'un pas soit fait vers l'autre...
Ainsi, passant outre les insultes et les propos virulents, Thierry se convainc que le silence seul permettrait de faire disparaître l'humeur mélancolique qui le tenait.

Franck recu cette missive et répondit à son posteur :

Monsieur le conseiller,

Pensez ce que vous voulez de cette bataille. Moi j'en pense du bien envers mes soldats. vous n'êtes peut-être pas au courant de plusieurs informations pour m'avoir répondu de la sorte.

Tout d'abord en ce qui concerne vos defenses et vos enceintes. Elles etaient tres mal organisées. Ou plutot bien mais pas assez pour déjouer le courage de mes soldats. Comment expliquez vous que je perdais plus d'hommes sur votre derniere enceinte que sur la premiere? Là, c'est une erreur tactique. Si vous aviez mis les archers de votre derniere enceinte sur la premiere, surement que votre ville n'aurait pas été mise à feu. Vous avez fait votre choix.

Comprenez maintenant le miens. Il y a deux enceinte, nous avons marcher pendant des jours pour arriver à vos portes. Nous passons une enceinte et nous devrions arreter à la derniere? Comment expliquer ca à mes hommes. Quand j'ai voulu leur anoncer le retour à Auberlois, j'ai vu sur leur regard de la bravoure, de l'envie. Alors je leur ai dit, que nous n'étions pas venus pour nous arreter devant une enceinte, une seule. Nous avions déjà perdu beaucoup d'hommes sur la premiere. Revenir sans rien seraient un déshonneur pour mi mais pour eux aussi. Ils ont crié leur envie de continuer. Raison pour laquelle cette furie.

Maintenant, vous pouvez faire vos comptes et les miens. J'y ai plus perdu que gagné.

ALors je dirai que je n'avais rien contre cette ville en particulier. J'ai juste appliqué ce que la Gramée à fait exactement chez nous. S'en prendre au plus faible est de coutume. De plus, vous aurez pu vous épargner de perdre votre ville. Vous avez optez pour répartir vos archers sur deux enceinte et je suis sur que c'est consciement que vous l'avez fait. Vous avez pensé que le premier seigneur venu qui verrait qu'il perd plus d'homme sur la derniere enceinte que sur la premiere arreterai à cause du nombre de perte de soldats. Mais vous avez oublié de prendre en compte un élément.

La volonté d'un seigneur d'aller au buot de ses actes. C'est ce qui vous en a couté. Alors cessez de pleurer sur vos morts et prenez en à vous meme.

Seigneur Franck

A ces mots, Aymar le Conseiller se retourna vivement. Il avait daigné répondre, peut être pourrait-il y avoir un dialogue ? Aymar écouta attentivement ce que le Sire Frank avait à dire. Il prit un temps avant de parler afin de bien peser ses mots. Puis d’une voix rauque il s’exprima :

_ Seigneur Frank, je vais tâcher de répondre d’abord à vos questions et ensuite de vous exprimer mon opinion. »

Aymar inspira et expira cherchant à se contrôler face au bourreau de son peuple, son bourreau.
_ Concernant nos murailles vous avez entièrement raison sur un point. Nous sommes très mal organisés et n’avons cherché à le nier. Je ne vous mentais pas en vous disant que Valcombe est une ville nouvelle et que nous avons donc très peu d’expérience : ce n’est pas par choix que la première muraille fut dégarnie mais par ignorance. Mais même si je reconnais cette erreur, ça n’enlève en rien votre responsabilité : c’est vous qui avez donné l’ordre d’attaquer, pas moi - défense opérationnelle ou pas. N’inversez pas les rôles, nous nous sommes défendus. Cet argument n’est pas valable. »

Aymar reprit son souffle ; durant son monologue ses joues avaient légèrement rosies sous la colère. S’emportant il s’imposa une courte pause et repartit d’une voix atone :

_ Une fois l’action en cours il va de soit que rien ne plus l’arrêter et ce n‘est pas pour cela que je vous incriminais quoique je ne pense pas que ça soit la faute de vos hommes s’ils ont attaqué ma ville mais belle est bien la votre.
Vous me l’avez dit vous même : vous n’y avez pas gagné. Pour ma part j’y ai tout perdu. Mais là encore vous n’étiez pas obligé de m’attaquer surtout que vous saviez très bien que vous alliez faire un carnage et que nous n’étions pas très développés. »

Aymar pris encore une pause.

_ La suite de votre argumentation me consterne. Je ne comprends pas un tel raisonnement. En somme vous me justifiez votre attaque car : un Graméen ( que je connais pas ) aurait attaqué un Empersistois ( que je ne connais pas ). Vous avez sans doute une vision erroné de la Justice ou alors une conception bien particulière de celle-ci … En quoi suis-je responsable de la destruction d’une tierce personne et en quoi ma souffrance allégera sa peine ? Pourquoi ne pas avoir essayer de trouver un consensus pour protéger les hommes en devenir plutôt que de les tuer ? Pensez-vous avoir bien remplie votre devoir en asservissant mon peuple ? Non, je suis sûr qu’au fond de vous même vous savez avoir fait fausse route. »

_ Vous êtes allé au bout de votre idée, c’est indéniable, mais une mauvaise idée.
Seigneur Frank !! Regardez-moi car je vous le dis : je ne cesserai pas de pleurer mes hommes. Ce sont des martyrs, victimes d’une faute qu’ils n’avaient pas commises et pour une raison fallacieuse : une vengeance totalement aveugle et stupide. La raison de l’acte est encore plus dénuée d’intelligence que l’acte en lui-même. Et ne vous détrompez pas, celui qui a causé mon malheur c’est vous, pas moi.

Aymar se rassit, visiblement soulagé d’avoir parlé.