Un nouvel homme à Ephyne

Le nouvel Empereur, car il en était un, n'avait pas encore donné d'indications sur ses méthodes de pouvoir, sur ses projets, ses volontés, et un flou l'entourait. Qui était-il? Que ferait-il? Il fallait bien qu'il réponde de ces questions devant l'Assemblée.

Un matin d'hiver, il se présenta alors assez tôt - chose rare - devant ses homologues retranes. Son lourd souffle se répendait en fumée sur son plastron, que l'on voyait à travers les lourdes capes de velours le réchauffant. L'Assemblée était en effet très ouverte sur l'extérieur, et malgré les précautions d'isolation et de chauffage d'hiver, il y faisait un froid de canard en permanence. Il leva la main, debout, et attendit le silence.

"Merci, Messieurs. Hum.

Et bien je me suis dit que vous attendiez sûrement une intervention de ma part, une sorte de présentation. Alors je vais le faire. Je suis Hémor Varin, fils d'Urien Varin et Seigneur d'Auzance. Empersois de souche. Pieux Gaedien, fidèle au Seigneur. J'ai régné depuis toujours sur ma cité natale, Auzance, dans le nord de l'Empersiste, au sein duquel j'ai grandi dans les livres et les armes. Je fus le plus fidèle ami, dans mon jeune âge, des Crykas, père et fils. J'admire ce nom et tout ce qu'il a pu faire." Un souffle d'étonnement et d'indignement s'éleva dans la salle gelée. "Puis l'Archevêque Selden arriva au trône. D'abord hostile à ce Ciranien, Je vis à quel point il avait Foi en Gaed, et son esprit me séduit. Oui, cet homme fut l'un des plus bons que je connus. Que son âme repose en paix. Il fut pour moi le dernier Empereur digne de ce nom en Empersiste. En effet Hernander lui succèda, un ennemi profond, de toujours. La Foi sombra, l'Emperiste dériva. Oui, c'est mon point de vue. Enfin l'arrivée des d'Itoria sonna le glas de ce pays. De nouveau, un Ciranien. Je ne pus l'accepter, et me rangeais du côté des comploteurs. Je porte Gaed en mon coeur et il m'en remercia en m'offrant le trône d'Ephyne, ultime consécration pour un homme. Je suis son Représentant, sa Voix. Je l'en remercie du fond de mon âme, sans oublier mes confrères Empersois qui ont su m'épauler et me mener si haut. Je pardonne au Seigneur Hernander ses erreurs, que son âme repose en Paix, que Gaed le pardonne." Il regarda l'ensemble de l'Assemblée, silencieuse, l'observant également.

Maintenant qu'il s'était présenté, il se devait d'étaler sa politique.

"Je suis le Représentant de Gaed. Sa sagesse dictera mes actes et sa bonté guidera mes pensées. Mon voeu le plus cher sera de l'honnorer du mieux que je pourrai. Ainsi je me devrai d'accueillir chaque homme, quel qu'il soit, dans la Gaedienté. Je m'adresse particulièrement aux rudes Aevenspeers et aux sombres Graméens, qui, depuis plusieurs années, semblent vouloir se tourner vers le Seigneur. Je demanderai aux Seigneurs désirant rejoindre l'Eglise de me prêter allégeance, peu importe l'or. Cela serait un acte symbolique, une sorte de pacte, et non une soumission asservissante. L'or ne m'intéresse pas." Il marqua un temps d'arrêt et reprit, s'adressant aux Kandrasiens.

"Karéens, vous avez une dette envers moi. J'ai en effet ordonné le retour des troupes Empersoises à Ephyne, épargnant Elderine et vos villes. Sans ma bonté, votre pays serait en cendres. J'estime donc, non, j'exige, que vous me prêtiez allégeance. Vous me devez cela. Dans le cas contraire, je reviendrai sur ma décision et une fois de plus vous connaitrez l'horreur.

Je dois beaucoup au Ciran et au Seigneur Korrak. C'est un Royaume qui a su laver ses erreurs. En tant que Représentant de Gaed, je l'estime beaucoup. Ciraniens, votre adhésion à l'Eglise Empersoise me serait fort agréable.

Je suis un homme de principes, et les quelques choses que j'exige me semblent légitimes. Je suis un homme bon, pas un barbare ni un sanguinaire. Vous n'avez rien à craindre de ces requêtes."

L'Empereur fit silence. Il se signa, les yeux fermés, la tête penchée vers le sol.

"Que Gaed vous garde." Et il se rassit.

Le silence s'installa sur l'assemblée, seulement troublé par les chuchotements des diplomates et seigneurs. La disposition d'Hémor Varin a croire en la "Gaedisation" de Gramée était pour le moins suprenante mais était acceuilli avec joie par ses représentants. Le soulagement de voir un empereur moins enclin aux combat que feu Hernander passait pour de la ferveur religieuse et de la reconnaissance auprès du reste du monde Gaedien.

Se levant, Aust Felkan salua respectueusement le nouvel empereur avant de prendre la parole.

Seigneur, la Gramée se réjouit qu'un homme aussi pieux ait repris les rennes de l'empire Gaedien. Nous espérons tous que l'empersiste reviendra a des valeurs plus honorables et priera Gaed comme il se doit. Nous espérons que vous saurez vous inspirer de vos prédecesseur pour ne pas commettre les même erreurs. Puisse votre règne durer et la paix régner !

Pour ce qui est d'allégence... Nous prétons serment de servir Gaed en toute occasion, et de suivre la voie que nous montrera le saint ordre, messager de la volonté du seul dieu. Cependant, comprenez que ce serment ne vous soit pas adressé empereur. Ils s'agit là, comme vous l'avez dit, d'un serment symbolique qui nous place au service de gaed et non au votre.

La Gramée embrasse la religion Gaedienne et espère que vous saurez oeuvrer en son nom. Mais votre soutien au ciran, dans l'acte méprisable qui fut perpétré à Borm, insite à la méfiance. Je ne sais depuis quand il est considéré comme "justifiable", de piller une cité étrangère pour assouvir une guerre interne. Peut-être cet acte charitable vous fut-il dictait par Gaed lui-même ? Il serait bon que vous arrêtiez de nous prendre pour des ignorants, vous qui avez su repprocher aux Karéens leurs actions en Fironk, et qui aujourd'hui parlez d'eux comme de barbares ne méritant pas votre attention. Kandrasie ne vous doit rien seigneur. Vos armées sont arrivées sur leurs terres suite à la folie de votre prédecesseur, et il semble logique que vous ayez rappellé vos troupes.

Une lueur brilla dans le regard du prêtre.

A moins que vous ne souhaîtiez empreinter le même chemin que feu Anyan d'Itoria. Et que votre pacifisme ne soit, en fin de compte, que poudre aux yeux.

Sur ces quelques mots, le prêtre de Gramée reprit place dans la tribune après un nouveau salut courtois pour le seigneur des lieux.

"Je crois que vous ne saissisez pas que l'argent qui était à Börm était l'argent D'Hernander de Lougevelles et non celle des villageois, deplus Hernander m'avais demandé personnellement de prendre ces retrahs.
Votre ',pillage'' comme vous dites est simplement un escarmouche avec des barbares cherchant à voler l'or d'Hernander.

Pour ce qui est de la méfiance, je doit vous rappellez que vous étiez encore, un peuple qui n'était qu'une masse de barbares inorganisé voilà quelques années."


Korrak fit une pause, et ce tourna vers l'Empereur nouvellement venue

Empereur, nos efforts que nous avons déployé pous vous mettre à la place de Anyan d'Itoria semble porté fruit. Sachez que le Ciran seras toujours un allié de l'Empersiste, un serment à déja été fait et c'est celui envers Gaed et l'Empersiste. Aussi longtemps que vous serez à la tête d'Ephyne nous allons vous appuiyez.

Hémor Varin salua alors d'un signe de tête le Roi Korrak, en guise de remerciement pour son soutien. Puis il se tourna vers le Graméen.

"Graméen, je crois que vous ne saisissez pas la situation. J'incarne Gaed, de par mon trône. Tout Gaedien se doit désormais de me respecter, de m'adorer comme Gaed. Tout Seigneur refusant de me prêter allégeance sera banni de l'Eglise et en subira les conséquences. Je ne veux pas d'un monde Gaedien de promesses et de paroles. Je veux un réél lien entre les peuples et Gaed, et ce lien passe par l'allégeance. Refléchissez bien, il y a maintenant plusieurs années que vous avez désiré vous faufiler sous la carapace Empersoise en prônant Gaed. Je n'ai jamais cru en votre soi-disante Foi grandissante, mais je suis bon et je veux bien accepter de m'être trompé... Il vous suffit de me le prouver, en me prêtant allégeance. Je n'aimerais guère me rendre compte que toutes ces années, vous avez abusé de la confiance de mes prédécesseurs." L'Empereur avait parlé de plus en plus bas, semblant faire un effort pour se contrôler. L'on pouvait sentir sa haine viscérale des Graméens, qui, il en était sûr, mentaient.

"Quant à vos commentaires sur le conflit entre l'Empersiste et la Kandrasie, je vous répondrai simplement que ce ne sont pas vos affaires, et que vous n'avez pas mot à dire."

Hémor Varin commençait presque déjà à s'impatienter. Voilà ce qu'il détestait, les rouages, les feintes de la politique, ces discours pompeux qui duraient des après-midi entières... Ni les Kandrasiens, ni les Aevnespeers ne disaient mot. Il était malheureusement hors de question que l'Empereur se répète...

La tribune Kandrasienne était en ébullition et n'arrivait pas à se mettre d'accord. Ne désirant pas faire attendre l'Empereur, le seigneur de Se'Ina se leva et prit la parole.
"Maitre d'Ephyne, sachez que je ne représente pas ma contrée en son ensemble. Il est d'ailleurs fort possible que mes compatriotes ne me soutiennent pas.

Vous avez remplacé l'ancien maitre d'Ephyne à la suite d'un coup d'état. En tant qu'Empereur, vous lui deviez allégeance, même s'il était étranger. En Kandrasie, vous auriez été accusé de haute trahison et de sédition mais ce ne sont point nos affaires.
Vous avez destitué Anyan d'Itoria, en partie à cause de son bellicisme. Or vous décidez, après seulement quelques mois de menacer à nouveau mon pays. Les Empersois n'auraient pas dû se donner tout ce mal pour remplacer un tyran par un autre...

Vous entendez nous faire croire que votre "clémence" devant Elderine mérite récompense ? Nous ne vous avons pas demandé quoi que ce soit. Vous avez renvoyé en votre contrée les troupes de votre prédécesseur, c'est là acte de bonne foi. J'accepte donc de vous verser un tribut de 2 000 retrahs en remerciement de votre noblesse mais sachez que je ne m'inclinerai pas face à un étranger, fut-il Empereur."

Le regard de l'homme était froid. Isvàn savait que sa déclaration mènerait peut-être à une nouvelle guerre mais il était résolu à garder son pays libre et indépendant, quelles qu'en soient les conséquences.

Le régent Karéen était présent, il reprit la parole. Il n'était pas encore sûr de la décision à prendre...

"Empereur Hémor Varin, je crois que nous sommes tout les deux d'accord pour dire que votre prédecesseur a été pris de folie. Ses actes étaient injustifiés, votre prise de pouvoir y a mis fin et je m'en réjouis. Mais venir demander allégeance à un pays déjà ruinée avant même l'arrivée d'Anyan d'Itoria est injustifiée, vous avez participé à l'invasion précédent celle d'Itoria et vous avez massacré notre peuple. Votre prédecesseur est venu dans une Kandrasie déjà ravagée qui n'avait presque plus rien à perdre. Si allégeance il y a, elle aura pour valeur cette maigre richesse qu'il reste à la Kandrasie. Mais il ne faut s'étonner de notre possible refus, c'est l'Empersiste et vous-même qui avez rendu toute allégeance impossible en nous ruinant par le passé.

J'ose espèrer que vous ne reviendrez pas sur le retour de vos troupes car vous n'êtes ni un barbare ni un sanguinaire mais un homme bon et comme vous l'avez dit nous n'avons rien à craindre de ces requêtes."

"Il demande ici une allégeance symbolique, et non pas financière, dit un prêtre de la tribune empersoise."

Il rajouta d'ailleurs, pour lui même, "abruti de karéen."

Hémor Varin fut étonné, il n'attendait pas des Kandrasiens une réaction si prompte. Il sourit pour la première fois et se tourna alors vers le Seigneur Isvàn et le Roi Gwalith.

"Et bien Messires, vous entendez raison. Je m'en réjouis. Seigneur Isvàn, le tribut que vous me versez est honorable, vous rendez service à votre pays, qui peut vous être reconnaissant. Je ne demande pas plus d'un Seigneur comme vous.

Roi Gwalith, pardonnez-moi de ne pas m'apitoyer sur le sort de votre pays. Si la Kandrasie manque de sous aujourd'hui, c'est de votre faute. Ne rejetez pas la faute sur moi ou l'Empersiste, car grâce à mon geste, Elderine est restée debout. Auriez-vous du mal à assumer le fait que vous n'arrivez pas à diriger votre Royaume? Non, vous êtes un homme compétent, j'ai du respect pour la Kandrasie. Ainsi je pense pouvoir attendre de votre part un signe d'allégeance. Vous n'aurez qu'à me verser, comme votre honorable compatriote, un tribut de 2000 retrah. Je ne demande rien de plus en l'échange de ma bonté. Je pense que vous n'aurez pas de difficultés à réunir, avec vos vassaux, l'ensemble du tribut. Vous gagnerez ma reconaissance et ma confiance, ce qui n'est pas négligeable..." Il souriait toujours, fixant le Roi. La Kandrasie était un pays qu'il ne haïssait pas, un pays civilisé et qui avait eu ses heures de gloire. Il ne doutait pas de la bonne foi de ces hommes.

Les comptes Kandrasiens étant en bonne voie, et l'Aevenspir n'intervenant toujours pas, l'Empereur Hémor Varin se tourna de nouveau vers la tribune Graméenne. Il lui semblait bien voir l'Intendant, cet homme si discret. Il attendait son point de vue à lui, pas seulement celui des autres Seigneurs des marais.

La discussion était en bonne voie et ne prenait pas cete mauvaise tournure habituelle, quelques inexactitudes restaient à souligner...

"Empereur d'Empersiste, le nom de régent me conviendrait plus, je ne rapellerais pas l'histoire de la Kandrasie ici mais je suis seulement régent en Kandrasie et ce titre me convient mieux.

L'histoire récente par contre de Kandrasie a été très mouvementé avec la multiplicité des régents et il se trouve que j'ai occupé ce poste après chacun de vos passages en nos contrées sur lesquelles je ne m'attarderais pas, je partage donc les erreurs de direction avec plusieurs morts. Le récent acte d'Isvàn est une preuve de bonne volonté pour nouer des relations diplomatiques plus pacifique envers votre empire.

Je m'accorderais une période de réflexion si vous le voulez bien en ce qui concerne ma propre allégeance, j'aimerais pouvoir obsever la réaction des autres territoires face à votre bonté. Je trouve l'allégeance d'un Kandrasien suffisante pour le moment, car votre offre n'est point une alliance, mais une allégeance et se soumettre à vous n'est pas une décision à prendre promptement."

Le régent s'était peut-être trompé, malgré ses demandes d'allégeance assez méprisantes, le nouveau tyran en place à Elderine ne semblait pas montrer de ressentiment et mépris dans ses paroles. Il faisait le tri de ses ennemis et alliés en Retrahant, il faudrait choisir entre ces deux positions prochainement, peut-être que la Kandrasie ne fera plus partie du même camp...

L'Intendant Graméen se leva et dit d'une voix assez forte.

Je suis resté silencieux pendant le début de cette assemblée pour deux raisons. Tout d'abord, j'essaye de savoir comment faire pour respecter cette allégeance symbolique.

Notre richesse n'a d'égal que votre sens de la diplomatie, et ce n'est qu'avec de grands sacrifices que nous pourrions vous offrir quelques retrahs inutiles à quoi que ce soit. C'est pourquoi j'ai décidé que la Gramée ne donnerait rien à l'Empersiste.
Néanmoins, si vous souhaitez que la Gramée vous prête de l'argent, il serait possible de le faire.

Je me demandais aussi comment introduire dans ce débat une grande nouvelle : la Gramée a maintenant sa propre Eglise, ses propres rites, et ses propres coutumes afin que chaque Graméen prie Gaed.
L'Eglise de Gramée a du s'adapter à quelques coutumes locales pour pouvoir être encore mieux acceptée par la population, mais le fond reste le même, un Dieu unique, tout puissant que nous glorifions pendant toute la journée! Petit sourire.

Bien sur, l'Eglise de Gramée reste rattachée à l'Eglise Empersoise mais je pense que progressivement, nous serons en droit de nous écarter, tout en respectant les principes fondamentaux de Gaed. Autre sourire, presque moqueur.

Voilà Messire ce que je peux vous annoncer pour le moment, la Gramée reste bien sûr de tout coeur avec l'Empersiste, et suivra l'Ephynois que vous êtes dans toutes ses décisions. C'est là l'important non?

L'Empereur s'empourprait au fur et à mesure que le Graméen parlait. Cette vermine n'avait aucun scrupule à se payer sa tête en public, avec un sourire insolent. Cette farce allait trop loin. Hémor Varin se leva rageusement, et montra du doigt Stros Jalba.

"Vous, vermine!! Comment osez-vous vous moquer ainsi d'un Empereur? Jamais un Gaedien ne se comporterait ainsi devant le Représentant de Gaed, jamais!! Vous n'êtes qu'un menteur, un imposteur, qui a su berner les précédents Régents d'Ephyne. Mais moi, je n'ai jamais cru à vos balivernes, et je vous aurais volontiers écrasé la tête comme un insecte depuis le départ!! Je crache sur vos retrah et sur votre Eglise!! Non, moi, vous ne m'aurez pas, et vous allez payer pour votre insolence!!"

Rouge de haine, l'Empereur ne savait plus que dire. Il regarda l'Assemblée, tira ses capes sur ses épaules et commença à remonter les marches de sa tribune pour rejoindre la sortie. Il grognait dans sa barbe grise. Ses conseillers se regardaient, ne sachant que faire. Avant de sortir, Hémor Varin se tourna de nouveau vers l'Assemblée. Il regarda les Kandrasiens, d'un regard noir, sembla vouloir dire quelque chose, mais seul un grognement sortit de sa bouche. Il sortit pour de bon. Non, la politique n'était pas faite pour lui.