Début d'un nouveau règne

"Moi ? Faire le beau auprès de la couronne Empersoise ?"

Akdar sourit franchement.

"...N'est-il pas en effet intéressant de bien se faire voir du jeune Intendant ? Son pays est vaste et riche, et lui est nouveau dans la politique, mieux vaut tirer de nouvelles cartes que de continuer la partie avec un jeu faussé..."

L'Aevenspeer déboucha sa flasque et en but une gorgée avant de reporter son regard sur son interlocuteur.

"En ce qui concerne mes ardeurs, sachez que je suis parfaitement calme. Je ne fais que m'assurer qu'absolument tout soit clair, voyez-vous. Aussi je peux vous dire qu'en effet nos peuples vivront dans le respect mutuel de la paix de l'autre, mais soyez certain que si une règle prévaut bien en Aevenspir c'est celle du bon sens. Si à l'assemblée d'Ephyne vous vous retrouvez à défendre une situation qui vous place indubitablement en fautif, n'attendez pas le soutien de l'Aevenspir... Ce serait là nous discréditer et cracher sur notre neutralité..."

Le montagnard reboucha la flasque d'airain et l'empocha avec un sourire narquois.

"Je vous propose alors un marché diplomatique des plus normaux. Je m'assurerai qu'aucun mercenaire Aevenspeer ne soit jamais utilisé pour violer les terres de Gramée, en contrepartie de quoi... Vous respecterez le droit au seul Aevenspir de fournir des mercenaires aux nations Retranes."

Akdar s'essuya la bouche d'un air distrait en regardant les musiciens.

"Vous comprenez, la concurrence d'un état puissant nous nuirait énormément. Comme vous êtes influent, vous pourriez nous aider à faire valoir nos droits comme seuls mercenaires de Retrahant. Après tout, votre nation a parfois eu recours à nos services et n'a jamais eu à s'en plaindre. J'espère que vous nous aiderez dans notre lutte contre la concurrence, seigneur Felkan, vous serez ainsi garant de notre neutralité économique et, de fait politique. Quelle plus belle preuve de civilité faire à ces Gaediens pompeux qui doutent de vous à l'assemblée ?"

Raghnar se parlant à lui même et regardant l'arrière train d'une serveuse passant devant sa table

"De toute manière jamais je n'aurais été un mercenaire... Je suis Graméen et je tue gratuitement. Pour l'Unique. Oui pour l'Unique"

Ainsi nous tombons d'accords ! Nous resterons neutre en respect pour les traditions aevenspeers, et nous respecterons un pacte de non agression territoriale. Cependant, si je puis revenir sur un point : La Gramée est en difficulté financière et ne peut refuser une demande de mercenariat pour le moment. Sachez toutefois, que nous n'avons pas pour projet de vous voler votre emplois et que très prochainement nous nous retirerons du marché. En attendant, nous resterons disponible à toute demande. Nous ne voulons certainement pas vous faire ombrage, et nous ne surenchérirons pas sur vos propositions, soyez rassurés.

Nous ferons valoir vos droits de mercenaire en Gramée, mais les autres pays ont une politique différente et je ne peux en aucun cas parler en leur nom. La Gramée va se retirer prochainement du mercenariat, une fois les contrats actuels remplis. Nous ne pouvons pas nous désengager auprès des pays ayant déjà signé des contrats avec nous, cependant ceux-ci seront les derniers, vous avez notre parole.

Un homme s'avança dans cette salle. IL retira un foular de son visage. Il s'agissait du Karsper, tellement discret sur les affaires retrannes que peu de monde le connait :

Je tiens tout d'abord à m'escuser de mes longues absences sur la scène Retrannes mais des affaires urgentes m'absorbent tout mon temps.

Je me réjouis de cet accord. Nos troupes ne parcouront jamais vos terres, soyez en rassuré. Nous acceptons aussi que vous finissez vos offres et contrats actuel mais je vous prirais de faire au plus vite.

J'en profite pour annoncer que j'avais suspendu le mercenariat lors de mon accession au trône. Maintenant et depuis déjà quelques saisons nous sommes entièrement disponibles pour répondre auc demandes de quiconque du mieux que l'on puisse.

L'homme quitte la salle en prononçant quelques mots des plus farfellus pour les Seigneurs Garméens

Erk din ak d'arkouan dik bire
Da Aevenspir

Edityr : Sina spzerak dritaa skout, Hertmin.
Edit Hypos : Han spzerak kam skout, Tyr... Han spzerak lorrom Karsper. Mina kaadter egori "RP".

Quand Akdar eut finit d'écarquiller les yeux il se laissa aller dans sa chaise en poussant un profond soupir. Il avait l'air visiblement secoué par l'apparition soudaine et la disparition rapide du Karsper.

"...Voilà que mon seigneur est rongé par la folie. Seigneurs Graméens, je vous prierai d'oublier ce petit incident, je ne savais même pas que le Karsper m'avait suivi déguisé en simple homme de ma suite... Je... Suis confus, je dois l'avouer, par le discours assez incohérent de l'homme qui dirige ma nation... Vous ne pouvez évidemment le savoir mais les propos sur lequels il a conclu sa phrase... Ne veulent rien, mais absolument rien dire. Enfin."

L'Ambassadeur haussa les épaules.

"Je n'ai plus rien à dire, mon Karsper reste le dirigeant de ma nation. S'il a décidé que les choses se feraient comme il a dit... Je vous demanderai seulement de ne pas prendre pour argent comptant ses propos sur le parcours de vos terres par nos troupes. L'Aevenspir a bien plus besoin d'argent que la Gramée qui, par son contrat, ne cherche qu'à placer à la tête d'un ennui potentiel un homme qui lui serait acquis. Enfin... Peut-être vos actes nous offriront-ils à nous aussi des opportunités financières, qui sait ?"

L'Aevenspeer eut un rire bref et se tourna vers Dolomes.

"Je vous l'ai dit, seigneur Dolomes, je ne suis pas conteur. Cependant, j'ai peut-être une histoire qui conviendrait à la situation..."

Akdar se racla la gorge et, se levant, prit la parole.

"Il y avait dans une vallée d'Aevenspir, en des temps lointains, un village d'éleveurs. Dans les bois environnant le village vivaient des loups terrifiants, avec, à leur tête, une bête, nommée Mange-la-lune, que l'on disait possédée par un Scirjii. Quoi qu'il en soit, les villageois avaient conclu un pacte avec la bête : chaque année, au plus fort de l'hiver, ils devaient offrir à la meute affamée vingt de leurs plus belles bêtes ; en retour, la meute s'assurait de la protection du village contre les autres prédateurs. Un jour, cependant..."

L'Aevenspeer esquissa un sourire et lança un regard à l'intendant Graméen.

"...Les villageois décidèrent d'assurer eux-même la protection du village. Les moutons sacrifiés chaque année reviendraient maintenant aux braves qui prendraient les armes pour éloigner les prédateurs. Mange-la-lune vit que le contrat avait été rompu, et que d'autres prenaient la place qui lui avait été jusque là réservée. Il tenta de s'expliquer avec les hommes, mais rien n'y fit, aussi se résigna-t-il et s'éloigna pour observer. Les hommes du villages sortirent à la nuit, armés de lances et de haches, pour mener la traque des bêtes qui chassaient leur bétail...

...Mais l'homme a plus grand ennemi que les loups de la montagne, et cet ennemi prend la forme d'un frère, d'un père, d'un ami. L'homme, mes seigneurs, est sont plus grand ennemi. Voyant le village sans défenses une fois les hommes partis, un groupe de forbans s'empressa d'investir la place, y prenant richesses, bêtes et femmes avant de partir, laissant derrière eux enfants et vieux sommairement égorgés, bâtisses rapidement enflammées et greniers éventrés.

Les braves revinrent une fois les bêtes chassées pour découvrir n'avoir gagné la paix qu'en perdant ce sur quoi ils avaient bâti leurs vies."

L'Ambassadeur se racla à nouveau la gorge et se rassit calmement, un sourire aux lèvres.

"Les Loups d'Aevenspir ont un marché avec les Hommes depuis bien longtemps, et celà pour de bonnes raisons. Voici, peut-être, une des morales de cette histoire, mes seigneurs."

Le silence avait accompagné le récit de l'ambassadeur. Son récit terminé, des aplaudissements polis se firent entendre dans la salle et le seigneur Felkan lui-même ne pouvait qu'aimer la répartie de l'homme qui avait jugé au premier regard comme un sauvage troglodite. Une fois de plus les préjugés étaient démentis par la verve de l'homme des montagnes. Aplaudissant à son tour avec courtoisie, Aust prit la parole, concluant un banquet riche en émotions :

Je suis pour le moins surpris de l'intervention de votre intendant, j'aurais pensé qu'il se serait directement présenté à moi au lieux de se cacher parmis les gens de votre suite. Néanmoins je dois reconnaître que ses propos me plaisent, et c'est avec plaisir que nous vous rendons le monopole du mercenariat. Votre histoire montre combien nos contrés ont besoin de vos talents, et il ne serait pas sage que de prendre à la légère la morale de ses histoires anciennes. Nous espérons que le... Problème que vous cause cet intendant pour lequel vous semblez n'avoir que peu de respect trouvera une solution moins brutale que celle qui m'ammena à ma position actuelle.

Ce sera un plaisir que de profiter de vos offres de mercenariat et espérons que nos futurs rapports engendreront prospérité à nos peuples !

Sur ce, la fête prit lentement fin tandis que les seigneurs Graméens parlaient d'un ton badin de sujets sans importance réelle. L'aevenspeer devait dormir au chateau ce soir et la meilleure chambre lui fut réservée. L'intendant Aevenspeer, quand à lui, avait voulu repartir sur l'heure et fut raccompagné par des troupes de la citadelle jusqu'à la frontière au plus vite.

Amk'Serakk quelques heures après…


Un cheval arriva au galop dans la cité des marais sombres, un prêtre à la bure noire tachée de sang était dessus.
Il s'arreta devant la place centrale et l'homme tomba au sol. Aussitôt des gardes se précipitèrent pour l'aider et ils virent les blessures et qui il était

"Bon sang, un prêtre d'Amk'Cherk … Va chercher le seigneur vite et amène les guerisseuses de suite si on le laisse crever comme ca je donne pas cher de notre peau dans une heure.."

Le garde regarda terrifié son sergent et parti en courant dans la direction indiquée.

Quelques instants plus tard, Ragnar arriva en courant suivi de plusieurs prêtres d'Amk'Cherk et gardes. Des guérisseuses étaient dejà au chevet de l'homme.

"Qui a fait ca ? Qui a osé !" dit Raghnar. Il entendit derrière lui les littanies des prêtres. Des littanies sourdes, non pas des prières pour le blessé mais des prières de haine et de vengeance contre les auteurs du méfait.

Le prêtre blessé eu la force de se relever légèrement et parla
"Seigneur, ils sont arrivé après l'aube, des uniformes de Melit Aend… Ils nous ont pris par surprise… Vengez nous qu'ils crevent tous comme des pourceaux qu'ils sont !!! Je maudit leur descendance !!!"

Raghnar eu un frisson en entendant cela, cependant il repondit
"Ou etiez vous ? il n'y a pas à ma connaissance de lieu de prière avant plusieurs lieues en aval du fleuve et on m'a dit que vous veniez de l'amont."

Un prêtre derrière lui, lui parla au creux de l'oreille et Raghnar se releva en hochant la tête
"Je comprend, et je vais tailler les coupables ! Gardes préparez vous, nous allons chatier ces gueux !" ils se retourna vers ses "loups"
"Capitaine, prenez trois meutes et foncez dans la forêt ! Nous serons derrière vous !"

Une effervescence grandissante arriva dans la cité. De partout des hommes armés sortaient des maisons, des cris de fureur et des cliquetis d'armes se faisaient entendre. Une partie de l'armée d'Amk'Serrak avec à sa tête Raghnar franchie quelques instants plus tard la poterne sud. Au loin dans les landes on entendit de partout des hurlements de loups qui retentissaient. Les meutes s'activaient. La chasse était ouverte.

Les meutes chassèrent la journée entière et reussirent à rattraper la troupe d'épeistes "tueurs de prêtres" à la nuit tombée.

Les hommes se dispersèrent afin d'encercler le groupe de soldats. Raghnar avait bien spécifié de ne tuer personne avant son arrivée.

En pleine nuit sachant que l'armée était proche et que l'encerclement était effectué, ils commencèrent l'attaque.
Les hurlements de loup se firent entendre dans le froid de la nuit. A cause du brouillard environnant, les sentinelles ne purent voir les hommes approcher malgré leurs flambeaux… Elles furent les premières à tomber. Le chaos s'installa dans le campement quand les hommes s'eveillèrent et sortirent des tentes l'épée au poing en criant de tout coté.
Les" loups "traversaient de long en large le camp en hurlant comme des damnés et égorgeant au passage les soldats apeurés.
Le chaos s'accentue lorsque des dixaines de piquiers arrivèrent au pas de charge par l'arrière en rang serré.
Le capitaine fit une sortie a cheval avec quatre de ses hommes. Il reussit à passer entre les mailles du filet et fila droit dans la nuit sombre tandis que ses hommes se battaient pour couvrir sa retraite.
En quelques minutes le combat fut terminé.

Trois survivants étaient prostrés devant le feu de camp. Un sergent et deux soldats dont un blessé grievement.

Raghnar apparu accompagné d'un prêtre. La haine se lisait dans les yeux de ce dernier, refletée par le feu vif près d'eux.

Raghnar parla d'une voix forte
"Qui êtes vous et pourquoi avez-vous fait cela ?"
Le sergent prit la parole, d'une voix peu assurée
"Seigneur, je ne sais pas. On avait des ordres… "
Le prêtre s'approcha du blessé et parla d'une voix haineuse
"Et toi chien ? Parle ou tu meurs !"
L'homme regarda le prêtre terrifié mais ne parla pas. Le prêtre le prit par les cheveux et l'egorgea avec un mouvement rapide.
Il passa au deuxième garde et parla d'une voix mieleuse.
"Et toi ?"
L'homme tremblait de tout ses membres, il regarda son sergent qui était imperturbable et bredouilla
"Melit Aend… Pitié…"
Le poignard du prêtre frappa de nouveau et un bruit sec se fit entendre quand la lame rentra dans l'orbite gauche de l'homme. Il s'effondra dans un gargouillis.
"Pas de pitié pour des chiens !" le prêtre cracha sur le cadavre
Des hommes empoignèrent le sergent et le prêtre se rapprocha de lui
"Dis moi tout chien !"
"Rien et je n'ai pas peur de vous !" arriva t'il a dire
"Tu es un bon Graméen…Et c'est dommage que tu doives mourir ! Crois moi demain matin tu m'auras tout dit et demain soir je boirais dans ton crane en ton honneur !"
Raghnar donna les ordres afin que l'armée reste sur place pour la nuit. Inutile de se mettre à la poursuite du survivant. Il savait maintenant où aller. Quelqu'un devra rendre des comptes !
Le prêtre se retourna vers Raghnar
"Donnez moi une escorte pour Melit Aend je veux avoir des explications a cela ! Je partirai demain !"
Raghnar se prosterna devant le prêtre
"Oui mon Maitre !"

L'expédition partit le lendemain vers Melit Aend. Et on ne les revit pas...

Les mois passèrent.... Les campagnes d'Aevenspir et d'Orcum prirent le pas sur ce fait qui fut oublié avec le temps et les évènements.

Jusqu'au jour où des cavaliers tout de noir vétus entrèrent dans la cité d'Amk'Serakk.
Certains portaient des lourdes cotes de mailles avec de larges capes noires et d'autres portaient les sinistres bures sombres d'Amk'Cherk... L'inquisition venait d'arriver pour demander des comptes au seigneur des lieux.

Ils s'arretèrent devant une grande batisse sombre où étaient inscrits les symboles du pouvoir en place : le blason de Raghnar.
Les cavaliers ne bougeaient plus et attendaient sans un mot. Les riverains eux n'osaient comme les gardes s'approcher de trop près.

Raghnar sortit, suivi de ses capitaines. Il portait une tunique de cuir avec une grande cape en fourrure d'ours qui lui servait de manteau.

"Que me vaut cette visite messires ?"

Un prêtre approcha son cheval et parla d'une voix dure
"Il y a des mois, certains de nos frères sont morts !!!"

Raghnar déglutit péniblement et parla
"Oui nous avons chatié les coupables et j'ai envoyé un émissaire de votre ordre vous prevenir et j'ai aussi envoyé une escorte vers ..."
Le prêtre lui coupa la parole
"Je sais tout cela pauvre idiot !!! Qu'en est il de votre escorte ? Avez vous des nouvelles ? Car nous n'avons aucune nouvelle d'eux !"
Raghnar regarda ses captaines et parla tout bas
"Bon sang avec toutes ces guerres j'avais oublié tout ca .... Très bien que dois je faire ?"
Le prêtre regarda avec haine les guerriers devant lui
"Vous et vos incompétents, toujours prêts à faire la guerre vous allez nous accompagner à Melit Aend !!!! Nous voulons savoir le fin mot de l'histoire !!!!"


Quelques heures après Raghnar partit avec une troupe en direction de Melit Aend, suivis par les inquisiteurs.
Devant eux on pouvait entendre dans les bois les hurlements des "loups" de Raghnar... Eclaireurs sanguinaires des Sombres Landes.

Le trajet devait durer quelques jours pour arriver a Melit Aend. La route était difficile mais les bandits de grands chemins ne se risquèrent pas à attaquer les hommes d'armes et les prêtres lorsqu'ils virent l'étendard noir avec une gueule de loup rouge sang flotter dans les airs. Durant le trajet ils devaient traverser le fleuve Feld avec un bac pour atteindre la capitale mais que ne fut pas leur surprise lorsqu'ils virent à la place un énorme pont fortifié tout de bois et de pierre.

Raghnar s'approcha des gardes en faction et demanda au sergent de la garde
"Qu'est ce ceci soldat ?"
L'homme salua rapidement d'un salut tout militaire
"Général je vous salut !!! ceci est un des premiers ponts fortifiés que l'intendant a fait fabriqué. Sa construction a durée près de 2 ans, la main d'oeuvre vient de nos campagnes et les plans viennent d'ingénieurs Kandrasiens que l'intendant a rémunéré pour l'occasion. Du beau travail messire croyez moi !!! Vous verrez il a aussi donné des ordres afin de planter certaines variétés d'arbres venu d'Empersiste pour nos marais. Il paraitrait qu'ils pompent suffisamment de flotte pour éponger nos marais !!! Entre nous je crois qu'il souhaite une Gramée civilisée !!!"
Raghnar éclata de rire
"Et bien il a du travail !!! je me rend a Melit Aend laissez nous passer je vous prie !"
Le sergent le re salua et fit un geste afin que l'on ouvre la grille de la porte fortifiée.
Les hommes traversèrent le pont d'un pas lent. Les prêtres regardaient héberlués cette oeuvre étrangère.
Raghnar entendit derrière lui le sergent crier
"Vous verrez Général le paysage a aussi changé !!!"

En effet, au fur et à mesure qu'ils s'approchaient, la route était plus large, mieux entretenue. les marais étaient mieux maitrisés.

En arrivant aux alentours de la capitale, la troupe s'arreta pour voir le spectacle incroyable.
Les bois avaient été défrichés pour laisser des plaines vides. De partout on voyait des milliers d'esclaves Aevenspeers ou Orcumiens enchainés en train de travailler le bois ou détruisant des blocs de pierre dans les carrières. Une marée humaine qui grouillait, entourée de centaines de Graméens surveillant tout cela d'une main de fer.

Raghnar indiqua à ces hommes de monter le camp près de la lisière de la forêt et partit avec deux prêtres en direction de Melit Aend.
Ils traversèrent les champs cultivés, les carrières de pierre et de fer. Ils virent les nouvelles fortifications de la ville et Raghnar pensa qu'Haenan était soit un fou soit un pur génie pour croire à une Gramée civilisée.

Ils arrivèrent devant la forteresse de l'intendant. ils descendirent de chevaux tandis qu'un capitaine de la garde arrivait inquiet vers eux.

"Mes Seigneurs que me vaut..."
Raghnar lui coupa la parole
"Capitaine allez dire à l'intendant que le Général Raghnar souhaite le voir toute affaire cessante !!!"
Le capitaine regarda les prêtres et donna des ordres très bref à un sergent en faction.
"Veuillez me suivre je vous prie..."

La Gramée n'avait été que peu transformée par les travaux de l'Intendance. Les alentours de Melit-Aend avaient été défrichés pour laisser place à de nombreux champs mais la zone déboisée ne s'étendait guère à plus d'un ou deux kilomètres des nouveaux remparts, construits par les nombreux esclaves ramenés d'Aevenspir. Au-delà de cette distance, les marécages s'étendaient toujours à perte de vue comme celà avait toujours été le cas dans ce pays.
L'assèchement de la zone avait augmenté la productivité des carrières de pierre et de fer car les inondations et l'humidité n'endommageaient plus l'équipement lourd et les maladies affectant les esclaves se faisaient plus rares. Certes Melit-Aend avait augmenté sa productivité et les conditions de vie étaient plus favorables aux étrangers mais cela n'avait été fait que pour une seule cité et il faudrait encore plusieurs lustres voire des décennies, à ce rythme, pour que toutes les villes de Gramée soient débarassées des envahissants marais qui les entouraient.
Plusieurs édifices avaient été bâtis d'après des plans venant d'architectes étrangers, le plus souvent des Kandrasiens. Leur grande maîtrise de la construction complexe avait été d'un grand secours pour les Graméens, incapables de construires de grands ponts pour enjamber de larges fleuves comme le Feld.
Il était clair que l'Intendant voulait civiliser la Gramée mais le long processus coûterait cher et Haenan, dont la quarantaine approchait, savait qu'il ne verrait probablement pas l'achèvement de cette grande oeuvre. Ce sera à son successeur de décider de la route à suivre.

Perdu dans ses pensées concernant l'avenir du pays, Haenan n'entendit pas arriver le sergent. Il revint au monde lorsque l'homme lui annonça que le général Raghnar désirait le rencontrer immédiatement. Il fit signe aux gardes du palais de laisser entrer le maître des Sombre Landes afin qu'il lui expose les problèmes dont il voulait lui faire part. Les conseillers se retirèrent et la porte s'ouvrit, laissant entrer l'homme rude qui dirigeait une part importante de l'armée Graméenne. L'Intendant se leva de son trône et marcha vers Raghnar.
"Général, que me vaut le plaisir de vous voir ici, en mon castel ? Vous avez exigé de me voir immédiatement, je suppose donc que vous voulez m'entretenir d'un problème grave. Les gardes et les conseillers sont sortis, vous pouvez donc parler en toute liberté, au cas où ce dont vous voulez m'entretenir serait confidentiel..."

Raghnar regarda autour de lui... Effectivement ils étaient seuls.

Il regarda l'intendant droit dans les yeux et parla d'une voix grave

"Intendant, je viens vous voir pour une affaire qui date de quelques années et qui malheureusement est assez facheuse..."

Raghnar était embarassé, d'un coté il avait la pression de l'eglise d'Amk'Cherk et de l'autre son chef de guerre avec qui il avait fait maintes batailles.

Il se frotta les mains désormais moites et se remis à parler

"Des prêtres ont été tués par vos hommes et l'église souhaite savoir pourquoi !!! Moi aussi d'ailleurs. Je suis un adepte du culte d'Armk'Cherk et je n'apprécie pas trop que l'on tue ses représentants.

A moins qu'il n'y ai une raison obscure à tout cela ? Dans tout les cas sachez que les prêtres vous en veulent et souhaitent des réponses claires au massacre fait par vos soldats...

Mon ami, ne niez pas que ce n'etait pas vos hommes, nous les avons traqués et nous avons fait parlé les survivants. Cependant même eux ne connaissaient le pourquoi de la chose."

L'Intendant fut étonné d'entendre parler de cette affaire. L'opération avait été réglée rapidement et il ne semblait pas y avoir de survivants pouvant raconter ce qui s'était passé. Haenan hésita un instant avant de répondre. Devait-il mentir à son général ou lui raconter la vérité, au risque d'ébruiter une affaire qu'il serait préférable de garder secrète ? Finalement, il pensa qu'aucun mensonge ne serait assez complet pour être plausible et son compagnon d'armes méritait qu'on lui dise la vérité.

"Dans ce monastère, il y a effectivement eu un massacre que j'ai ordonné. Certes, de nombreux prêtres sont morts mais il fallait garder le secret le plus absolu sur l'objectif de cette opération et c'est aussi pour cela que les soldats n'étaient pas informés de l'identité de leur victime. Les prêtres détenaient un prisonnier dont j'ai appris l'existence plusieurs années après mon couronnement, dans une lettre. L'homme avait été placé là par mon prédécesseur, l'Intendant Felkan qui avait les mêmes raisons que moi de le faire enfermer.
Cet homme était Stros Jalba...
Je pense que vous pouvez comprendre quel problème son existence nous a posé. Si quelqu'un avait appris son existence, mon Intendance comme celle d'Aust Felkan aurait été menacée. Je ne pouvais tolérer celà.
Il était bien sûr possible de le laisser indéfiniment en détention mais nous nous exposions par là au risque de voir quelqu'un apprendre son existence.
Il était probable que le prisonnier ait pu dire à ses geôliers qui il était, c'est donc pour celà qu'il n'aurait pas suffi de l'occire seul et c'est pour cela que nous avons cherché à éliminer les témoins. Visiblement, cela n'a pas suffi... c'est regrettable.

L'Intendant regarda son général dans les yeux.
"Quoique vous en pensiez, je ne pouvais prendre le risque de voir mon Intendance être mise en doute à cause d'un grabataire, fut-il un ancien dirigeant Graméen... Je regrette vraiment d'avoir eu à occire des clercs vénérant l'Unique. Je sais que les regrets ne suffiront pas à la repentance.
Je compte réparer mes erreurs et je puis vous dire que le Clergé et Amk'Cherk ne regretteront pas de m'avoir soutenu.

Raghnar se frotta la barbe et regarda ses bottes. Il inspira fortement et releva la tête

"Je comprend maintenant. Je n'ai pas connu cet intendant. Notre village était encore dans les marais sombres et avait très peu de communication avec l'extérieur. Mon père en aurait peut être entendu parlé mais moi non... Ceci dit je comprend votre point de vue. Il est logique. Vous avez organisé le massacre mais vous avez sauvé l'unité de notre pays.

Je saurais me taire concernant cela. J'en ferais part aux prêtres bien que je pense sincèrement que les plus hautes instances de l'église étaient déjà au courant de toute l'histoire.

Cependant il serait bon que vous informiez l'église car certains esprits sont échauffés contre vous.

Bien si vous n'y voyais pas d'inconvénient je repartirais demain avec mes hommes vers ma cité. Ce soir j'ai hate de gouter du bon vin et de courtiser quelques femmes.

Ensuite une fois rentré je m'équiperais pour les joutes Kandrasiennes... Il me tarde de donner une bonne leçon à ces vermisseaux."

"Je suis heureux que vous ayez saisi le fond de ma pensée, Général. Le bien du pays a toujours été et restera ma préoccupation principale. Vous rentrerez bientôt si vous le désirez mais avant cela je voudrais vous montrer quelque chose que vous n'avez certainement pas vu en venant. Venez avec moi, je vous prie..."

Les deux hommes marchèrent jusqu'à une porte se trouvant à l'arrière de la Salle. L'huis ouvert, les deux Graméens se retrouvèrent sur le balcon d'où l'on pouvait admirer toute la ville.
Haenan sentit sur son visage le vent fort venant de la mer qui apportait avec lui l'humidité favorable à la végétation du pays. Le soleil perçait entre les grands nuages se déplaçant rapidement au rythme de l'auster, réchauffant Melit-Aend. Au loin, bien au-delà des champs, on apercevait la sombre forêt qui recouvrait toute la Gramée ou presque. Le Feld, avec sa couleur brune naturelle, irriguait les champs récemment aménagés et constituait un rempart naturel contre les ennemis de la Gramée. La colline sur laquelle était bâtie la ville avait été recouverte par les aménagements qui ne laissaient plus voir la pierre jaunie par l'iode du notus venant de la mangrove. Le pays avait considérablement changé.
Sous le balcon s'étendait la grande ville de pierre noire. Les rues pavées avaient été élargies en quelques endroits mais la majorité de la ville restait encore mal entretenue, les bâtisses formant toujours un ensemble de ruelles sombres et malodorantes. La zone centrale de la ville, abritant le palais, les temples et les rares édifices scientifiques était de loin la plus accueillante et était d'ailleurs la seule partie de la cité que les rares étrangers souhaitaient visiter. On pouvait apercevoir de grands bâtiment entourés d'échafaudages sur lesquels travaillaient des esclaves et des condamnés Graméens.

"Voyez, Général, ces édifices regroupaient les halles de la ville. Ils sont désormais en cours de démolition et seront reconstruits au nord de la ville, hors des taudis, derrière la troisième enceinte. A la place, j'ai lancé la construction du plus grand temple dédié à Amk'Cherk que l'on ait vu jusqu'à aujourd'hui. Ce temple, construit grâce aux immenses bénéfices tirés de nos guerres passées contre la Kandrasie, l'Aevenspir et l'Orcum, dominera la ville toute entière, palais de l'Intendance compris. Ce monument sera si grand, si parfait que nous égalerons voire dépasserons les merveilles du Saint Ordre de Gaed. La grandeur d'Amk'Cherk sera reconnue dans tout Retrahant une fois que les mécréants de tous les pays auront contemplé pareille construction. Je sais que cela coûtera cher à notre pays mais la foi en l'Unique n'a pas de prix... L'Unique dominera bientôt tout Retrahant, il fallait donc construire un monument digne de notre Dieu. Bientôt, Il nous récompensera de notre dévotion et nous accordera sa force pour vaincre tous nos ennemis.
Je pense que l'Eglise pardonnera mes égarements passés comme ceux du monastère dont nous avons parlé tantôt."

Raghnar regarda le chantier et sourit. Enfin la puissance d'Amk'Cherk allait renaître aux yeux du monde.
Enfin ses fidèles pourraient avoir une basilique et une forteresse aussi somptueuse que celles de Gaed.

Les deux divinités seraient à nouveau à égalité dans le coeur des hommes. Un nouvel âge d'or se profilait pour les exilés Amk'Cherkiens et il ne fallait pas arreté, quitte à tuer les prisonniers et la population locale.

"Très bien mon ami. L'église approuvera sans nul doute votre initiative. Faites travailler dur les prisonniers et la populace. Nous n'avons que faire de ces hommes aimant les religions antiques vouées aux animaux ou aux forces de la nature.
Seule la gloire de l'Unique est prioritaire !"