[Assemblée] Défense de la monarchie

C'était rare de voir Dertil de Crykas dans l'assemblée, surtout ces derniers temps. Celui-ci s'était désintéressé peu à peu de la politique extérieure, et n'écoutait qu'avec ennui les quelques exhortations de ses hommes.

Sa présence était requise disaient-ils, mais rien de tout cela ne l'avait fait réagir. Tout, jusqu'à l'annonce du meurtre du Roi Ciranais.
Le meurtre de gens puissants ne le choquait pas, c'était presque normal. Mais tuer l'un des trois dirigeants Gaediens, ça, c'était pas banal.
Un des représentants de Gaed en ce monde, une personne sacrée, intouchable, et au pouvoir jusqu'à sa mort, naturelle bien entendu.

Dertil avait donc décidé de réagir, au moins pour prévenir le gueux qui aurait pu vouloir faire la même chose sur sa personne.

"Messires de tout Retrahant,

La monarchie, le moyen pour Gaed de laisser son représentant à la tête d'un état, a été bafouée. En tuant un Roi Gaedien, le manant Aevenspeer a attaqué toute la monarchie. Et pour défendre cette monarchie mise en péril par un seul homme, un sauvage incapable de parler, j'ai décidé de réagir.

Ce régicide sera soumis au supplice de la roue, puis il sera écartelé et ses restes seront brulés! Toute personne s'interposant à ce supplice sera executée, sur le champ. Mes troupes ne reviendront en Empersiste qu'avec la tête du coupable, ou ce dernier enchaîné."

Il sortit alors de la salle, d'un pas lent, mais décidé. Les dés étaient lancés.

Plus tard, le Roi Dertil de Crykas devait recevoir cette missive, aportée en grande hâte par un messager fourbu

Je vous salue respectueusement, Roi de l'Empersiste

Je ne discuterai pas votre volonté de venger votre confrère gaedien. Toutefois, Aevenspir ne doit pas être touchée par votre courroux, car j'en suis la seule responsable.

Lorsque vos armées assiègeront les cavernes troglodytiques Mogus, elles ne trouverons nul autre défenseurs que les Mogus et mes soldats. Une bagatelle face à votre puissance, je le sais. Je m'avancerai en premier lieu, sans armes, désireuse de ma capture si celle ci pouvait éviter les milliers de morts que vous causeriez en chargeant mes hommes et les Mogus. Mais je suppose que votre désir de bataille est trop grand. Alors, nous nous battrons, et vous déciderez du sort des vaincus, sachant que c'est mon arme personnelle qui fut la cause de la mort de votre confrère du Ciran, et non celle d'un Mogus.

Je n'ai plus rien à ajouter.

A bientôt, Roi Dertil d'Empersiste

Ona frun Sortaksper, Karspa d'Aevenspir

Narcosia fut surprise d'apprendre la mort de Valkmir Fauste et lorsqu'elle apprit les circonstances, elle décida d'intervenir devant l'assemblée.

Seigneurs,

Chacun sait que je ne portais pas dans mon cœur le Roi du Ciran, mais je trouve les circonstances de sa mort choquante.

Soudain, un officier de l'îlot de la Perfidie vint lui remettre une missive. Elle le regarda avec des yeux interrogateurs. Il s'inclina devant elle et lui remit la missive en murmurant c'est un succès...

Narcosia eut un sourire mais se trouva gêner de la situation avant de déclarer :

Ceci n'est pas en relation avec la mort du Roi du Ciran. Gaed semble avoir voulu que les événements se déchaînent à son encontre.

Mais, les armées du Royaume de l'Elbre ont défait les troupes de feu le Roi du Ciran et de trois de ses vassaux devant la cité sainte d'Ostombe, afin de mettre un terme à la menace que ces dernières faisaient peser sur cette ville. Les forces beilannes étaient composées des troupes originaires de toutes les régions de l'Elbre et regroupaient celles des quatre Comtes et Comtesse, de sa Marquise et de son Baron. Je suis fiere qu'une telle coalition ait pu être constituée pour servir une noble cause et ceci malgré la diversité de notre Royaume.

Elle alla se rasseoir et demanda à un émissaire d'aller à la rencontre de l'intendant empersois pour lui demander qu'il épargne Dame Ona.

Un homme d'âge mûr à l'air sévère mais aux yeux vifs se présenta au diplomate empersois le plus proche d'Eskadner. Après quelques salutations plutôt raides, l'émissaire prit la parole.

"Je représente Silgka Maakan et par là même Aevenspir ! Sachez que ma dame regrette la mort de feu Valkmir d'Osmad et veut elle-aussi la mort de son... assassin. Ainsi, elle assure sa capture et sa mort, sur l'honneur de sa famille.
Lorsque sa mort sera confirmée et sue par tout Aevenspir, une ambassade viendra avec la tête du meurtrier en Empersiste, au Beilan et en Gramée, pour que tous sachent ce qu'il en coûte de défier un homme ayant reçu ses honneurs et noms de Gaed.
Cela dit, dame Maakan n'autorise aucune armée étrangère venir prendre de vitesse la justice d'Aevenspir. Seul le royaume du Nord sera juge et bourreau de ce Mogus."

Une fois cela dit, il s'installa en attendant la confirmation de l'ambassadeur. Pendant ce temps, une dizaine d'estafettes était partie en direction d'Ephyne et de l'ost de Dertil.

Le son sourd du métal ployant sous le poids de la masse fut le dernier de la prise d'Osmad... Elderan Kar avait participé à la victoire sur l'armée du roi gueux. Il avait appris que celui-ci était mort en Aevenspir et il avait été tenté de retourner au Beilan, mais la situation avait changé. Les troupes du roi fol avaient tenté de prendre Ostombe, ville Ciranaise de l'Archevêque Arshan d'Itoria. Le Beilan s'était engagé à aider celui-ci et a installé sur le trône d'Osmad une stabilité propice à s'entendre avec le Beilan lui même.

Les seigneurs de l'Oligarchie avaient choisi.


Un homme se leva à son tour dans l'assemblée à Ephyne. Elderan avait rajeuni de trente ans sous les yeux de tous...

L'homme disposait de cheveux plus courts mais toujours attachés en un long catogan enveloppé d'un tissu fin d'amok noir et blanc. Ses yeux avaient une couleur différente ainsi que la couleur des cheveux passant du noir au blond, mais le regard était toujours aussi intense et froid. La carrure du jeune homme était identique et il portait une armure similaire en cuir bouilli avec une longue cape d'amok noir flanquée de la Tour affligée et en dessous d'une cité sur les eaux jalonnant le bas en une longue fresque.

Seigneurs Retranes,

Je suis Arghal Kar, Fils d'Elderan Kar, Comte des Glacées, seigneur de Tourage et Gardien de Beila. Je me présente devant cette assemblée en tant que porte parole des Terres de l’Elbre.

Il donna un parchemin en peau d'amok à un Touragien qui s'écarta pour le laisser parler.

Tourage rapporte à l'Assemblée d'Ephyne qu'Osmad n'est plus aux prises de la royauté Fauste. Les seigneurs Beilans ont aidé l'Archevêque Arshan d'Itoria à accéder au trône d'Osmad afin que celui-ci ne soit nullement usurpé par de vils profiteurs et seigneurs aux désirs de faire fondre le royaume Ciranais dans la décrépitude.

"Vous plaisantez? Ne les voyez-vous pas déjà ces lâches, qui ont usurpé le pouvoir? Ne voyez-vous pas déjà dans quel état de décrépitude ils prennent les commandes de Ciran? La peste et les famines ravagent le pays depuis que le vrai Roi n'est plus. Nous sommes dans un monde de faibles.

Longue vie à vous, pantin."

Un général Ciranien, partisan du Roi Fauste, venait de parler avec un profond mépris. Le camp Fauste ne comptait pas plus d'une dizaine de membres tant les évènements avaient été rapides. Dépité, le général se leva et quitta l'Assemblée où il n'avait plus sa place. Il entraîna avec lui les derniers partisans du plus grand Roi que l'ère ait connu.

*Gloire à Valkmir* pensa-t-il.

Arghal ne sembla point énervé ni perturbé par cette intervention... Il se doutait bien qu'un imbécile hurlerait au scandale.

Officier Ciranais...

Je tenais simplement à informer de la situation au Ciran. Il n'y a pas de scandales ou d'outrages, car Fauste est mort et le restera. Le roi fol n'y pourra plus rien à présent...

Maintenant je vous demanderais de mesurer vos mots, car j'ai bien peur que votre influence ne soit égale à celle d'un palefrenier et vous pourriez de surcroît disposer d'une expédition rapide auprès de votre défunt roi, protecteur du blé Ciranais et des valeurs de Gaed...

Il me semble opportun que vous vous retiriez de suite et ainsi je ne me verrais pas dans l'obligation d’ôter votre vie.

Le Fils d'Elderan avait sorti ces mots avec un ton monotone fixant un point aléatoire de la pièce, et cela avait rendu le contenu du message encore plus froid que ceux des Kars généralement... L'imposante carrure du Touragien n'était que peu commune et suscitait un semblant de fascination et de peur pour les plus influençables.

Un homme, lui aussi sis dans la tribune normalement réservée aux Beilanais, se leva et rit à gorge déployée. La scène était drôle. Un homme qui avait continué son discours alors que le généraux qui devait lui servir de vis-à-vis s'éclipsait sans même lui accorder une attention. Ainsi, le seigneur qui avait intervenu de son rire rauque et franc - un grand guerrier robuste, au vu des cicatrices superficielles sur son visage et l'épée qui lui efflanquait la hanche, habillé d'un vêtement léger très simple mais de bonne coupe - descendit quelques marches pour s'approcher du jeune Touragien. Le contraste semblait presque criard entre le chevalier aux cheveux courts plein d'une vie violente et le jeune contino issue du froid des marches beilanaises. Leur seule ressemblance paraissait être leur gabarit peu commun.

Oh ! là, l'Ami, ce pauvre général est déjà loin, nul besoin de vous acharner en son absence, même si l'effort est louable. Quoique, dans la pratique, discutable. En effet, pourquoi blâmer et menacer cet homme fidèle à son prime souverain ? Comment discuter sa franchise ou le juger par rapport à son influence ? Non, non, il faut se rappeller que cet homme, coûte que coûte a servi et protégé son roi. Ou allons-nous, messires, si nous injurions chaque brave soldat qui défend son seigneur, hum ? (Il embrassa du regard la tribune beilanaise, qui était apparemment son public préféré.)

Enfin, il faut juger sur les actes des hommes et les vertus dont ils sont dotés quand les circonstances les mettent en valeur. Moi, par exemple, si je ne vous jugeais que sur votre discours sans interlocuteur, ne vous prendrais-je pas directement pour quelqu'un de ridicule ? Cela n'est pas juste. Nous devons féliciter l'homme pour sa force morale, non pour l'homme qu'il sert ou la situation dans laquelle il se trouve, aussi sans influence ou pas que soit sa position actuelle.

Arghal Kar n'était pas un sot et avait bien sûr parlé alors que le général finissait son discours.

L'homme qui se leva semblait aussi grand et fort que le Touragien et pourtant Arghal ne s'en étonna point. Le regard morne, il fit un signe de tête à l'homme qui venait prendre la parole comme s'il était encore un jeune garçon, lui donnant quelques bonnes leçons de conduites en lieux publics.

Il va de soi que je n'ai pas lui reprocher de défendre son suzerain défunt, mais je me permets de mettre en garde les sots qui oublient leur place et qui ne savent tenir leur langue.

J'ai annoncé ce qu'il en était. Les hommes ne semblent point assumer les insultes qu'ils bafouillent, sur ce point je ne peux que juger cet officier qui se permet d'utiliser les termes de "lâches" et de "faibles" et qui sort alors même qu'il finit son discours. Cet homme a t'il participé aux massacres en Aevenspir ? Nous n'en savons rien, pourtant s'il était loyal à Valkmir Fauste le Maladif, il aurait soutenu cette action. De part cela, je me permets de le juger. Peut être ai je tort...

J'ai été certes ferme, mais je pense avoir été juste au lieu de m'emporter comme nombre de seigneurs auraient fait... ici même d'ailleurs.

Pour reprendre vos dires, je tiens à préciser que le courage est un bien qu'il faut savoir utilisé lorsqu'il est nécessaire.

Je n'ai plus rien à dire à ce sujet à part qu'Osmad est à présent dirigée par un homme tout autre et que le Beilan assume ses choix.

Arghal semblait serein, un calme dérangeant toutefois.

La Comtesse Narcosia n'avait pas apprécié l'agressivité dont faisait preuve l'héritier de Tourage, elle allait intervenir lorsqu'un inconnu se leva de la tribune beilanne. Elle se renseigna sur l'origine de ce jeune Seigneur. Très vite, certains de ces conseillers pronocèrent le nom de Thierry de Fondblois qui avait laissé une trace indélibible dans l'histoire du Royaume de l'Elbre. Avions nous à faire avec un digne héritier de cet homme? De plus, il sembait qu'il possédait des terres dans les plaines du Royaume de l'Elbre, étonnant pour un Fondblois.

Messire des Plaines de l'Elbre, vos ricaneries sont déplacées. Il est vrai que le Touragien se soit un peu emporté de façon exasgérée.

Il n'en reste pas moins que les paroles de ce général sont dictées par la servitude qu'il avait envers son Roi. Servitude inconcevable pour un homme des Glacées et qui jusitfie la réaction virulente du fils d'Elderan Kar.

Revenons sur les paroles de ce Général. Je ne tiens pas à profiter du fait qu'il soit parti pour discréditer ces propos. Mais, reconnaissons que plusieurs de ces paroles n'étaient qu'inepties.

Il n'y a pas eu usurpation de pouvoir. Un Archevêque a remplacé le Roi du Ciran. Archevêques que le Roi du Ciran n'a cessé de se mettre à dos un par un et qui pourtant au Ciran, territoire épris de notre Dieu, devrait jouer un rôle supérieur à celui qui règne à Osmad. Dans l'îlot de la Perfidie, nous avons eu droit successivement aux complaintes et aux demandes d'assistance de tous les Archevêques les plus influents de Ciran.

L'attaque d'Ostombe a été la goutte, si je puis dire, qui a fait déborder le vase et qui nous a forcé à intervenir au Ciran. Ensuite, nous avons favorisé l'implantation à Osmad de l'Archevèque d'Itoria.

Contrairement à ce général ciranien, je pense que la situation actuelle au Ciran est une conséquence de la politique menée par le Roi du Ciran à laquelle j'espère l'Archevêque d'Itoria sera remédié.

Je concluerais sur le Ciran en rendant hommage à un ennemi qui a été tué de façon inconsidérée lors d'un mariage qui n'avait pas lieu d'être. Il n'avait pas mérité tel fin et j'espère que son corps soit rappatrié en Ciran et soit inhumé à Osmad avec les honneurs dus à son rang.

Pour revenir à des événements plus récents, je suis surprise que les armées de la Princesse d'Aevenspir aient massacrée la population d'une jeune cité au Beilan avec le concours du Piedmont, de Mornesmares et d'une Baronnie des Glacées.

Ilaak d'Itoria venait d'arriver à l'assemblée. Il salua poliment la tribunne beilannais, puis attendit que la comtesse Narcosia ait fini son discours pour intervenir :

Le Ciran se remet rapidement de la guerre interne qui à sévit sur notre beau pays. Le Roi Fauste n'est plus, et sa seule famille connue, le seigneur Wilheim Fauste ne désire point réclamer ses droits de succession. C'est pourquoi, en attendant la décision finale du conseil d'Osmad, c'est le Grand Archevêque Arshan d'Itoria qui assurera la régence.

Cela mis à part, je viens réclamer le corps de notre ancien roi Valkmir Fauste. Bien que relativement souvent en désaccord avec l'actuelle régence, cette homme n'en reste pas pour le moins un grand homme, respecté et craint dans tout Retrahant. Je demande donc à l'Aevenspir la possibilité de venir récuperer ce corps...

Un envoyé de la princesse Maakan prit à son tour la parole.

Premièrement, pour le corps du roi, il est enterré dans une crypte non loin d'Eskadner. Il fut mis en terre quelques jours après les événements qui le frapprèrent. Si jamais vous vouliez déterrer un cadavre... ce qui ne m'étonnerait même pas (chuchota-t-il pour ses compagnons qui ricanèrent.), sachez que la crypte se trouve dans le val situé au sud d'Eskadner. Libre à vous de déranger le sommeil d'un roi, quoique le pauvre bougre dut se retourner maintes fois dans sa tombe lors de votre coup d'Etat et vos justifications.

Secondement, au sujet des divagations aussi maladives que semble être Valkmir du Ciran pour les Beilanais ici présents (ou sont-ce de simples diffamations ?), je répondrais à dame Narcosia qu'elle n'a pas à envoyer des hommes d'armes sur les terres de la Princesse Silgka. En effet, le lopin de terre sur lequel vous avez lancé un chevalier tout en armes était la propriété des Maakan, et sa présence n'était ni requise, ni permise...

Quant au "massacre" comme vous dites. Aucun villageois n'est mort lors de l'arrivée de Silgka. Impressionnant, par rapport à vos propos, n'est-ce pas ?

Cela dit, nous rappellons donc que cet acte était tout à fait légitime. Preuve en est les différents seigneurs beilanais qui soutinrent la princesse.

En effet, messire le fils du Comte, vous avez tort. Cela est assuré. Cet homme a été loyal par tout temps et toute situation. Que ce soit lors de la guerre contre Aevenspir, ou lors de la chute de la dynastie de son seigneur. Vous pouvez juger, en effet, mais de là à juger sur les diffamations de différentes factions qui prétendirent que le Ciran a été inhumain et a massacré des Aevenspeers... Si vous étiez là pour remettre à la place les sots qui ne savent pas tenir leur place, que devrait-on dire d'un homme qui s'acharne sur un militaire fidèle à son roi. Tout cela n'est que politique...

Si il n'en était pas ainsi, vous regarderiez d'un autre oeil votre père et tous les seigneurs qui ont soutnue l'Archevêque. En effet, si jamais des massacres avaient été commis en Aevenspir (au nom de Gaed, sachons-le), comment peut-on même regarder Arshan d'Itoria, le bras droit de Valkmir lors de cette expédition, comme un homme plus digne au trône que son prédécesseur ? Il fut tout aussi coupable que le roi en personne.

Quant à ses insultes, je les trouve méritées. Alors que les armées royales ciraniennes, suivies des vassaux de la Couronne, essayaient de détruire un homme qui, par ses intrigues et conjurations, avait montré au grand public ses ambitions, une armée de Beilanais, sans autre coup de cor, enfonça les rangs de l'armée royale et sauva l'Archevêque. Les osts ne s'en sont pourtant pas arrêtées là. Non, elle mirent sur le trône Arshan par la force, malgré la mort de Valkmir, qui aurait pu permettre un règne légitime. Cela ne demande-t-il pas réflexion quant à la colère de ce général qui, comme vous l'avez dit, s'en est allé après avoir compris que l'équilibre avait changé ?

Enfin, pour finir, je pense que la vaillance doit être toujours présente. C'est ce qui distingue l'homme libre du simple esclave.

Puis, la montagne écouta le discours de Narcosia. Il s'était assis dans les premiers rangs, pour mieux l'entendre et, pendant qu'elle parlait, il fit discrétement venir un page, pour lui demander les origines des barons de la Perfidie. Très vite, le page parla d'Intendance graméenne et de famille orcumienne. Etait-ce une héritière de ces Graméennes ? On lui apprit ensuite qu'elle avait pris le contrôle de tout le Delta, ce qui était étonnant, de la part d'une descendante de Graméenne.

Cette servitude sacrée qu'il avait pour son roi, ce soldat, ne semble pas si dénuée de sens que vous semblez le croire. Pour l'intérêt commun du Beilan, n'est-ce pas le Comte des Froid'marches qui saisit Beila ? C'est par la "servitude" qu'il éprouvait pour le bien du royaume qu'il se "sacrifia".

Quant à ce territorie pieux et aux "représentants de Gaed" qu'il accueille, je vous dirais que le pouvoir temporel et les intrigues semblent faire partie du cléricat qu'ils se doivent d'honorer. L'Archevêque Arshan n'est pas en reste, lui qui se déclara représentant direct de Gaed, et les autres archevêques aussi. Je pense que nos prêtres devraient plutôt méditer et aider les hommes purs au lieu de se servir de leur influence, mais ce voeu risque de ne jamais s'exaucer.

Arghal fut étonné de voir l'homme prendre un ton niais et insulter Tourage ainsi. Il ne réagit pourtant point en laissant celui-ci terminé. Le Delta avait eu raison d'intervenir, malheureusement il semblait que le représentant Aevenspeer se prenait pour un roi à lui seul et ne se souciait guère de ce qu'avait fait le Beilan pour Eskadner. Les temps changeaient et la gratitude et le respect se perdaient. Peut être lui même perdait cette dernière facette de la seigneurie...

Une fois de plus, je serais obligé d'expliquer ma pensée. Peut être ai je tort en effet, mais je tiens à préciser qu'aussi vaillant, courageux et juste, ce général puisse être, il a tout de même pris le soin d'insulter l'assemblée de termes bien disproportionnés et malencontreusement inadaptés à la situation et à sa situation.

Vous pouvez défendre un fidèle soldat pour ce qu'il est : loyal. Mais il est aussi de mon devoir de défendre l'honneur qui est le nôtre ou le mien. Ma place est celle d'un représentant et aussi d'un seigneur Beilanais.

Le fils d'Elderan Kar regardait de travers l'homme qui aimait à intervenir pour Gaed sait quelle envie d'effaroucher l'assemblée... Un homme dangereux assurément.

Vous n'êtes pas d'accord avec le choix Beilanais, soit. Vous soutenez ses insultes à notre égards, soit. Vous insultez Elderan Kar d'avoir annexé Beila, d'avoir pris la place de Gardien par pure égoïsme, soit. Sachez... seigneur qui ne prenez le temps de vous présenter et de palabrer, qu'il n'est pas un jour sans que mon père, le Comte Elderan Kar, ne souhaite rejoindre les belles montagnes des Glacées. Il n'ait pas un seul jour sans qu'Elderan Kar, Gardien de Beila de Terresdieu ne souhaite quitter ce poste qui n'est que poids.

Vous jugez facilement tout comme je l'ai fait. Peut être devriez vous justifier vos paroles osées et permettre à l'assemblée de bien saisir ce que vous insinuez vis à vis du Comte Kar.

Il ne me semble pas autrement respectueux que d'insulter un homme qui défend Beila à un prix que vous ne semblez estimer. Celui-ci est tout ce qui a de repoussant et pourtant... Je ne crois pas qu'une seigneurie du Bas-Monde puisse comprendre à quel point un seigneur Touragien "aime" être loin de ses montagnes.

Soupirant, Arghal se sembla point vouloir continuer. L'homme en face de lui souhaitait seulement le discréditer en affichant toutes sortes de piaillements de seigneurs naïfs et sortant de l'ombre un beau jour pour juger, insulter et faire des leçons de morale. Il était facile de parler sans n'avoir jamais pris part aux décisions de ses contrées. Il était toujours plus facile de critiquer après pour mieux enfoncer lors de belles opportunités de se voir en beau parleur, défenseur des loyaux sujets d'un roi détesté de tous et insultant l'assemblée sans en assumer les conséquences. Bref cet homme était le parfait casse-verge du Bas-Monde...

Il se retourna vers la tribune Aevesnpeer.

Il est indubitable que le Beilan dispose de bonnes relations avec l'Aevenspir. Il en est ainsi depuis de nombreuses années maintenant, mais je suis dans l'incapacité de comprendre dans quelle mesure un "lopin" de terre Beilanais sous la protection de l'Oligarchie Elbrienne puisse appartenir à la Princesse Maakan sans que celui-ci n'en soit averti ni même avisé d'une expédition de plus de 10 000 troupes sur son territoire.

Il me semble que vous pouvez donner une explication en privé si tel est la mesure nécessaire et bien plus saillante qu'en ces lieux.

Répondant à l'envoyé aevenspeer :

Soit, vous choisissez de répondre de manière agressive à une demande pacifique, ce que vous faîtes très mal d'ailleurs, puisque personne ici ne s'est laissé prendre par la fausse innocence de votre princesse.
Par ailleurs, je n'ai eu aucune réponse de mes missives envoyées à la Dame Sortaksper et son absence aux assemblées me surprend. J'ose espérer que cette absence n'est que très provisoire, et qu'il ne lui ait rien arrivé...

Puis répondant au seigneur de Fondbois :

Sir, avant de proférer des accusations sur mon père, j'apprécierais que vous vous renseigniez mieux. Mon père n'a pas participé à la pacification gaedienne organisée par le Roi Valkmir. Puis vous parlez d'intrigues, de conjurations.... Non seulement je ne vois pas de quoi vous parlez, mais de plus je ne comprends pas ou vous vouez en venir. Cherchez vous tant que ça à discréditer ma famille ? Ce faisant vous m'insulter, mais vous insultez aussi le Beilan qui nous a soutenue...

Audoin haussa un sourcil dans le style très typique des Fondblois. Voilà qu'on l'accusait d'insulter le comte Kar. Le jeune fils s'était braqué d'une bien étrange façon, voyant des paroles assassines ou vicieuses là où il n'y avait qu'un avis franchement lancé.

Bien, pour ce qui de mon nom, le héraut se trouvant à l'entrée de cette pièce l'a décrié il y a plus d'une heure...

Je ne remets rien en cause, j'expose juste des faits plutôt simples. L'armée beilanaise est arrivée comme une fleur, au milieu du siège qui opposait le roi Valkmir à son Archevêque. Je trouve la manoeuvre fort peu emplie de morale, mais peut-être suis-je le seul. Quand au Ciran dirigé par des faibles, comme l'a dit ce cher général, je ne puis aller contre, puisque certains Beilanais ont proposé que l'on détruise tous les seigneurs ayant été fidèles à la Couronne plutôt qu'à l'Archevêché. Ainsi, seuls les félons ont pu gardé leur place. La démonstration nous montre bien, messires, que le Ciran n'est pas dirigé par des hommes à la droiture sans faille, si ce n'est l'Archevêque lui-même, qui ne fit que répondre à une attaque injustifiée, j'en suis sûr.

Quant à l'injure que je fais à votre père le comte, je ne la vois pas. Le choisir comme un exemple d'abnégation pour le bien de son pays n'est pas une insulte, pour ma part.

Vous dites défendre notre honneur contre le gredin. Le but est bon, mais la méthode, l'est-elle ? Discréditez un homme de guerre honorable qui vient témoigner de l'attaque n'est pas une façon honnête.

Il se tourna vers le fils de l'Archevêque. A croire que tous les altiers rejetons voulaient lui gâter son séjour dans cette cour maudite. Il répondit au jeune avec un rictus sur le visage, sa voix grave était teintée d'une certaine gouaille.

Seigneur Ilaak, votre père est aussi coupable que le roi dans cette expédition, même s'il n'a pas envoyé la moindre ost. Le principal argument de Valkmir dans cette guerre, voire dans ces massacres, en Aevenspir, fut l'argument de Gaed. Une théorie floue qui lui permit de se lancer dans une grande tuerie. Votre père l'a soutenu de son silence, voire de ses prises de position.

Enfin, j'avoue qu'il n'est pas modèle de piété. Il use de ses pouvoirs pour briser un mariage officiel entre son roi et la princesse de l'Aevenspir, ce qui est assez dérangeant, sur le point de vue politique. Ensuite, il ne semble pas, contrairement aux prêtres d'Empersiste et du Beilan, soumis au voeu de chasteté ou de cécité... vous en êtes d'ailleurs la preuve.

Arghal prit un ton calme comme à l'accoutumé.

Le ton ironique quant à la prise de Beila par le Comte mon père pouvait être interprêté de différentes manières, mais si vous comprenez mes dires autant ue j'ai estimé vouloir les exprimer, il n'y a donc point de mal. Malgré tout, je pense que vous ne m'avez point écouté comme je l'aurais souhaité...

Honorable soit, mais il est de mon devoir comme le vôtre quand vous vous sentez agressé de relever la tête. Sinon à quoi bon palabrer plus amplement ici même. La méthode était des plus franches. Si vous préférez offrir un verre de vin à celui-ci vous le pouvez, mais chez nous, ce serait manquer d'honneur et de respect à la personne que d'être hypocrite.

Je pense donc que vous avez compris à présent que je ne me dresse pas contre la loyauté mais contre la malencontreuse désignation de nos personnes.

Il réfléchit quelques secondes pour reprendre avec un ton plutôt condescendant.

Arriver comme une fleur sur un champ de bataille est peut être une image assez ethérée. Laissons la courtoisie de côté, les Ciranais ont très bien entendu et vu les armées Beilanaises avancer vers Ostombe. Je pense qu'elles disposent d'assez de moyens pour disposer d'éclaireurs et de gardes pour veiller à ce que ce genre de situation ne leur échappe point.

J'espère ne point vous avoir froissé plus amplement que je ne le souhaitais.

Narcosia ne vit pas la nécessité de polémiquer sur la participation du Beilan au conflit du Ciran et se limita à répondre à l'envoyé de la princesse Maakan.

Il me semblait que la cité de Frielas appartenait au Seigneur Cloake le fier et non à votre Princesse. En ces lieux, un massacre a bien eu lieu. Un détachement de l'îlot de la Perfidie a retrouvé les corps de plusieurs centaines de miliciens.

Les témoignages recueuillis auprès de paysans révèlent la présence de troupes d'Aevenspir appartenant à votre Princesse.

Décontenancé, l'émissaire répondit abruptement.

Puis-je savoir combien d'hommes tuez-vous dans vos mines ? dans vos scieries ? dans vos champs ? On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, dit un proverbe.

Quant à ce massacre, il eut bien lieu. Vingt quatre hommes sont morts sous les coups aevenspeers à Frielias. En effet, le seigneur Frielias, qui remboursait ses dettes de jeu en offrant son fief à notre princesse, nous demanda de faire d'une pierre deux coups en tuant les différents petits chefs qui le volaient à chacune de ses absences. Vous voyez, l'Aevenspeer s'occupe même des affaires de justice qui ont lieu chez les seigneurs qui lui doivent quelque service.

De là à parler d'une centaine de morts, à moins qu'ils n'aient été sortis du cimetière.

Seigneur Ilaak, je ne comprends pas vos paroles. Personne ne s'est laissé prendre par la fausse innocence de ma princesse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Innocente de quoi ? L'accuseriez vous de quoi que ce soit ? Ce serait plutôt elle qui devrait accuser votre famille.

Ilaak sourit aux dernières phrases du seigneur de Fondbois.

Pour beaucoup de gens, c'est le mariage entre ces personnes qui aurait été dérangeant. Et en ce qui concerne la chasteté de mon père, je puis vous assurer qu'il à lui aussi fait ce voeu. L'archevêque Arshan d'Itoria m'à adopté quand j'avais trois ans.

Quant à vous, émissaire, je ne puis accuser votre princesse puisque des éléments font qu'elle n'a pas eu le temps d'accomplir ce pour quoi je l'accuserai.

Bah ! Vous souhaitiez donc me froisser, contino ? Quel désenchantement ! (Il gesticula en feintant le désespoir.) Enfin, nous voilà compris à peu près. Enfin, il y a autant d'opinions que d'hommes, ainsi, ne nous en accablons pas. J'ai d'ailleurs hâte de rencontrer officiellement votre père et le reste du conseil.

Sur ce, Audoin de Fondblois retourna à sa place vers ses gens, souriant étrangement. Néanmoins, il entendit Ilaak et prit à nouveau la parole.

Dans ce cas-là, votre père n'a pas respecté le voeu de cécité que l'on demande au prêtre, c'est-à-dire le fait de ne pas avantager qui que ce soit. En vous considérant comme son fils, il rompt ce voeu-là. L'affaire revient donc au même.

Et ce fut à Audoin de sourire de plus belle.

Arghal sourit...

Justement je ne souhaitais aucunement vous froissez d'où mon expression, j'espère ne point vous avoir froissé alors que je ne le souhaitais nullement.

Il le salua et alla s'assoir à son siège. Les discussions autour des massacres sur les terres Beilanes et sur les tensions entre le représentant Maakan et Osmad se devaient d'être suivies.