Couronnement d'un Empereur

La journée s’annonçait radieuse. Sous le soleil plombant de cette fin d’été 512, Ephyne la Belle n’avait jamais si bien porté son nom. La ville qui s’était considérablement enrichie au cours du règne de feu Märkus avait revêtis ses plus beau atours. Des oriflammes bariolés aux couleurs des grandes familles de la noblesse empersoise flottaient au sommet des imposants remparts de granit protégeant la capitale impériale, offrant un spectacle grandiose à un observateur situé hors des murs. Le deuil solennel entamé un mois plus tôt lors des obsèques de l'Empereur Märkus prenait fin en ce jour et son héritier, le prince de Tyrswôl, allait monter sur le trône. Les ephynois avaient assez pleuré leur ancien seigneur, aujourd’hui ils fêterait leur nouveau. Ils fêteraient également la victoire à Heffdim de leurs osts sur les armées coalisées de la Kandrasie, de la Gramée et de l’Aevenspir, ainsi que la campagne magistrale sur les terres kandrasiennes qui en découla. Les réjouissances prévues de longue date ayant été annulées suite à l’annonce tragique du décès de l’Empereur en pleine séance à l’Assemblée.

Owen regarda la foule surexcitée amassée non loin de lui. A même pas vingt-cinq ans, ce fils de la petite noblesse ephynois était un combattant accompli et un vétéran de la dernière guerre. Il avait intégré peu avant la guerre la garde prétorienne de l’Empereur et portait avec fierté le tabard pourpre, couleur réservée à la famille impériale, de cette unité d’élite. S’étant particulièrement distingué à Heffdim, il avait été choisi pour faire partie de l’escorte du prince héritier. Depuis environ une heure la colonne au sein de laquelle il chevauchait avait franchi la porte de Horacius et se dirigeait au pas suivant l’une des artères principale de la cité vers la grande cathédrale du même nom. En tête de colonne se tenaient le prince Märkus, petit-fils de l'ancien Empereur Märkus, l’ambassadeur Berëth ainsi que les sieurs Orban et Ceniver, suivi par une cinquantaine d’officiers et de prétoriens en tenue d’apparat. Tout au long du chemin la plèbe ephynoise, rendue fière par la victoire de ses armées, s’était amassée pour offrir un triomphe à ses généraux et seul la présence d’un corridor de gardes retenant la foule permettait à la troupe de progresser sans difficulté. Owen jubilait et profitait des acclamations de la foule comme si elles lui étaient destinées. Il vivait là l’un des moments les plus intenses de sa vie, et c’est avec une lueur brillante dans le regard qu’il continua à chevaucher en silence.

Quelques temps après le cortège arriva sur l’esplanade servant de parvis à la grande Cathédrale d’Horacius dont les flèches perçaient le ciel, héritage grandiose du règne de feu Monseigneur Dylan Selden. De l’autre côtés de la place se trouvait l’entrée principale de ce qui serait à terme la Chambre du Saint, où résiderait, placé sous la protection directe du trône d’Ephyne, le Saint-Patron. Heffdim ne serait plus alors que la forteresse de la chambre militante du Saint-Ordre. Les travaux, loin d’être fini, avaient débuté voilà une trentaine d’année et l’édifice titanesque qui pourrait dans le futur rivaliser en grandeur avec le palais impérial commençait à prendre forme. Pour réaliser ce projet, des quartiers entiers d’Ephyne avaient été rasé mais personne n’avait, à juste raison, émis la moindre protestation auprès de l’Empereur.

Une fois sur place, les cavaliers mirent pieds à terre, et se rendirent à pieds jusqu’à l’entrée de la cathédrale où les attendaient un groupe d’ecclésiastiques de haut rang. Seul alors s’avança l’héritier qui après s’être incliné sur le seuil de l’édifice, se releva et marcha à la suite des religieux vers la nef. Le reste de l’escorte attendit un court instant puis entra à son tour. Les prétoriens se déployèrent à des endroits stratégiques dans la cathédrale déjà bondée, tandis que les officiers généraux et les membres de la noblesse se dirigèrent vers des places qui leur avaient été réservées. Une cérémonie très formelle commença alors. Monseigneur Klad, archevêque d’Ephyne et chef officiel de l’Eglise d’Empersiste, dirigea la cérémonie. Après un long sermont ennuyeux sur les devoirs de tout homme envers Gaed, le vieux religieux rendit une dernière fois hommage au précédent empereur et commença enfin la messe à proprement parler. A la fin de cette dernière, le prince Märkus fut intronisé, par la grâce de Gaed, Empereur d’Empersiste. La couronne fut déposée sur son front et on lui remit les symboles du pouvoir qui avaient été sorti du sanctuaire pour l’occasion : l’épée Sacrée de Fraysk et le sceptre d’Ephyne. Il régnerait désormais sous le nom de Märkus II et on lui souhaita un long règne. Une procession de nobles et d’officiels étrangers de haut rang s’avança alors vers lui pour prêter serment ou le féliciter. Le premier à s’avancer fut le sieur Berëth, seigneur de Priskieg. Après qu’il eut réaffirmé son serment d’allégeance, Märkus le confirma dans sa charge d’Ambassadeur, faisant de nouveau officiellement de lui le second noble le plus puissant d’Empersiste. Suivi alors le seigneur Orban et les nobles qui avaient fait partie de son escorte…Cette partie de la cérémonie dura une bonne heure, jusqu’à ce qu’il fut décidé qu’on avait eu assez de pompe pour la journée. Il était largement temps que les obligations officielles laissent la place aux réjouissances. Durant toute la nuit, de la nourriture, de la bière et du vin furent distribués gratuitement, tandis que nobles et roturiers festoyaient côte à côte dans une ambiance de liesse populaire qui s’empara progressivement des rues et places de la Belle.