Maglen ne se souvenait plus à quel moment la situation avait basculé, trop occupé à la direction de la reconstruction de PeyreSombre. Aveuglé par l’enthousiasme et les sommes mirobolantes allouées par Elderine, il n’avait pas pris la mesure de l’œuvre qu’il entreprenait.
Et aujourd’hui, non seulement foules de ses objectifs n’avaient pas encore étaient atteints, mais de plus ses crédits s’étaient définitivement taris. Il avait bien essayé d’obtenir une entrevue avec l’Intendant Elwin, mais on le disait souffrant et diminué. En son absence ses conseillers dirigeaient le pays. Maglen comprit vite que les faveurs de certains conseillers allaient aux plus offrants. Et il n’était certes pas de ceux là, contrairement aux banquiers d’Elderine, ses créanciers.
Il perdit de précieuses semaines à tenter de convaincre ces conseillers imbus d’eux mêmes qu’abandonner PeyreSombre à présent serait folie, mais rien n’y fit, les pots de vins devaient avoir été plus que conséquents. Jadis pourtant la région Peyréenne avait été riche, grâce aux mines d’argent des monts proches. Mais les mineurs avaient été incapables de redécouvrir le filon. De plus le fier peuple Peyréen n’était plus là pour le soutenir dans son œuvre. Les gens venus des quatre coins du pays à son appel étaient pour la plupart de fieffés opportunistes, quand ils n’étaient pas des hors la loi recherchés partout ailleurs.
Ainsi l’économie florissante de son fief n’avait pas reparu. Maglen contemplait tristement sa ville toute neuve depuis son donjon. Les temples n’étaient pas encore achevés, tout comme les bains publics. Les murs sombres des fortifications luisaient au soleil, d’un éclat sombre et inquiétant. Ses murailles ne suffiraient cependant pas à stopper ses ennemis. Maglen était un guerrier plus qu’un gestionnaire, mais il était persuadé avoir fait tout ce qui était en son pouvoir dans cette affaire. Son rêve était tout simplement irréalisable.
Deux jours plus tard le principal marchand, et banquier, d’Elderine lui fit parvenir un message fort court stipulant que l’ultimatum le concernant était révolu. Les hommes de main qui accompagnaient le messager étaient arrogants et se moquaient ouvertement du sort qui attendait la ville, un pillage en règle. Leurs sourires se figèrent sur leurs lèvres quand Maglen ordonna leur mise à mort, et leurs regards vitreux affichaient encore leurs surprise quand les têtes furent plantés sur des piques en haut des murailles.
Les habitants du bourg s’agitaient eux aussi, une bonne partie s’en retourna d’où elle était venue, bon débarras pensa Maglen. Seuls demeuraient fidèles ses soldats, qu’il avait recruté exclusivement parmi les Peyréens.
Maglen lu et relu pendant une longue journée une missive qu’il avait reçu de Zefak, l’intendant Fironkois. Peut être y avait-il de l’avenir pour Maglen et ses hommes là bas. Il prit sa décision avec un brusque éclat de rire : il ne pouvait pas y avoir moins d’avenir là bas qu’en Kandrasie.
Ses troupes se mirent en marche au début du printemps, laissant derrière elles une ville en feu. Cela les banquiers ne l’auraient pas.