[Elderine] Fête Retrane

[bordel je suis bloqué xd]

Les choses ne se passaient pas comme prévues, de toute façon rien ne se déroulait comme prévu en Beilan depuis de nombreuses saisons. Ainsi Fïlem fût invité, ou plutôt contraint à rejoindre les appartements préparés pour le Beilan.

Fïlem décida de s'exécuter et ainsi lui et ses hommes se lavèrent et nettoyèrent leurs armures. Ce travail fût laborieux étant donné les nombreux reliefs, le nettoyage était particulièrement difficile au niveau des articulations notamment de la cubitière et du hausse-col. Il faut dire que ces chiens avaient bien saignés. L'intendant beilanais admit qu'il avait réagit comme un barbare et qu'un peu de tenu était de rigueur, bien qu'il aurait avec plaisir montré aux yeux de tous les entrailles du ciranien.

Le Seigneur Fïlem et sa garde était enfin plus présentable pour l'entrevue qu'il avait demandé auprès du noble Alanor.

Sous la capuche, un sourire se dessina. En perdant toute responsabilité et en s'isolant dans une contrée beilane des plus reculées et des plus isolées, l'inconnue retrouvait un sens des relations tout autre. Car il s'agissait bien d'Ona frun Sortaksper.

L'ancienne Karspa se persuada que le Régent n'avait jamais entendu sa voix, et qu'il ne saurait la reconnaitre; elle lui répondit donc sur le champ, avant qu'il ne rejoigne la Grand'Salle :

- Je testais, Seigneur Régent par la grâce du grand Erelian, je testais... Et je vois qu'une modeste étrangère se dissimulant même à votre regard est malgré tout suffisante pour que vous lui adressiez la parole. Je suis flattée. Venant d'une petite bourgade elbrienne de quelques centaines d'âmes à peine, aux coffres vides et protégée par de simples miliciens de campagne, vous m'honorez.

Je vais donc m'installer en Grand'Salle, si cela vous sied davantage. J'y jugerai si votre toit est supérieur au mien, qui laisse passer la pluie et... me donne l'habitude de rester sous ma capuche, voilà, c'est cela.

Le Régent semblait déjà tourné vers d'autres affaires, mais elle se promit de lui demander si les fêtes kandrasiennes se résumaient au boire et au manger, ou si quelque surprise empreinte de chevalerie erelianesque était à l'ordre des possibilités.

Un messager aux ordres de la famille Fïlem arriva haletant, il remit une missive qui fût transmise au Seigneur en question.

Citation :

Cher Père, vous devez rentrer immédiatement en Beilan. La situation est critique.

Votre Fils, Selfÿs.

Fïlem devint blanc comme la neige des Froides Marches. A son escorte :

Nous devons sur le champs rentrer en Beilan.

On accorda audience à l'intendant Fïlem. Alanor reçu Fïlem dans ses appartements. Il lui proposa de se mettre à son aise mais le beilanais déclina sa proposition.

Seigneur, le temps presse. En ce moment même mes troupes marchent sur la ville de Bennoden. Les troupes de ce dernier alliées avec celles de Ilaak d'Itoria viennent d'être défaites devant les portes de ma ville.

Cependant, les choses ne se passent pas comme prévu apparemment, mon fils vient de me faire parvenir une missive des plus alarmante. Je vous prierais de bien me laisser partir. Dès que ces évènements malencontreux seront réglés je m'engage à revenir à votre fête de la manière la plus noble qu'ils soit.

Alanor fut compréhensif et accorda l'autorisation pour Fïlem de partir. Mais avant de le laisser il s'assura une dernière fois qu'il reviendrait à sa fête.

Le Rem'Yshme de la capitale de la Souhnak, d’une apparence semblable à son compatriote sauf qu’il avait sur chacune des tempes un tatouage bleu foncé en forme de vague représentant le SouhYshmeï, prit en premier la parole.

Seigneur Intendant de Kandrasie,

Je me présente à vous, mon nom est Brahar, je suis l’émissaire de l'Akathaïadah de la Sounhak. Il y a de forte chance que vous n’ayez jamais entendu parler de cette région en bordure de mer localisée au sud du plus grand désert de Retrahant. L’Akathaïadah est en quelque sorte, le Prince de ce territoire, l’équivalent du Grand Tiram pour les siâliens, les orcumiens que les autres peuples de Retrahant connaissent.

Brahar se sentit un peu gêné car il craignait que le dignitaire kandrasien ait la sensation qu’on lui donne un cours de géographie. Il mit alors un genou à terre et lui tendit le présent qui lui était destiné. Il s’agissait d’un coquillage d’un céphalopode de taille conséquente très coloré que l’on ne trouvait que dans les eaux chaudes de l’océan du Sud, le SouhYshmeï. Des scènes de pêches avaient été finement gravées sur les cotés de la coquille du mollusque.

Veuillez accepter ce présent, il est une illustration de notre artisanat local, nous sommes, en effet, très attachés à l'océan. Ne soyez pas offusqué par sa modestie, la Souhnak est pauvre et ne comporte encore que des villages. Rien de comparable à votre puissant territoire que je viens de traverser. J’espère que le commerce via nos ports en construction, nous permettra de développer des villes aussi magnifiques qu’Elderine, sans bien entendu pouvoir profiter des siècles d’histoire qui l’ont façonnée.

Si vous nous le permettez, nous représenterons la Souhnak aux fêtes retranes et en l’absence de représentant du Grand Tiram des siâliens, le territoire d’Orcum dans son ensemble.

Après que Brahar, représentant de l'Akathaïadah, eut pris la parole, l'homme au visage mate entreprit de faire ses salutations sans pour autant se mettre en avant de la voix de la Souhnak. L'accent était assez prononcé et semblait nouveau pour les neophytes.


Seigneur Intendant d'Elderine,

Je vous fais les salutations d'Yshlé Lohas, ville de la Souhnak sous la gouvernance du Prince Kenaha Harij. Je suis L'ham, voix de ce Prince ici au Nord de nos contrées chaudes...

La Baie des Lunes, traduction plausible de l'Orcumien, Yshlé Lohas, est une ville en pleine expansion. Pour soutenir l'Akathaïadah, ainsi qu'Orcum même, je viens pour vous offrir un témoignage de notre volonté d'établir une relation saine et fructueuse entre nos contrées.

Il fit un geste rapide, alors même qu'un serviteur apportait un présent enveloppé dans des tissus de soie.

Voici une jarre de petite taille contenant quelques parfums que vous pourrez qualifier d'exotiques. Le sable parfumé diffusera de douces senteurs des terres chaudes de la Souhnak.

Il salua l'homme en s'abaissant presque au niveau du sol, tête face contre terre, genoux pliés. Puis il se recula pour laisser la voix de l'Akathaïadah prévaloir.

Alors qu'il était revenu des appartements Ciraniens, là ou la situation se calmait doucement, le Régent, après son petit discours pour relancer l'entrain de la fête, décida de se servir un verre de vin. Rien de tel qu'un peu de vin pour calmer le sang, pensa-t-il. C'est alors qu'il sirotait son verre que la délégation Orcumienne l'aborda. Ils étaient vraiment étranges, même pour des orcumiens. Leur coupe de cheveux, peut être ? Qui sait. Et puis, il ne voyait plus beaucoup d'Orcumiens, et cela depuis longtemps. Ho, il y avait quelques caravanes de marchands qui accostaient à Dilian et redescendaient les routes jusqu'à Elderine, mais lui même sortant peu, il n'en voyait que peu ou pas. D'ailleurs, ceux ci avaient surement suivi le même voyage, Dilian était certes assez haut sur la côte ouest Kandrasienne, mais de loin le plus grand port du royaume, et disposant des meilleures routes. Alanor inclina rapidement la tête en signe de respect aux Orcumiens.

"Je vous souhaite à mon tour la bienvenue en Kandrasie et en ma demeure, messeigneurs Brahar et L'ham. Considérez vous ici comme chez vous. Demandez et vous aurez. Je vous remercie pour vos présents, et considérerez avec attrait un nouvel Orcum. Vous êtes bien évidemment autorisé à représenter vos contrées ; si vous êtes ici c'est bien pour cela, n'est ce pas ?"

Il avait posé son verre de vin et c'était saisit à tour de rôle des présents, les avaient brievement regardés, puis avait demandé à un serviteur de les amener à ses appartements privés.

"Je serais plus à l'aise pour les admirer." se justifia-t-il.

Ils parlèrent quelques instants, d'Orcum, de Kandrasie et de commerce, quand Alanor reprit.

"Messeigneurs, je vais vous faire mener à vos appartements, vous pourrez vous y reposer avant le banquet de ce soir. "

Puis il s'excusa et partit.

Tous les invités ou presque étaient arrivés. Leurs appartements leurs furent montrés, et le temps s'écoulait doucement. Ce soir aurait lieu le grand banquet d'ouverture de la fête. Et déjà, les cuisines étaient prêtes, et l'on arrangeait la grand'salle. Alanor se retira lui aussi dans ses appartements avant le banquet. Il y accorda une audience au Seigneur Filem qui partit quelques instants après. Des affaires urgentes à règler, lui avait-il dit. Mais il reviendrait.





La journée passa, si bien que l'on n'était plus qu'à une heure du début du banquet. Alanor avait revêtu une riche tenue qui seillait à son rang. Il portait toujours ces chemises blanches qu'il appréciait tant - celle-ci avait des manches flottantes, le tout surmontée d'un riche pourpoint noir brodé d'or. On y voyait les armoiries d'Elderine brodées sur son coeur, et les boutons étaient inscrustées de petites pierreries. Il portait un pantalon de même couleurs et de souples chaussures de cuir. Enfin, une boucle d'Eria brossé représentant le poing d'Erelian ornait sa ceinture de cuir noir, et il portait toujours sa fine boucle d'oreille en or. Il allair sur ses quarante-sept ans, et avait donc certaines mèches grisonnantes parmi ses cheveux noirs, et une barbe finement taillée et rasée de frais, elle même striée d'argent.

Tout était prêt, il s'installa alors au bout du banquet, à la place qui lui était réservée. La table haute, ou allaient sièger les Seigneurs Ilaak, Dertil de Crykas et Ethen. Non loin bien évidemment, prennaient place les autres invités. Alanor comptait sur Dame Sarah de la Marche pour le représenter dans les tables plus basses, ou il ne pourrait tendre l'oreille sur tout. Chaque seigneur avait emmené sa famille et sa suite, ce qui faisait une grande tablée. Alanor avait veillé pour que ses seigneurs soient placées de façon a recouvrir toute la tablée. De fait, celle ci se séparait de telle façon :
La table haute, ou se trouvaient les dirigeants des royaumes présents, la table des Prism, ou siègeaient tous les autres invités et certains Trism bien vus, et enfin la table des Trism, ou se trouvaient marchands aisés et serviteurs du palais. Car la table d'Alanor, tous se cotoyaient. Il régnait par deux choses : le peuple et les armées. De fait, le peuple disposait de moyens de faire la fête à l'extérieur, et la plupart des soldats avaient quartier libres, ormis la garde personnelle du Régent qui sécurisait le Palais.

Le Karsper Ethen se leva.

Je souhaite lever ma coupe en l'honneur du maitre des lieux. Je vous remercie de votre accueil et vous felicite d'avoir su rassembler à cette table des belligerents passés et peut être de futur alliés. Seul l'avenir nous le dira.

Le Karsper attendait que les autres seigneurs se levent.

Sur la table des Prism, se retrouvait encore la dame à la capuche. Elle dévisageait le Régent Calmanan comme si elle lui en voulait encore de l'avoir bousculée avec ses gardes comme un simple Trism, mais elle semblait surtout curieuse, semblait-il. L'Intendant Ciranien la regardait du coin de l'oeil, l'air contrit. Elle l'avait en définitive informé, mais elle avait aussi refusé catégoriquement de se dévoiler ou de s'asseoir à ses coté à la haute table, aux cotés de ce Régent qui commençait à grisonner.

Elle était d'ailleurs enfouie plus profondément encore sous sa cape, car bien qu'elle ait tenté de contacter le plus discrètement possible l'Intendant Ilaak et le Karsper Ethen, cela n'était pas passé inaperçu.

Soudain, ne tenant plus en place, elle leva son verre, se leva elle même, puis s'approchant du Régent :

- Je lève une humble coupe en l'honneur du Karsper Aevenspeer venu en paix à ce banquet, cela est une excellente chose... Ainsi qu'à tous les autres... Et bien sûr en l'honneur du maître des festivités, le Régent Calmanan par la grâce d'Erelian, qui sait parler aux... modestes étrangères, bien qu'un peu trop enclin à se faire suivre par des gardes brutaux qui n'ont que faire de la galanterie lorsqu'ils bousculent.

Mais allons ! Puisque la paix semble être revenue partout, réjouissons-nous. Soyez loué pour la qualité de votre Fête, Régent Calmanan. Pourtant, soyez assuré qu'il y a seulement quelques saisons je n'aurais pas parié un retrah que je trouverai céans l'occasion de vous louer !

Entendant le seigneur Ethen :

"Et peut-être de futurs belligérants!" Il rit, comme un grognement de satisfaction.

Puis, reculant d'un pas, il bouscula une mince silhouette encapuchonnée qui ne le fut plus à l'instant même ou le lourd pied Empersois marcha sur le frêle pied d'Ona. Ils se reconnurent instantanément.

"Dame Ona, c'est un vrai plaisir, un vrai! Je ne vous avais pas vu depuis plusieurs années, lorsque j'étais allé en Aevenspir pour guerroyer. Mais tout ceci ne sont plus que de vieux souvenirs plaisants, et si vous étiez un homme, je vous serrerais sur le champ dans mes bras comme le vaillant frère d'armes que vous auriez été.
Quoiqu'il en soit, on ne peut que se féliciter de voir que l'Aevenspir a pu garder, pour un moment encore, le peu de souveraineté qu'il a jamais eu.

Restez donc là, ma mie, nous discuterons un peu! Qu'en est-il des enfants que vous avez eu avec Sieur Ilaak? On dit que vous attendez un fils avec un désespoir proportionnel aux années qui passent. Vous avez au moins la chance de ne pas être stérile comme la plupart des femmes Aevenspeers ou violée, comme la plupart des femmes Beilanes!
Un éclat rire, plus gras que le précedent, bien plus gras. Une rasade de vin suivit ce petit discours, rajoutant par là-même à la joie du personnage.

Lorsque la troupe, somme toute conséquente, arriva aux portes d'Elderine, le corps de garde en fut surpris. Ils pensaient que tous les invités de l'intendant étaient arrivés, et, en tous les cas, ils n'attendaient pas ceux ci...
Une centaine de cavaliers, tous de noir vêtus, commandés par deux femmes, en uniforme rouge, venaient d'arriver au grand galop.
Le sergent de garde se plaça au devant de ces cavaliers.

"Halte là ! Qui êtes vous et que venez vous faire ici ?"
"Ton intendant, répondit la femme blonde, n'a-t-il pas invité tous les seigneurs de Retrahant, ou tout au moins ceux qui voulaient venir, ici, à Elderine ?"
"Euh... Si, mais..."
"Alors va lui annoncer qu'Oraganza Feld Brumacier souhaite participer à cette fête. Et dépèche toi, car si je devais rater le banquet, cela me mettrait de fort mauvaise humeur !"
"Très bien. Attendez ici ! Je fais porter le message tout de suite"

Immédiatement, le sergent fit envoyer un de ses hommes avertir l'intendant de Kandrasie que des graméens attendaient devant ses portes...

Tandis que le sergent devait remonter la cité pour atteindre le Palais, il laissa l'ordre à son second de ne laisser entrer personne avant son retour. La nuit était tombée désormais, et il avait ordre de vérifier les identités de chacun - ou d'avoir l'aval du Régent - pour laisser quelqu'un pénétrer dans la cité. De plus, ils semblaient bien nombreux et bien trop secs pour être venus seulement pour la fête, pensa-t-il. Et Brumacier... Cela lui disait quelque chose... Il avait baroudé longtemps dans l'armée, ce qui lui avait donné quelques connaissances, mais il n'arrivait pas à remettre le doigt dessus. Toujours est-il qu'il prit un cheval au cor de garde et se rendit au Palais tandis que les archers continuaient leurs tours de garde sur les remparts, et que les ordres au sujet de ces nouveaux arrivants avaient été donnés.

Lorsqu'il arriva, la fête avait déjà commencé, et il trouva son Régent atablé. Celui ci discutait avec l'Intendant d'Empersiste et une Dame qui failli choir. Il remarqua que le dirigeant Ciranien semblait ronger son frein. Alanor Calaman lui, se leva calmement, un verre de vin à la main, et remercia tous ses invités. Il en cita quelques uns, et fini par faire rire la salle avec une petite plaisanterie empersoise. S'impatientant, le sergent s'adressa à un des Fiera Erelian qui se trouvait près de la porte. Il lui glissa quelques mots, sur quoi celui-ci se dirigea vers le Régent. Il était de notoriété publique que les Fiera Erelian avaient l'oreille du Régent. Celui-ci sembla s'excuser quelques instants et arriva à la rencontre du sergent.

"Qui a-t-il, sergent ?" Commença-t-il, une fois que les deux hommes étaient un peu en retrait.
"Une troupe est arrivée aux portes d'Elderine monseigneur, une centaine d'hommes en noir, dirigés par deux femmes en rouge. Celle qui m'a demandé de vous faire prévenir avait un accent étrange. Elle a dit se nommer Oraganza Feld Brumacier, mon Régent."
"Tiens ? Leur ambassadrice semblait plus prompte à la bouderie qu'autre chose, avec ces dernières missives..." il resta interdit quelques instants.
"Faites les entrer, sergent. Mais veillez à ce que seulement ces deux femmes et dix de leurs hommes pénètrent dans le Palais. Indiquez aux autres les quartiers de la milice, et faites et sorte qu'ils y soient bien reçus."
"Bien mon Régent !"

Le sergent fit alors un salut militaire qui tira un sourire à Alanor et il disposa. Le Régent reprit sa place et fit tinter son verre pour avoir l'attention de tous.

"Seigneurs et Dames ! Il semblerait que nous ayant un nouvel invité ! Dame Oraganza Feld Brumacier de Gramée vient d'arriver à Elderine. Elle sera ici sous peu, je suppose."

En un éclair, on fit de la place à la table des Prism pour les futurs nouveaux arrivés.





Le sergent était revenu aux portes, et les étrangers n'avaient pas bougés. Ses hommes semblaient quelque peu nerveux. Garder à l'oeil une centaine d'hommes en noir et calme comme la nuit, cela avait de quoi agacer quelque peu. Qu'importe. Il s'adressa à la dame qui lui avait parlé tout à l'heure.

"Le Régent Calmanan est heureux de vous savoir arrivée ma Dame... Mais il a été formel, votre garde ne pourra entrer dans le Palais aussi nombreuse. Seul dix d'entre eux seront autorisés à entrer, les autres passeront la soirée à la milice de la ville. Je les ferai guider par quelques uns de mes hommes, tandis que je vous mènerai personnellement au Palais."

Lorsque le sergent revint porter la réponse d'Alanor, Toute la troupe graméenne était encore en selle. Les deux femmes discutaient entre elles tandis que les autes demeuraient imperturbables. Oraganza écouta les conditions de l'intendant, puis répondit :

"Rassures toi, sergent ! Seules Jabbress Khiara et moi entreront dans le palais. Mes légionnaires camperont ici, devant les murs. Et en signe de bonne volonté, nous laisserons ici nos épées."

Les deux femmes mirent pied à terre et se débarrassèrent des épées qu'elles portaient toutes les deux sur le dos. Elle ne gardaient comme seules armes qu'une petite dague de lancer, accrochée à leur ceinture, et un stick glissé dans une de leurs bottes. Oraganza se retourna vers ses hommes et cria un ordre en graméen :

"Draw phor l' tents !"*

Aussitôt, les cavaliers noirs démontèrent et commencèrent à monter leur campement.

"Nous te suivons, sergent,reprit Oraganza. Guide nous jusqu'au palais car, ni ma soeur Khiara ni moi ne nous sommes jamais rendues à Elderine !"

De bonne grâce, et un peu soulagé que les choses se passent aussi bien, le sergent guida les deux femmes vers le palais. Arrivées dans le salle du banquet, Oraganza vit un homme, certainement Alanor, leur faire signe de s'asseoir à la table où on leur avait obligemment fait de la place

"Commençons par manger, ma soeur, glissa Oraganza à Khiara, en aparté, il sera toujours temps de discuter par la suite"

* Dressez les tentes !

Sarah était en train de manger avec les autres quand les deux femmes arrivèrent dans la salle.
Elle se demanda si elles étaient bien les émissaires Graméennes et se retourna vers le chevalier Fiera Erelian qui se trouvait derrière elle et lui demanda de venir plus près.
Le chevalier s'executa et Sarah lui parla au creux de l'oreille
"Georges, mon bon, elles sont Graméennes ?"
"Graméennes Ma Dame. Très certainement vu leur accoutrement et les armes à la taille."

Sarah se renfonca dans le fauteuil et regarda attentivement les deux femmes
"Tiens, tiens, tiens… Pour une surprise, c'est une surprise…"

Frun Sortaksper, sans un mot ni un regard pour l'Intendant Empersois, et sans faire remarquer le moins du monde que son pied souffrait le martyr après l'agression d'une botte cloutée portant un ventre issu de longues décennies de banquets ephynois, dégagea fermement une place aux cotés du dirigeant ciranien. Elle s'y installa le plus naturellement du monde puis, soufflant à son époux :

- Là était ma volonté de m'asseoir, cher Ilaak, maintenant que j'ai profité de mon anonymat pour inspecter à ma guise le détail de ces lieux et de ces Kandrasiens. Vous ne me tenez pas rigueur pour ce retard, n'est-ce pas ?

Alors, regardant enfin l'Ephynois qui cherchait des yeux un serviteur pour lui remplir à nouveau sa coupe de vin, elle lui répondit passablement fort, comme si elle doutait de la finesse d'ouïe du vieux Roi :

- Adonc, les Scirjii soient loués que je ne sois pas un homme ! Ce n'est pas que je dédaignerai votre accolade, loin de moi l'idée, mais...

Plus doucement, comme une confidence :

- Vous avez du vin sur la barbe.

Reprenant :

- Or ainsi vous gardez un plaisant souvenir de votre voyage en Aevenspir ? La résistance ne fut guère valeureuse. Ma mémoire me fait défaut, vous-rappelez vous pourquoi je ne vous avais pas empêché moi même de retrouver facilement vos femmes et vos banquets ? Mon armée...

Faisant la moue :

- Mes défuntes armées... Je peux désormais être tristement certaine...

Souriant

- ...qu'elles ne soutiendront donc jamais de siège d'Ephyne.

Fronçant les sourcils :

- Le peu de souveraineté, dites-vous ? Vous auriez...

Soupirant :

- ...vraiment mérité un siège en ordre, lors de ma souveraineté passée.

Quoi qu'il en soit... Je vous remercie de vous tenir si amicalement au courant de la descendance Frun Sortaksper, même si vous semblez croire des rumeurs ridicules, ce qui devrait porter un rude coup à l'estime que je vous portais. Certes, Estrel de Sortaksper s'amuse bien en mes modestes terres, tandis qu'Anyan d'Itoria ne se lasse pas de faire des misères aux notables d'Osmad, selon certains dires.

Le Roi semblait toujours embarrassé par sa coupe vide; il n'avait pu se retenir également de passer une main dans sa barbe à l'allusion du vin. Mais tout à coup deux femmes se dirigèrent vers la table des Prism. Ona ne douta pas une seconde de leur origine et, se levant, vint leur murmurer :

- Al'doer j'nesstren dal Gramee... Natha ves verve draeval usstan xuat telanth dosst xanalress. Ussta fuma screa ol vel'drav Sophrena Osgarth zhahus valsharess.*

Puis elle s'inclina brièvement et rejoignit sa nouvelle place.

* Bienvenue femmes de Gramée... Voilà très longtemps que je n'ai pas parlé votre langage. Ma famille l'apprit lorsque Sophrena Osgarth était Reine.

Darian, en tant que seul représentant du Beilan présent, s'était installé à la table des Prisms. Après tout... Il était *presque* noble. Souriant à cette idée et sous l'effet du vin dont il venait de se resservir une enième coupe, il se tourna vers l'intendant Ciranien qui était installé non loin.

"Dites-moi, Sire... Maintenant que j'ai la chance d'avoir face à moi un très saint Archévèque, je puis poser les questions qui me taraudent... Comment Notre Père voit-il la situation dans laquelle nous sommes, alors que sa parole recule et que les impies sont de plus en plus nombreux, parfois protégés par ceux qui se disent suivants de Sa Parole ?"

Le Beilanais commença à attaquer l'espèce de paté qui avait été placé non loin. La viande était moëlleuse et des épices rares relevaient le tout. Il fit une moue admirative en machant, regardant du coin de l'oeil Ilaak, puis il tourna son couteau en rond dans la direction de ce dernier, avalant la part conséquente qu'il s'était servi. Tout en lui désignait une origine roturière.

"Notez bien que je comprends que, parfois, on puisse laisser du répit à notre lutte pour la Lumière de Gaed. Certains des impies sont simplement perdus, éloignés de la lumière, et il est de notre devoir de les y guider à nouveau... Mais... Ceux qui se sont définitvement éloignés de sa Sainte Parole, où qui l'abatardissent de réflexions hérétiques ?"

Il pointa du couteau divers Kandrasiens.

"Ces hommes croient en une illusion néfaste, pourtant ils ont plus de foi que la plupart des Gaediens. Seigneur Ilaak, où sont passés vos Evèques et Archévèques ? Vos Inquisiteurs ? Les derniers Ciraniens que nous avons vus sont venus mettre sur le trône une Marquise qui ne vaut pas mieux que le défunt Filem, et on lisait dans les yeux de vos officiers plus de basse politique que de foi sincère."

Il arracha la cuisse d'une quelconque volaille rotie et versa dessus une louche de sauce.

"Je suis désappointé, il me faut l'admettre. Heureusement que je puis faire confiance à notre Créateur pour me guider en ces temps troublés."

Deux jours avaient passé depuis le départ de Fïlem. Ce dernier malheureusement ne reviendrait jamais à la fête de Elderine comme il l'avait promis. C'est pourquoi son fils Selfÿs ayant récemment relevé l'ancienne cité de son père et converti en forteresse-monastère, décida d'honorer la parole de son père envers le Seigneur Alanor.

Il arriva avec une petite troupe de cinq moines guerriers tout au plus ne vivant que pour Gaed avant tout : ils étaient prêt à faire couler le sang des hérétiques.

Apparemment Elderine se transformait en une géante auberge de passe, une bonne centaine d'hommes aux bas mots campait devant la cité. N'en tenant pas rigueur Selfÿs alla s'annoncer à un garde fort acueillant et sympathique.

Salutations, veuillez bien annoncer la venue du Seigneur Selfÿs de Froides Marches fils de Fïlem ancien intendant du Beilan à votre maître.

L'épisode qui avait eu lieu entre Dertil et Ona avait attisé l'inquiétude d'Ilaak, et lorsque celle-ci s'installa à ses côtés en s'excusant de son retard Ilaak soupira :

"Je ne vous en tiendrai pas rigueur en effet.... Seulement ces dernieres j'ai beaucoup de mal à vous suivre...
Enfin, qu'y puis-je. Je suis heureux de vous avoir enfin à mes côtés, qu'avons nous l'air à cacher votre présence..."

Prenant un verre de vin ciranien pour se détendre, Ilaak dégusta un vin d'une cuvée de qualité et en profita pour féliciter son hôte bien qu'il sache parfaitement qu'Alanor n'était surement pour rien dans ce choix.

Puis il écouta le beilanais. A croire que même des banquets de si bonnes qualités ne suffisent pas à endiguer leurs sarcasmes, se dit Ilaak. Puis patiemment, d'un ton neutre, il lui répondit :

"Je ne suis pas Archevêque sire, mon père l'est mais son âge est bien trop avancée. C'est la deuxième année de suite que les médecins lui annoncent qu'il ne passera pas l'hiver. L'archevêque Dylan Selden aurait apprécié venir "s'indigner des cultures païennes des autres peuples" selon ses propres dires, mais la reconstruction ainsi que sa purification lui prend beaucoup trop de temps."

Deux graméennes sales et puantes entrèrent et s'installèrent non loin de lui, ce qui lui arracha une moue désapprobatrice. Mais il n'était pas chez lui, et il ne pouvait se permettre une remarque désagréable, laissant ce rôle à son interlocuteur. D'ailleurs, il fallait continuer de lui répondre.

" Vous dites que la marquise Aliénor ne vaut pas mieux que le feu seigneur Filem. Qu'en savez vous, vous ne connaissez pas la marquise. J'ai eu l'occasion de la rencontrer plusieurs fois, et je connais le passé de Filem. C'est suffisant pour me dire que l'amélioration est majeure.
Et puis ne dites que vous lisiez basses politiques dans les yeux de mes soldats, alors que vous vous trouviez vous même ici, à un banquet, pendant que j'ai une totale confiance en mon général présent au Beilan.
Faites donc attention au rumeurs d'autant plus que si j'en crois les rapports, vous ne pouvez tenir cette information de vos propres représentants, votre ville n'ayant joué que le rôle d'observateur depuis son inauguration..."

Puis, comme pour indiquer qu'il avait assez débattu de choses désagréables pour ce soir, Ilaak se servit un magnifique morceau de viande, qui attirait son regard depuis son arrivée.

Oraganza et Khiara s'étaient assises a la table et avient commencé à degusté les mets, tous plus délicieux les uns que les autres, il faut bien l'avouer, que les serviteurs apportaient sans relâche. Les deux femmes en profitaient pour observer l'assemblée. Leur arrivée, tardive, n'était pas passée inaperçue et avait déclenché maintes réactions, allant de l'ignorance au dégout profond. En son for intérieur, Oraganza jubilait. Il y avait là une belle brochette de toute la faune retrane. Des mystérieux émissaires d'Orcum aux gaêdiens les plus extrémistes, en passant par les scrijiques aevenspeers. Elle avait cru entendre, dans une conversation, un des convives donner le titre d'Archevêque à un autre. Elle se concentrait pour essayer de suivre la conversation lorsqu'elle fut interrompue par une femme qui s'adressait à elle en Graméen. Tout d'abord surprise, elle répondit dans la langue des marais.

"Bel'la dos whol dosst al'doer, ussta Jallil. Drill udos ph' naut ghil wun Gramean thac'zilen. Drill udos ph' wun public, ji qualla, telanth er'griff l' rivvin xanalress."*

"Je suis Jabbress Oraganza Feld Brumacier. Et voici Khiara Leorn. Jabbress Khiara... Ma soeur... A qui ai je l'honneur ?"

Merci de votre accueil, ma Dame. Mais nous sommes en public, je vous demanderai donc de n'utiliser que le langage commun

Brahar, assis à la table des Prisms, écoutait les conversations sans mots dires. Il goûta les différents vins et pensa que le meilleur était celui de l'Elbre, enfin il était celui qui correspondait le mieux à son palais. Les Rem'Yshmes construiraient ils un jour un palais dans la perle de l'océan? Quand il prit du recul par rapport à ce cheminement d'esprit, il comprit que l'herbe, qu'il avait mâchonné auparavant, commençait à avoir un effet et se mariait mal avec le vin qu'il avait dégusté ou plutôt bu, tout simplement.

Il devint alors très prolifique. Il engagea une discussion avec les dignitaires kandrasiens qui étaient voisins de table sur le port kandrasien de Dilian. Il avait été impressionné par le port de cette ville. Non pas du fait que Takkel - Yshma ne possédait qu'un seul quai en bois, mais l’organisation des infrastructures du port était intéressante et différente de celle ayant traditionnellement lieu dans la Souhnak. Les Rem'Yshmes étaient un peuple voué à l'océan et au commerce, les deux étant liés... La connaissance des traditions portuaires des autres peuples pourrait apporter à son peuple et le passionnait. Il se rendit compte qu'il ennuyait les dignitaires kandrasiens lorsqu'il aborda le problème des chantiers navals. La position des voiles et le nombre de mats sur un navire pour profiter au mieux des vents ne semblait pas les passionner...

Il redevint silencieux écoutant les gaediens essayant de déterminer celui qui était le plus croyant d'entre eux. Il lui sembla que la réponse de l'intendant ciranien était pertinente face au beilannais qui semblait chercher à le provoquer.

Discrètement, il tira de sa poche quelques herbes qu’il mâchonna et rebut du vin de l'Elbre. Son regard se perdit et regarda la kandrasienne Sarah. La femme était attrayante mais son accoutrement typiquement kandrasien masquait ses formes. Il aimait les femmes de la Souhnak dont les vêtements légers dévoilaient les formes. Le visage de la kandrasienne était son atout, mais il l'oublia très vite lorsque la graméenne entra dans la grande salle. Le corps était magnifique, la couleur rouge laissait à désirer, mais bon. La poitrine qui restait un mystère pour la kandrasienne semblait alléchante pour la graméenne. Non pour le volume mais la forme...

Il fit des compliments à Sarah sur son élégance et allait aborder la graméenne lorsqu'une femme aevenspir ou beilanne prononçant une phrase dans un langage qui lui était incompréhensible le devança... La réponse de la graméenne fut inamicale, il savait à quoi s'attendre mais s'y risqua en tachant d'en tirer leçon. Il s’assit en face de la graméenne et parla de façon à ce que seules ses proches voisins l’entendent.

Dame Oraganza,

Je suis l'envoyé de l'Akathaïadah de la Souhnak, l'équivalent du Grand Tiram pour le Siâle en Orcum.

En prononçant la phrase, il se rendit compte de la niaiserie de ses propos et essaya de se rattraper.

Votre réputation est parvenue jusqu'en Souhnak, je suis heureux de voir une vraie graméenne pour la première fois. Reconnaissez que vous êtes à part dans le monde de "gentils graméens" qui peuplent votre territoire, votre intendant, votre ambassadrice... Je me risquerais à dire que vous rappelez à tous une période qui est révolue...

Profitant de la spontanéité de son intervention, il saisit le bras de Khiara d’une main très ferme et l’embrassa sur le dos de la main, la relâcha et tendit sa main ouverte vers Oraganza,

Il tenta la provocation, il verrait bien.

Ona avait souri à son Intendant de mari, répondant :

- Je conçois certes que vous ayez du mal à me suivre, ayant personnellement du mal à me suivre moi même à tel point tout à beaucoup changé pour moi... Les voix de Gaed sont impénétrables, mais il s'en ait fallu de peu que vous soyez veuf...

Ilaak s'était visiblement renfrogné lorsqu'elle avait engagé la parole avec des grameennes fraîchement arrivées. Elle répondit à celles ci :

- Bien sûr. Vous pardonnerez cette opportunité pour moi de pratiquer une langue que je n'ai jamais l'occasion d'user. C'est une tradition dans ma famille que d'apprendre le graméen, depuis et en mémoire de mon ancêtre Anyaïs, qui trouva ironiquement la paix des Khans de Gramée puis la mort par des frères aevenspeers. Mais je parle trop, veillez m'excuser... Pour ma part, je suis... J'étais... Enfin. Je ne suis céans qu'une humble seigneuresse de l'Elbre, qui a gardé de ses anciennes années un mari Intendant -le seigneur Ilaak.